Rodney 1 // Jour de tournage ?

Travailler pour un groupe criminel organisé n’avait pas à être toujours solennel et dramatique. Je me faisais un devoir d’apporter de la légèreté et du bonheur partout où je passais. Cela ne voulait pas dire que je n’étais pas une patronne exigeante avec de très hauts standards. Mais, quand j’aimais l’équipe qu’on me mettait dans les mains, je faisais en sorte que tous passent un agréable moment.

Je m’occupais de la partie libertine du Lipstick depuis quelques mois déjà. Recrutement, s’assurer du bon roulement et de la satisfaction de clients, évènements spéciaux… Un travail important qui demandait d’être une bonne gestionnaire. Cela ne m’empêchait pas d’accorder du temps à ma maison de productions de films pornos pour autant. Après mes tâches administratives, je devais justement tourner ici même dans un petit salon que nous avions réservé à cet effet. La clientèle aurait de l’espace pour profiter de l’équipe du Lipstick quand même.

J’avais deux plans différents que je relisais, puis me massais mes tempes. Je n’aurais pas le temps de tourner les deux idées ce soir, il me faudrait choisir. Je ne pensais pas remporter d’AVN Awards ou de XRCO Awards avec le tournage de ce soir, mais je tentais de suivre les tendances et les demandes. Satine Produtions se spécialisait dans les films destinés aux femmes. Les images étaient plus léchées, le scénario étoffé. Cela ne voulait pas dire que nous devions faire dans le rose bonbon, loin de là. C’était une façon de penser patriarcale qui me répugnait terriblement. Les femmes aussi aiment de l’action, des histoires rocambolesques ou intenses. Les prises de vues étaient différentes et l’esthétique aussi, voilà tout.

J’étais hésitante. Ma distribution ne changerait toutefois pas. Mes acteurs étaient en chemin ou en train de se préparer dans le vestiaire de scène des employés. Je passais une main dans mes cheveux, puis me pinçais l’arête du nez de mon pouce et mon index, remerciant la vie de ne toujours pas me faire porter des lunettes pour cause de presbytie. Mes yeux n’étaient toujours pas fatigués.

On frappait à la porte et je répondais en restant assise.

«Entra, te estaba esperando. C’est ouvert.»

Même si je savais qu’il s’agissait de Sydney, étant donné l’heure, je levais tout de même la tête pour la saluer d’un sourire chaleureux.

«Ne t’inquiète pas, tu es toujours à l’heure. C’est moi qui ne suis pas encore tout à fait prête.»

Je n’avais toujours pas pris de décision quant au scénario que j’allais choisir. Sydney me demandait ce qu’elle pouvait faire pour moi et je la fixais en réalisant qu’elle pouvait m’être d’une aide précieuse.

«Tu es une femme Sydney…»

Oui bon, ce n’était pas une surprise que je lui annonçais, mais je réfléchissais à voix haute. Je tournais les deux pages dans sa direction pour qu’elle puisse les lire.

«Dis-moi ce que tu préfèrerais visionner comme film.»

Deux possibilités s’offraient à elle. Un scénario plutôt léché, éclairage très chaud avec du jaune doré et du rouge, tournage sur les banquettes de notre pièce réservée. L’histoire d’une femme nymphomane qui trompe son mari assis à la table derrière elle avec le barman de l’endroit. Sinon, il s’agissait de deux collègues de travail dans un cabaret burlesque qui succombaient l’un pour l’autre après un spectacle impliquant du cuir, des fouets, des menottes… Quelque chose de plus intense, BDSM.

«Ton partenaire de ce soir est BigHands. Jay est déjà en train de se préparer.»

Bon BigHands c’était son nom de scène, tout le monde qui le connaissait l’appelait Jay. C’était un bel homme, mi-trentaine, musclé, une pilosité savamment entretenue sans être imberbe. Un visage à se damner et une verge qui ferait ratatiner de frayeur tout autre qui voudraient se comparer. Je laissais la jeune femme lire, le menton appuyé sur mes mains croisées. Au bout d’un moment, je reprenais la parole.

«Et puis, qu’est-ce que tu en penses?»

Je lissais ma robe chemise vert lime en écoutant sa réponse, décroisant et croisant dans l’Autre sens mes longues jambes nues hâlées par le soleil estival de la côte ouest.

Avoir un travail demandant de faire des choix artistiques et créatifs n’était pas toujours de tout repos. Parfois, on se retrouvait devant des idées plus mauvaises les unes que les autres et on espérait ne pas avoir à composer avec ces idées, tandis que d’autres fois, les idées des scénaristes étaient toutes tellement bonnes que prendre une décision déchirait le cœur. Certaines mauvaises langues diraient que les films pornos reviennent toujours au même et à ceux-là j’aimerais simplement dire qu’ils doivent sortir des sites gratuits et fournir un peu de sous pour trouver de l’originalité. Je ne faisais pas dans le bas de gamme, ça se payait des films comme ceux de Satine Productions.

