Chayra Russo

J’exagère si je dis être née dans un monde qui ne correspond absolument pas ? Peut être pas, mais le dire ne changera rien aux faits. Je suis le second enfant de Ricardo et Antonella De Luca. Mon père est une lieutenant actif est particulièrement respecté de la Cosa Nostra, ainsi pour lui mon frère aîné Guiseppe constitue l’avenir de notre famille. Moi ? Une femme, et il n’y a qu’à voir la manière dont il traite ma mère pour s’apercevoir qu’à ses yeux les femmes n’ont AUCUN droit. Aucun droits oui mais des devoirs ça elles en ont : être docile, soumise et fermer leurs gueules. J’ai grandit avec ce modèle, avec la vision d’une mère “faible” mais aimante, douce mais terrorisée dès qu’elle a le malheur de contrarier mon père.

Mon père… tout aussi violent et misogyne qui soit, une part de moi n’a jamais cessé d’essayer d’attirer son attention. Je désirais sa reconnaissance plus que tout au monde. Je ne l’obtiendrais malheureusement jamais. J’étais belle, et ça constituais pour lui le seul attrait qu’il pouvait me trouver. Me garder belle et pure, pour faire de moi au moment venu la parfaite petite épouse. Parfaite ? Dans les apparences peut être, parce que je n’avais pas le choix. Chaque écart de conduite me valais des coups et j’ai beau avoir un caractère de merde, tempétueuse et provocatrice à mes heures, je sais faire ce qu’il faut pour me préserver et me protéger. On échappe pas à la Causa Nostra, ou en tous les cas pas debout sur ses deux jambes. Fuir n’était pas une option bien que j’y ai songé mainte et mainte fois. Qu'est ce qui me restait comme option ? Tenter de me battre pour m’élever à l’égal des hommes ? J’en aurais jamais l’opportunité, je ne serais jamais traitée comme leur égale,

J’avais dis huit ans quand ce jour où j’ai eu la malheur de tenir tête à mon père dans un de ses mauvais jours. J’ai vidé mon sac et je lui ais balancé tout ce que je pensais de lui, lui balançant clairement que j’allais me barrer pour vivre ma vie comme MOI je l’entendais. Il a défait la ceinture de son pantalon, enroulant la lanière de cuir autour de sa mains pour avoir une bonne prise dessus avant de me battre rageusement. Il vociférait des infamies, me hurlant que je n’irais nulle part qu’on ne quitte pas la famille… que le jour où je quitterais son toit ce sera pour épouser l’homme qu’il m’aura choisi. En somme je quitterais un enfer pour un nouveau. Il a fallut que mon frère intervienne pour qu’il cesse de me taper des dessus. Ce soir-là, si mon corps n’a gardé aucunes séquelles de ses violences, mon esprit lui est marqué à jamais. Je ne pardonnerais jamais à mon père… ni à ma mère de m’avoir regardé souffrir à ses pieds sans réagir. Parfois il m’arrive de me dire que ma vie serait plus simple si j’étais soumise comme elle l’est… mais en réalité je crois qu’elle est totalement brisée. Et là ma plus grande crainte se révèle : je refuse de finir comme elle. Je refuse cette fatalité promise par le regard froid et dénué d’émotion de mon père.

Durant les deux années suivantes, j’ai fais profil bas, pas parce que j’avais abandonné, mais parce que j’avais un marché avec mon frère. Je me tempère, j’évite de provoquer inutilement notre père et lui m’apprends à me défendre. Il m’a notamment appris, et ce, dans le plus grand secret à me servir d’une arme à feu. Durant ses deux années il a été là pour moi, il a été ce grand frère aimant dont j’avais terriblement besoin, il a “attendri” si je puis dire mon regard sur la Cosa Nostra, tentant de me faire comprendre que tous ne sont pas comme notre père. Là-dessus il n’a pas tords… il y en a des pires, mais il cherche tellement à me rassurer et à m'apaiser que j’ai pas tenté de le contredire.

J’ai dix-neuf ans quand mon père m’annonce m’avoir offerte pour femme à Matteo Russo. Je me souviens même pas avoir réagis, je savais que ce jour arriverait tôt ou tard. Je crois lui avoir seulement demandé “Quand?”. Résignée ? En quelques sorte, si ce n’est pas lui se sera un autre… Alors autant le dire objectivement Matteo est un bel homme, pour ce qui est du reste, il est comme tous les autres.  L’année suivante, je me retrouve mariée à cet homme. Le seul point positif qui me saute directement aux yeux c'est que je ne subirais plus l’autorité de mon père. Est-ce que celle de Matteo est pire ? Je le saurais malheureusement bien assez tôt. Notre mariage est célébré et lors de la nuit de noce il me prends ma virginité. Je vais être honnête je m’attendais au pire, ma mère m’avait préparée au pire… et pourtant je garde étonnamment un souvenir “agréable” de cette nuit. Autoritaire ? Oui il l’est, mais il a su étonner me mettre en confiance et préparer mon corps pour que le plaisir surplombe tout le reste. Oui bien sur il a prit son pied, mais pas aux dépens du mien alors oui après cette première nuit j’ai eu la malheur de penser que ma vie avec lui pourrait être acceptable. Oui ben je me suis fourré le doigts dans l’oeil bien profond.

On a d’abords quitté la Sicile pour l’Amérique, nous avons élu domicile dans un manoir à San Diego. Grâce à une bonne éducation je connaissais la langue de molière et je n’ai pas eu particulièrement de mal à m’habituer à la vie là-bas. Je dois même avouer qu’être loin de ma famille me fais étrangement du bien. Sauf pour mon frère qui me manque… et que j’appel régulièrement encore aujourd’hui. Pour le reste, rien ne change malheureusement. Pour mon maris, je ne suis qu’une belle poupée dont il dispose quand sa lui chante, si je lui résiste ? Je m’en prends plein la figure… ou alors il me menace, de m’offrir à l’un de ses hommes si je venais à trop lui casser les pieds. Est-ce qu’il est sérieux ? J’ai bien peur que oui. Avec le temps nous avons trouvé lui et moi une forme d’arrangement. Lorsque nous sommes en public, je prends sur moi et me comporte comme la petite femme parfaite qu’il veut que je sois, je sauve les apparences en quelque sorte, en revanche dès que nous sommes seuls il est hors de question que je me bride, la tigresse sort les griffes et je me demande si parfois ça ne l’amuse pas…

Nous sommes en désaccord lui et moi à peu près sur tout. Tout sauf une chose, enfin une personne, notre fille. Alicia. Lorsque j’ai su que j’attendais une fille mes craintes étaient naturellement qu’il la perçoive comme mon père me percevait… et je n’étais pas ma mère jamais j’aurais pus accepter ça. Je me trompais, oui je le reconnais. J’aime ma fille plus que tout au monde, mais elle représente aussi le centre de son univers. Je crois que j’ai découvert qu’il était capable de sourire quand il a posé son regard protecteur sur elle. Il l’aime, il la traite avec amour et égard, comme l’égal d’un homme et c’est tout ce à quoi j’aspire pour ma fille. Pour notre fille. C’est étrange mais c’est un point commun qui nous unis d’une certaine manière. Alicia est la seule chose qui nous rapproche lui et moi et devant elle je ne fais jamais de reproche à Matteo, je ne m’énerve jamais. Je refuse qu’elle est une vision du couple aussi triste qu’est la nôtre dans la réalité.