Dayley 1 // Parfois le temps s'arrête.

--Outfit-- Le soleil se lève doucement sur les collines dorées du domaine viticole, baignant les vignes de sa lumière chaude et réconfortante. Je m'éveille avec l'aube, prête à affronter une nouvelle journée emplie de promesses et de défis. Les vendanges approchent à grands pas, et chaque matin est une occasion de perfectionner notre art, de capturer l'essence même de ces raisins gorgés de soleil pour créer le vin le plus exquis qui soit.

Ainsi, vêtue de mon habit de travail, une vieille chemise de Nanno, mon grand-père de cœur, et d'un short usé par les heures passées dans les vignes, je me dirige vers les chais, l'esprit empli de détermination et de passion. Mais avant même que je n'ai débuté mes recherches d'assemblages, une interruption inattendue se profile à l'horizon. Oliver, fidèle bras droit de l'administration du domaine, vient à ma rencontre avec une expression mêlant surprise et anxiété. Ses mots résonnent dans l'air matinal, teintés d'un mystère qui ne présage rien de bon. "Hayley, nous avons de la visite", m'annonce-t-il avec un sourire qui se veut un minimum assuré.

Je le regarde, perplexe, alors qu'une légère ride se dessine sur mon front. La visite n'est pas chose courante ici, surtout à cette heure matinale où seules les vignes semblent être en éveil. Je sens l'ombre d'une curiosité naître en moi, mêlée à une pointe d'irritation. Qui pourrait bien venir troubler la quiétude de notre domaine à cette heure ? Et puis j'additionne deux plus deux... Il est prévu qu'il revienne, non ? Je sors des chais avec précaution, mes cheveux d'or éclatant en désordre sous le bandeau qui les retient. Oliver me jette un regard désapprobateur en remarquant ma tenue décontractée, mais je lui adresse un sourire narquois en retour. -"Hey, ça va, c'est Dario, le petit fils prodigue, qui se rappelle tout d'un coup que le domaine existe, c'est pas le président des Nations Unies", je plaisante avec une bonne dose de sarcasme. Le jeune homme me regarde avec une expression à mi-chemin entre l'exaspération et la résignation, mais je lui adresse un clin d'œil complice avant de me mettre en marche vers la maison d'habitation. Celle de Nanno. Celle qui représente mon havre de paix.

Cette maison, c'est mon refuge, mon sanctuaire personnel au cœur du monde, c'est là que j'ai appris ce que ça signifiait d'avoir une famille et là aussi que j'ai du dire au revoir à l'homme qui m'a élevée comme sa fille ou sa petite fille. En tout cas il a fait de moi son héritière, par bien des aspects. Un endroit où je peux être libre, où je peux être moi-même sans artifice ni contrainte. Un lieu où je suis entourée des souvenirs de Nanno, de son amour pour la terre et pour le vin. J'y sens sa présence, j'ai même le sentiment d'y retrouver son parfum, c'est sans doute ce qui me pousse à piquer ses chemises aussi... Le besoin qu'il soit toujours un peu avec moi.

Chez moi, c'est un autre monde, une bulle de sérénité dans l'agitation du domaine, ma petite grange, non loin. J'entre dans le hall, curieuse de découvrir ce que l'arrivée de l'héritier en titre pourrait bien nous réserver. -"Bonjour Dario. Tu as fait bon voyage?" On se connait depuis l'enfance, alors qu'il ne compte pas sur moi pour les salamalecks. Que sa famille soit très en vue ou non... c'est pas moi de la jouer servile. D'ailleurs j'avance de ma démarche mi féline mi sautillante et je lui pose une bise sonore sur la joue.

TENUE

Enfin… Je viens d’arriver. Il était 23h, j’ai pris un taxi pour une chambre d’hôtel et j’ai reçu la confirmation que ma voiture m’attendait. Les déménageurs emmèneront mes affaires au Domaine de grand-père plus tard. Il me faut mettre le nez dans les comptes, voir les notaires, les comptables et les juristes. Puis, il faudra que je vois les investissements, que je cherche de l’argent, des gens pour développer. Je compte faire de l’héritage de mon grand-père un grand cru. Un peu d’Italie au cœur de la Californie. Je dors assez peu surtout que je viens d’avaler un repas franchement pas top pour un cuisinier qui se dit italien. Mais à cette heure, c'est un pauvre commis qui a dû réchauffer un plat à la va-vite. Les Américains et leur amour de merde pour les micro-ondes… Je jette mon plat et je vais m’allonger. Petit passage rapide sur ma boite mail et je regarde les résultats de la Fiorentina qui jouait face à Milan… Défaite évidemment… J’aurais peut-être du racheter ce club… Non je n’avais pas l’argent et je voulais partir loin.