Je laissais donc la belle Sydney lire les deux ébauches de scénarios avec un brin d’anticipation. J’aimais les deux. Je voyais Jay et elle dans les deux options. Nous avions l’équipement et le décor pour un comme l’autre. La laisser choisir me libérait un peu la tête. L’opinion de ma jeune actrice était importante. Elle avait maintenant de l’expérience avec moi et savait comment je travaillais. De plus, elle correspondait à un échantillon du public que je visais. Un public jeune et féminin. Bien entendu, je n’avais pas que ces critères pour mon public cible, mais rien de mieux qu’une opinion faisant partie de cet échantillonnage.

La jeune femme terminait et me proposait le scénario des collègues et je lui souriais, satisfaite. Je déposais l’autre scénario dans un classeur, nous aurions peut-être la chance de le faire à une autre occasion. Elle me demandait ce qu’elle devait porter.

« J’aimerais que nous soyons moins prévisibles. Alors, enfile un costume blanc très angélique, mais dessous… Je veux de la dentelle noire et sexy, des lacets. Tu vois le genre? Elle travaille dans un cabaret burlesque, ce n’est pas une sainte nitouche non plus. Et Jay sera quand même le dominant, mais je veux une tension sexuelle qui traîne depuis longtemps… On va faire des plans très serrés de Jay d’abord, pour tenir nos spectatrices en haleine, tu entreras ensuite. Nous ferons des aller-retour entre le numéro sur scène et le moment où les deux collègues finissent par s’abandonner l’un à l’autre.»

Tout en parlant, je dessinais sommairement les scènes sur les planchettes, avec mes instructions pour le cadrage et le défilement de la caméra. Je n’étais pas une pro du dessin, mais je savais ce que je voulais et cela aiderait mon équipe technique. C’est à ce moment que Sydney promenait ses mains sur ma peau et je relevais mes yeux vers elle, un peu surprise. Un petit sourire, puis je posais ma main pour stopper son trajet.

« On dirait que ce scénario réveille ta créativité. »

J’aimais définitivement les hommes plus que les femmes, mais certaines ne me laissaient pas indifférente. Ce que Sydney ignorait, c’était que j’étais désespérément sérieuse lorsque je travaillais. Ma main venait caresser sa joue et descendait sur son cou et je rapprochais mes lèvres des siennes. J’y posais un simple baiser, puis la repoussais doucement afin que je puisse me lever.

« Garde cette énergie pour les plans. Hop! Hop! Au vestiaire, tu pourras nous rejoindre dans le petit salon réservé pour nous ce soir. »

Je la tournais par les épaules et l’entraînais vers la porte, la poussant une dernière fois en appuyant mes paumes ouvertes sur son ferme et petit derrière. Je me dirigeais vers le salon, mes notes en main et rejoignais mon équipe qui se préparait.

« Cette lumière est trop près de l’action, elle doit se trouver plus loin pour être plus flatteuse pour leur épiderme. Où est le diffuseur, c’est trop cru, je veux de la sensualité. Les caméras sont prêtes? »

Je voyais que l’équipe technique se serrait toujours un peu les fesses en me voyant arriver. Ma vision était claire et j’étais exigeante. Pourtant, j’étais juste et je ne faisais pas de crise. C’était peut-être l’envie d’être à la hauteur et de plaire à leur patronne. Jay faisait son entrée avant Sydney et je l’informais du scénario choisi. Il repartait enfiler un vêtement approprié et revenait si rapidement que je sifflais, admirative. Je lui montrais le décor, demandais à l’équipe de disposer le matériel pour faire une scène de spectacle avec des accessoires de donjon très sensuel. Du bois noir, du cuir rouge… Tout s’accordait avec les murs et le plancher du Lipstick. Je m’adressais à Jay :

« Alors BigHands sera le dominant… Quoi qu’un jour, j’aimerais te voir à l’autre bout du fouet. Ce serait un beau défi pour ta carrière. Pour aujourd’hui, je veux de la sensualité, de la force, je veux cadrer ton corps avec beaucoup de langueur, ça te va? »

Je le laissais se mettre en place, l’équipe technique était en train de préparer ses prises de vue alors que BigHands, alias Jay, s’installait dans la lumière, je pouvais déjà voir qu’il avait une charmante érection dans le pantalon, probablement due à une petite pilule de couleur bleue qui aidait beaucoup les acteurs à tenir pendant les heures de tournage.

