Ezenor 1 // Le temps de la rencontre sonne.

--Outfit-- La réception bat son plein. Une mer de visages connus et anonymes défilent devant moi, parés de sourires calculés et d'une prestance que je devine aussi apprêtée que leurs tenues. L’atmosphère est envoûtante, saturée de rires discrets et de murmures échangés à l’abri des regards. Les chandeliers projettent leur lumière vacillante sur les murs, ajoutant une touche de mystère à cet écrin de décadence et de luxe.

Je sais qu’il est là. Je sens sa présence avant même de le voir, comme si son aura avait pris possession de la pièce. Ezékiel Desmarest. Mon promis, même s’il l’ignore encore. Mon destin, que je suis décidée à saisir. Chaque pas que je fais m’amène un peu plus près de lui, et je sens mon cœur battre avec une intensité presque douloureuse. Mais je ne suis pas du genre à laisser l’émotion me submerger. Encore moins ce soir. J'ai obtenu l'accord de père pour me présenter à lui, avant que ce contrat ne soit agité sous son nez. Accord obtenu de longue lutte, ça n'a pas été sans peine. Mon père a clairement signifié qu'il n'y avait aucunement à tergiverser l'accord ayant été signé il y'a bien des années... Je comprends son point de vue, mais je n'ai pas envie que mon fiancé m'envisage comme un collet qu'on viendrait serrer à son cou...

Je le trouve, enfin, au détour des lieux. Debout, près d'une fenêtre, comme détaché de l’agitation environnante, tel un prince au-dessus de son royaume. Il semble perdu dans ses pensées, l’air détendu mais attentif, comme s’il était finalement à l’affût du moindre faux pas, prêt à juger ce monde dont il est le centre. Je souris intérieurement, réalisant que je présume totalement de ses pensées. Je me sens nerveuse, mais me pousse à avancer en me demandant quel homme résisterait à l’ombre d’une tentation soigneusement façonnée ? Pourquoi une petite voix murmure que j'aimerais que ce soit le mien.

Je m’avance, lentement, sans précipitation. Une démarche assurée, calculée, qui ne trahit ni mon excitation, ni ma détermination. La soie de ma robe caresse mes jambes à chacun de mes pas, glissant avec une délicatesse étudiée. Un léger parfum de magnolia flotte autour de moi, enivrant sans étouffer, comme une promesse douce et pernicieuse.

-"Bonsoir monsieur Desmarest…" dis-je doucement en arrivant à ses côtés, feignant la rencontre fortuite. Comme si je ne l’avais pas cherché du regard toute la soirée. Comme si son nom n’était pas gravé dans mon esprit depuis des années. Il tourne la tête vers moi, ses yeux s’arrêtent un instant sur mon visage. Je le suppose en train de m’analyser, de jauger chaque détail. Un léger sourire joue sur mes lèvres, mais mon regard reste indéchiffrable. Baissant légèrement les yeux avant de revenir vers lui, mes prunelles s’ancrant dans les siennes. -" Aliénor de Saint-Clair, " identité susurrée, comme une confidence offerte. -"Mais mes amis m’appellent Alie."

Je m’approche légèrement, réduisant la distance sans jamais franchir les limites de l’impudence. Il faut attiser l’intérêt, non l’étouffer. -" Est-ce que je vous ennuie avec mes bavardages, Ezékiel ? " je demande, un éclat de malice dans la voix. -" Je vous ai observé de loin, et je dois avouer que votre détachement m’a intriguée. Et donné envie de faire plus ample connaissance." Il n’est probablement pas facile à impressionner, mais il n’est pas insensible non plus, c'est ce que je me répète pour ne pas me dégonfler et faire marche arrière. Je me sens nerveuse parce que... parce qu'il irradie une prestance qui m'assèche la bouche et me rend le soufle presque erratique. Il me plaît déjà. Pas uniquement parce qu’il est mon destin, mais parce qu’il représente un défi digne de moi et parce qu'il est... charmant.