Au réveil je prends un mauvais café qui me fout la nausée et prends une douche avant d’enfiler mon costume. Le notaire m’attend en bas. Je l’aime bien. Il se lève tôt et il est passé me déposer les dossiers sur le vignoble et les affaires de mon grand-père. Je constate que les fidèles qui sont restés, on fait avec peu de moyens… Un nom de Velasco attire mon regard Hailey Velasco. Alors la casse-pieds qui collait mon grand-père est toujours là. On dirait qu’elle avait à cœur de tenir le vignoble en place. Ça m’arrache un sourire. Je vais récupérer ma voiture et j’ai un frisson de plaisir en découvrant le rouge torride de ma Ferrari. Je grimpe dedans sous le regard de deux nanas siliconées qui me font de l’oeil et font les belles… J’ignore superbement et je démarre. Je roule un peu et prends la direction du vignoble. Il fait un temps magnifique et ce lever de soleil est à tomber. « Regarde Rio, le doux soleil puissant qui réchauffe les pierres et la terra parfumée des embruns de la mer » j’entends encore sa voix rocailleuse et douce. Le domaine est là. Il tombe en ruine, les pierres sont toujours là. Les vignes aussi même s’il y en a peu par rapport aux surfaces exploitables. Les oliviers près des bâtiments sont là les vignes grimpantes aussi. C’est juste plus massif. Un peu d’Italie en Californie. Je souris avant de pousser la vitesse et de me garer. Je sors de ma voiture et le parfum du lieu me met une claque en pleine gueule. Heureusement que j’ai mes lunettes de soleil pour cacher mes yeux soudainement embués de larmes. Approche une jeune femme. Merde, Hailey ? Elle me salue sans détours et me confirme que c’est elle. Sa tenue est… Particulière… Mais elle est toujours jolie la…Velasco… Je la jalouse d’avoir vécu si près de lui, de porter son nom. Elle approche et alors que je tends ma main c’est ma joue qu’elle attaque de ses lèvres. Bordel qu’elles sont douces. Je reste interdit me retenant de caresser ma joue de plaisir.

« Salut Hailey. Toujours fidèle au poste on dirait. »

Je regarde vers le bâtiment. Il a besoin de travaux et le matériel aussi. On dirait qu’ils ont bricolé à l’extrême chaque machine et outils pour pouvoir les faire tenir encore et encore. Je la regarde et constate qu’elle ne porte pas d’alliance. Elle la retire pour travailler ? Elle est pleine de terre. Et le pire c’est qu’elle est jolie comme ça.

« Alors c’est ça… Le Castello Velasco… C’est… Vétuste… »

Je verrouille la voiture d’un geste et tenant ma serviette avec les documents et mon ordinateur portable, je lui demande alors.

« On peut se poser quelque part pour parler ? »

Je ne m'attendais pas à... lui. C'est con hein ? Je l'ai quitté jeune adulte, même pas... adolescent en fin de compte et là, quand je m'avance vers lui pour l'embrasser sur la joue, je retrouve un homme. Un bel homme, même... C'est intimidant et pendant une seconde, il me vient l'idée qu'en effet je ne suis pas très habillée et certainement pas pour me présenter devant lui. Je me sens presque nue et j'ai un frisson quand je goute à sa peau. N'importe quoi ! En plus il tendait la main, et moi... Non mais jette toi carrément à son cou stupida. Heureusement, ou malheureusement, selon les points de vue, il me fait rapidement redescendre sur terre. Je ne peux m'empêcher de serrer les dents et de le fustiger de ce que j'ai de mieux en terme de regard noir.

Evidemment que je suis là, fidèle au poste. Où pourrais je bien être ? Je suis chez moi ici et ce n'est pas peu dire. J'essaie de me détendre, mais on dirait qu'il a envie de jouer avec mes nerfs. Il reprend la parole et ça me fait l'effet d'une craie de biais sur un vieux tableau noir. Le truc qui crisse et qui te donne instantanément envie de hurler ou de péter des trucs. Mais j'ai grandi et si je reste un chat sauvage, je sais désormais me contenir, au moins un minimum. Alors je ne dis rien, même quand il critique ouvertement le domaine. J'ai eu très envie de lui répondre "Et ta mère ? Elle est vétuste, ta mère?" Mais il y a fort à parier que ce ne soit pas vraiment de nature à démarrer une relation apaisée.