Sydney arrivait pendant que nous terminions les plans solos de Jay, j’étais assise, jambes croisées, dans une chaise surélevée derrière un moniteur. Je lui indiquais la chaise à côté de moi et murmurais une fois qu’elle y prenait place.

« Je veux qu’on reste dans une sensualité évidente, malgré le thème. Beaucoup de langueur, je veux un effeuillage lent. J’ai disposé du matériel dans la pièce, si vous avez des idées, le reste n’est pas loin, au besoin. On va commencer par les plans du « spectacle burlesque » des collègues. »

Je me tournais vers l’équipe technique.

« Will, Hannah, vous avez tous les plans de BigHands? Insistez sur la bosse dans le pantalon avec sa main sur sa cuisse, les femmes adorent. »

Puis retour vers mon actrice principale.

« C’est bon, ma chérie? Tu es prête? »

Parce que Jay était définitivement prêt, la bosse semblait vouloir déchirer son pantalon. Je claquais mes mains ensemble et me levais.

« OK, tout le monde. On tourne les scènes de cabaret. Je veux de l’intensité, de la passion. Les acteurs, vous vous lâchez, vendez-nous du sexe, du plaisir, de la luxure. Nous sommes au Lipstick, c’est la saveur de la maison… De MA maison, rendez-moi fière. L’équipe technique, ce sera des scènes en flashback donc je veux des scènes courtes et des plans de partie de corps, pas seulement des plans à hauteur d’homme. Si vous devez tourner à l’épaule, je veux de la stabilité, comme toujours. »

C’était parti pour un petit bijou signé Satine Productions.

J’étais un peu étonnée qu’une jeune femme qui pouvait mettre hommes et femmes dans son lit sans problème craque pour une femme de 40 ans comme moi. Cela m’étonnait toujours de voir que je séduisais sans même m’en rendre compte. On disait tellement souvent que l’on oubliait les femmes de plus de 30 ans, qu’elles ne faisaient partie que du paysage. C’était flatteur de voir Sydney céder à ma peau hâlée par le soleil californien.

Nos préceptes en tant que Templiers noirs prônaient le plaisir, j’aurais dons pu accepter cette demande peu voilée de Sydney et profiter de son envie pour combler mon corps par des contacts rapprochés. Sauf que le plaisir avait plusieurs formes. Pour moi, réaliser des films, vivre de cette forme d’art qui n’en était pas une pour certains… C’était ça, mon plaisir. Et je ne le boudais pas. J’avais une rigueur impressionnante afin de concrétiser ma vision. Je repoussais donc Sydney gentiment, non sans avoir posé mes lèvres sur les siennes, tout simplement. Je l’entendais produire un gémissement frustré, mais cela ne me faisait pas changer d’idée. Son commentaire me faisait sourire.

« Tant mieux, ce sera une façon de canaliser cette énergie sexuelle qui semble de torturer. »

Sur le plateau, je me sentais comme une impératrice. On se pliait à mes exigences, on ne rouspétait pas. Mon plan de tournage restait à portée de main, même si les grandes lignes étaient claires dans ma tête. Je changeais parfois d’idées, aussi. Mais j’aimais conserver des traces du déroulement. C’était un brouillon qui deviendrait un travail bien fait, soigné, avec l’aide de toute cette équipe qui m’entourait. Sydney, Jay, Will Hannah… J’aimais conserver les mêmes équipes si possibles, parce qu’à force de nous connaître, nous pouvions nous entraider pour nous élever à de plus hauts rangs.

Sydney faisait son entrée, vêtue avec soin. C’était quand même cocasse de penser que cette tenue si soigneusement choisie ne lui resterait pas tellement longtemps dessus. Elle me rejoignait et nous discutions un peu. Elle me demandait comment elle s’appelait cette fois-ci.

« Ton nom de scène est Cherry, mais quand nous serons dans la portion après le spectacle, tu es Amanda. Il est Mike… Son nom de scène est BigHands, évidemment, nous ne pouvons plus le rebaptiser autrement, ses fans aiment trop. »

Sydney rejoignait BigHands, Jay, et devenait cette actrice que je connaissais si bien. Feindre l’excitation n’était pas une mince affaire, mais j’encourageais souvent mes acteurs à connaître l’autre, pour poser des gestes qui pourraient réellement attiser l’autre. Jay posait ses grosses pattes sur la femme magnifique qu’était Sydney. Dans le moniteur, je voyais des plans qui me satisfaisaient. Je murmurais parfois quelques instructions à l’équipe technique, mais ils étaient si accoutumés à mes méthodes que ce n’était que pour de petits ajustements.