La partie vient de commencer, et je suis prête à jouer chaque coup avec finesse. J’incline légèrement la tête, le regardant sous mes cils abaissés, un sourire à peine esquissé. J'aimerais lui plaire, j'aimerais qu'il m'épouse par envie, pas parce qu'un contrat l'y oblige... mais c'est sans doute prendre mes rêves pour la réalité. Qu'importe ! Je suis habituée à plier le monde à mes volontés, à le façonner pour qu'il colle à mes rêves. Je me tourne alors légèrement, ne lui offrant que mon profil, le laissant contempler la délicatesse de ma silhouette et le charme étudié de mes gestes. Une séduction subtile, presque innocente, mais calculée jusqu’au moindre frémissement. Non, rien n’est un hasard avec moi. Pas même le destin.

La tension qui s’installe entre nous est palpable. Un jeu de patience et d’énigmes où chaque regard, chaque geste, est minutieusement calculé. Ezékiel, bien qu’en apparence calme et maître de la situation, ne m’échappera pas, je m'y refuse. Je sens qu'il m'a analysée, scrutée, et qu'il attend une réaction de ma part, mais je sais aussi qu'il ne se laissera pas prendre aussi facilement et pour tout dire, j'aime ça ! Ne dit on pas qu'à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ? Il me répond avec une réplique bien placée, défiant presque mon audace. Loin de m’effrayer, cela ne fait que nourrir mon désir de comprendre cet homme et de l’emprisonner dans ce jeu subtil où la sensualité résume tout.

Il s'éloigne et je le laisse faire, savourant l’instant avec une lenteur exquise. Sa réponse n’est qu’une invitation à redoubler d’ingéniosité. Si ses yeux ont cherché à me sonder, il a surtout éveillé en moi une curiosité qui me pousse à entrer plus avant dans cette danse d’esprit et de séduction. Croit il que je vais reculer à la première bravade ? Un léger sourire éclaire mon visage, un sourire qui n’atteint pas encore mes yeux, toujours aussi insondables. Je laisse la distance entre nous s'allonger d’un petit pas, mais uniquement pour mieux l'observer. Je n’ai pas l'intention de courir après lui, pas plus que de le laisser m'abandonner si facilement. Il boit, salue et s'éloigne. Je penche gracieusement la tête dans sa direction et l'observe un instant.

Je fais un léger mouvement pour ajuster le pan de ma robe, glissant mes doigts sur le tissu soyeux d’un geste à peine perceptible. Le parfum de magnolia qui m’enveloppe semble à lui seul un défi silencieux, une invitation discrète à gouter aux embrumements que peuvent procurer ma peau. J’incline la tête, comme si je réfléchissais profondément à sa réplique, consciente d'être toujours dans son champ de vision et je m'avance, directement vers lui.

-"Monsieur Desmarest, " ma voix est plus douce cette fois, comme un murmure que je lui offre entre deux respirations. -"Vous vous méprenez si vous me pensez incapable de vous laisser la parole, bien au contraire. Si je viens à vous, c’est pour que nous puissions échanger sur un terrain de plus grande... profondeur." Je marque une petite pause, mes yeux se fixant sur lui avec une intensité qui ne laisse place à aucun doute. -"Mais je comprends que l’on ne puisse s’offrir aux jeux d’esprit sans un minimum de défi. Je vous laisse donc jouer à... votre rythme." Une forme de camouflet ? Peut être un peu ! Disons plutôt que je préfère m'assurer de ne pas me contenter de le laisser indifférent.

Rien n’est laissé au hasard. Chaque mouvement, chaque intonation de ma voix, chaque mot prononcé est comme un fil que je tisse dans ce labyrinthe où je suis la seule à connaître les règles. Tout en maintenant mon regard dans le sien, je m’approche un peu plus près de lui, réduisant à nouveau la distance sans franchir la limite de l’intimité. Je suis là, juste assez près pour que mon souffle effleure à peine sa peau, mais assez loin pour qu’il ait encore le choix de se laisser emporter ou de repousser l’étreinte silencieuse que j’offre. Je me fais silencieuse un instant, espérant lui donner envie de continuer à échanger ou à me défier ou de se laisser emporter dans cette danse silencieuse mais envoûtante.

Un petit soupir et je me laisse aller, à une confidence. -"Vous savez, Ezekiel… " Je laisse glisser un silence, comme pour mieux savourer l’instant. -"Vous m’intriguez. " Mes yeux s'attardent sur lui, perçant la distance entre nous, affichant clairement le plaisir que la vue me procure -"Je crois que vous pourriez me dire n’importe quoi, et je vous écouterais. Peu importe les mots que vous choisirez, je serai là, captive, suspendue à chacune de vos phrases. "

Je fais un petit mouvement du doigt, comme pour effleurer l’air entre nous, avant de m’approcher encore davantage, mon souffle frôlant sa peau. -"Parce qu’à vrai dire, il y a bien plus que vos mots qui m’intéressent... " Je m’immobilise alors, presque contre lui, tout en laissant un léger éclat de malice dans mes yeux.