Alors je me contente de prendre une large inspiration et de la bloquer en pincant les lèvres. Il verrouille sa voiture et se tourne vers moi, avec son petit attaché case de banquier et j'ai un sourire tout en me mordant l'intérieur de la lèvre. Peut être que ma tenue ferait tâche dans un diner mondain, mais la sienne fait clairement tâche au milieu de la cour. J'ai l'impression qu'on vient pas du même monde, c'est étrange et un peu déroutant, parce qu'il a beaucoup changé. Où est passé le sauvageon qui faisait briller de fierté les yeux de mon Nonno ? Il me demande si on peut se poser quelque part et j'acquiesce d'un mouvement du menton avant de passer près de lui pour pousser la porte de la maison. En bas à droite, les bureaux administratif, devant la boutique de vente directe, à gauche, la porte que je prends, le couloir et on débouche sur ce qui étaient les appartements de Nonno. Le ménage est fait religieusement, par mes soins, mais hormis ça, pratiquement rien n'a bougé, sauf sur son bureau, parce que c'est un peu devenu le mien et que j'ai tendance à étaler un joyeux bordel. J'aime venir ici, me fondre dans son fauteuil et penser à un temps où tout était plus doux et lumineux. J'ouvre la porte du bureau et entre, sans réaliser que j'aurais du lui laisser la préséance. Moi et les règles à la con, ça fait 14 de toute manière, alors autant qu'il le réalise assez vite. Sur le bureau, il y'a toute ma reflexion pour un vin que Nonno espérait sortir avant son décès et que je n'ai pas encore amené à la commercialisation, parce que ça voudrait dire faire enfin mon vin... pas seulement préserver l'héritage. Les croquis de l'étiquettes sont tracés de la main de son grand-père et si il y porte attention il pourra voir de nombreuses propositions pour cette cuvée "Dario." -"Tu voulais qu'on parle?" Je me suis naturellement coulée dans le fauteuil du "maitre" des lieux et quand je le réalise je me sens de nouveau toute perturbée et je me lève en rougissant. -"Pardon, réflexe."

Je n’aimais pas cette fille, quand je suis arrivé pour retrouver mon grand-père, elle était là. Elle prenait la place que je voulais. Elle avait le droit d’être toujours avec lui au lieu de quelques jours de vacances. Et je me tenais à carreaux, car c’était ma seule possibilité de voir mon grand-père. J’aimais ce lieu, la vie avec lui. Les rires, la cuisine. Le pire, c'est que je lui arracherai volontiers la chemise de mon grand-père qu’elle porte sur elle avant de réaliser que ce serait une forme d’agression sexuelle et que même si elle est terriblement jolie (comme elle l’a toujours été d’ailleurs) je n’ai aucune envie qu’elle puisse penser que ce genre de choses m’intéressent avec elle… Je crois que je peux la voir se tendre quand je lui parle de la voir fidèle au poste, puis que le lieu est vétuste. Elle le prend personnellement et je comprends, car elle tient la baraque depuis la mort de mon grand-père. Mais je suis un financier et j’ai besoin d’appeler un chat un chat, si un truc ne rapporte pas, il faut trouver pourquoi et comment on remédie à ça. Le vignoble de mon grand-père a un putain de potentiel, je le sais. Il me l’avait suffisamment vendu. Alors qu’elle me foudroie d’un regard qui semble dire « et ta mère elle est vétuste ? » Je lui demande si l’on peut discuter dans un endroit tranquille ? Elle me jette un regard plein d’ironie quand je verrouille ma voiture et prends ma sacoche de travail. Ouais pas le même monde et pourtant on devrait s’entendre vu l’amour qu’on portait à cet homme et à ce lieu ? Sans doute qu’elle est trop « sauvage » et moi… Puéril ou juste con… Je crois que le contact prolongé avec ce monde, celui de ma mère et mes frères m’a rendu comme eux… Ou alors, je l’ai toujours été va savoir…

Elle m’invite à entrer et soudain j’ai 15 ans. Je rentre torse nu couvert de terre et de sueur dans cette petite maison de pierre où la fraicheur naturelle me saisit. Il fait froid ici la nuit même en été. Les odeurs, les couleurs. J’ai presque l’impression qu’il va débarquer avec son sourire et écarter les bras pour que je me jette dedans. J’avance comme si je venais de basculer dans un monde de légendes et de contes et pourtant je connais cet endroit. L’aspect ondulé de la pierre lisse sous mon pied et arrive le bureau… Tout est là. Comme avant. Il y a un bordel sans nom sur la table mais tout est là. Elle n’a rien touché. Le parfum est différent car il sent cette odeur qui se dégage d’elle, de sa nuque quand elle passe près de moi. Je fige un instant et les larmes montent. Je réalise à peine qu’elle a pris place dans « Son » fauteuil. Elle me demande si je voulais qu’on parle et je croise son regard avant qu’elle ne s’excuse d’avoir pris place et moi je me détourne le visage le temps d’effacer quelques larmes dans mes yeux avec mes doigts.

« Non reste je t’en prie, c’est chez toi. »

Légalement… Je regarde alors des croquis, « cuvée Dario » ? Si ça me correspond ça fera une sacrée vinasse rappeuse entre l’acide sulfurique et le vinaigre bas de gamme. Je regarde Hayley et lui lance alors en levant ma mallette pour la lui montrer.

« Je suis propriétaire du lieu et légalement tu en as la gestion depuis le décès de mon grand-père et par l’adoption nous avons légalement 50/50 de cette propriété. J’ai dans l’idée de faire de nos productions le vin le plus prestigieux de Californie. Je veux concurrencer l’Europe. Si tu n’as rien contre, il me faudrait un endroit pour poser mon bordel, une connexion internet et les bilans comptables des 20 dernières années… »

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