Je prends son bras avec une grâce étudiée, ajustant le rythme de mes pas aux siens, comme si ce moment entre nous était une évidence. Quand il me provoque, j’affiche un sourire léger, presque amusé, mais c’est dans mes yeux que se cache la véritable réponse : un éclat vif, presque malicieux, que je ne tente même pas de dissimuler.

-"Faire rager mon père ? Allons, Ezékiel, me prenez vous pour une adolescente ?" Ma voix est douce, mais ferme, et je prends soin de laisser planer une pointe de défi dans mes mots. -"Vous croyez vraiment que ce genre de jeux puérils me concerne encore ? Il faudrait être bien naïf pour penser que mon père, ou quiconque d’ailleurs, peut encore être déstabilisé par mes choix. Quant à mes… copines, comme vous dites, elles savent que je n’ai pas besoin d’impressionner qui que ce soit."

Je tourne légèrement la tête vers lui, mes doigts frôlant à peine son avant-bras, comme un rappel subtil de ma présence. Je le regarde, soutenant son regard avec une intensité que je dose juste assez pour le troubler sans le bousculer. Je dépose un instant la tête contre son épaule et lui adresse le sourire le plus désarmant de ma collection.

-"Mais votre hypothèse est amusante, je dois l’admettre. Elle vous ressemble : audacieuse, piquante, mais malheureusement réductrice." Je marque une pause, le temps d’un battement de cils, puis je reprends, le ton légèrement plus sérieux, alors qu'on se retrouve seuls à l'extérieur. -"Et si je vous disais que je suis ici pour bien plus que ça ? Que je cherche à explorer des alliances, à comprendre les rouages de cette loge si... particulière. Cela vous flatterait-il davantage ?"

Je m’arrête un instant, comme pour lui laisser le temps de digérer mes mots, et je fais mine de contempler la vue sur la terrasse. Mais ce n’est qu’un jeu. Car lorsque je me tourne à nouveau vers lui, je m’approche d’un pas, réduisant cette distance qu’il s’efforce tant de garder. Le parfum de magnolia que je porte, léger mais envahissant, le rattrape aussitôt.

-"Ou peut-être…" Je baisse légèrement la voix, comme si je lui confiais un secret. -"Peut-être ai-je simplement envie de parler avec un homme dont la réputation dépasse les frontières de cette loge. Vous pensez bien que je ne serais pas ici si vous n’aviez pas éveillé ma curiosité. Peut être êtes vous le seul homme ayant éveillé mon intérêt et mes appétits ce soir ?"

Je le fixe, et cette fois, je le touche volontairement : ma main effleure son poignet, presque imperceptiblement, mais assez pour qu’il sente la chaleur de ma peau. -"Alors dites-moi, Ezékiel…" Je prononce son prénom avec un naturel déconcertant, comme si je l’avais déjà mille fois murmuré dans des contextes bien plus intimes. -"Que pourrais je bien faire pour susciter votre intérêt ? Pour vous tirer ce délicieux sourire qui me fait circuler le sang plus vite?" Je souris enfin, un sourire franc, même teinté de malice. Je reste là, à attendre sa réponse, sachant pertinemment que j’ai de nouveau déplacé les pièces de cette partie, mais en laissant croire que c’est lui qui a le contrôle. J'aime ce jeu, entre stratégie et séduction, d'autant que je ne m'attendais pas à ce que sa proximité me trouble autant. Ce pourrait il que mon devoir se trouve exactement au coeur de mes envies? Aurais je la chance qu'il soit ce que j'ai toujours désiré, au delà d'être celui à qui j'ai depuis toujours été destinée ? Cette idée me fait sourire, alors que je prends une cigarette et l'allume à mon tour. La fumée est un délicat nuage, une teinte de flou qui se marie à merveille avec mes intentions. Je le dévore, d'un regard gourmand, mon sourire faisant de même avec mes traits aristocratiques. Il est beau... je n'avais jamais perçu ce charme éclatant, avant d'y être ce soir confrontée de plein fouet.