Certains peuvent penser que les scènes de sexe sont une partie excitante pour l’équipe alors que c’est, au fond, rarement le cas. Là où les films grand public cherchent à masquer l’intimité des acteurs et user de stratagèmes pour camoufler le fait que les acteurs sont vêtus de minuscules sous-vêtements couleur chair, c’était là où nous devions user de stratégies pour prendre les bons plans afin de tout montrer aux spectateurs. Ce n’est pas toujours facile, il faut rappeler à l’acteur de se tenir un peu en de côté, de mettre son bras dans son dos. Il n’y a rien de naturel, ni de très excitant. Sauf quelques exceptions. Je le constatais parfois en regardant le visage un peu enflammé de Will qui se laissait encore aller à trouver Sydney irrésistible devant sa caméra.

Cette dernière se retrouvait donc à genoux, la caméra devant elle. J’en profitais pour faire une pause dans le déroulement de l’histoire et pour donner des instructions à Jay qui s’épongeait un peu le visage et le corps avec une serviette. Je me tournais vers Sydney et l’équipe technique.

« Prenez quelques plans sexy de Sydney, s’il vous plaît, nous reviendrons aux ébats dans quelques minutes. »

Jay me parlait de quelques nouvelles positions qu’il désirait tenter. Je prenais note, lui autorisais certaines, d’autres pas. Encore une fois, il fallait penser aux angles de la caméra. Nous revenions au milieu de l’action et j’allais chercher un fouet aux lanières de cuir très légères et souples.

« Nous allons passer aux choses sérieuses. J’espère que ton culo est prêt, Miss Jaeger. »

Je retournais à mon siège, les yeux rivés sur le moniteur en quête des images parfaites.

« Et si vous avez besoin d’arrêter, que ça ne va pas, vous connaissez le code : Guacamole. »

Peu de chance que quelqu’un prononce ce mot par inadvertance dans le cas présent.

Il y a beaucoup à faire sur un plateau de tournage. Même si les scènes sont prévues ainsi que les plans et l’éclairage, il arrive des imprévus. La luisance d’un costume ne permet pas un éclairage direct, une prise de vue n’est pas flatteuse pour l’un ou l’autre des acteurs. Il faut toujours penser aux reflets afin de ne pas trahir l’équipe technique dans l’image qui sera diffusée. Parfois, il faut reprendre des plans, corriger des textes ou encore revoir la trame de l’histoire.

Avec l’expérience, les modifications étaient de moins en moins nécessaires. J’observais le travail de mon équipe avec un sérieux absolu. Ma concentration était évidente et j’étais désireuse de montrer le meilleur du duo sur le plateau. L’équipe était là pour tout mettre en œuvre pour que cela soit le cas. Je discutais un peu avec BigHands alors que Sydney effectuait quelques plans solos. La majorité des gens imaginaient les tournages de films pornos comme si cela coulait de souche, mais c’était loin d’être organique. Il fallait souvent reprendre des plans parce que le corps de l’un ou l’autre des acteurs masque les organes génitaux. Les spectateurs veulent voir ce bout de l’anatomie, sinon ils n’auraient qu’à regarder n’importe quelle scène de sexe dans une série télé ordinaire.

Nous revenions ensuite et nous passions aux choses sérieuses. Accessoire en main, BigHands prenait les devants de la scène. À mon interrogation, Sydney me lance un regard qui m’indique qu’elle est prête à tourner. Je m’assoyais donc de nouveau dans mon siège. Il ne restait plus qu’à commencer. Les corps magnifiques des deux acteurs étaient filmés sous plusieurs angles, afin de pouvoir alterner entre les meilleures images pour satisfaire le plus de spectateurs possible. Les coups tombaient dans un claquement sec. J’imaginais déjà la trame sonore, assez simple pour ne pas couper le son ambiant. BigHands, Jay, sortait sa voix la plus rauque, grognant la suite à Sydney dont le corps était rougi par les coups. Son air innocent était plutôt convaincant… Cet air faussement innocent, devrais-je dire. Entre coups et caresses, la scène devenait de plus en plus chaude et intense. Je savais que j’avais bien choisi mon duo pour ce scénario.

Variation des outils, puis enchaînement de positions. Je les laissais grimper dans leur plaisir pour essayer de prendre des plans le plus près de la réalité possible, évitant de couper l’action pour repositionner les caméras. Nous nous ajustions discrètement et graduellement. Je prenais des notes, les yeux rivés sur le moniteur, prévoyant déjà des coupures au montage, griffonnant le moment exact sur un calepin de notes. Je le regardais malmener Sydney alors qu’il la plantait vigoureusement sur lui sans se servir d’aucun appui, la touche signature de BigHands. Je souriais malgré moi : je savais que ce serait un film populaire.

Finalement, la jouissance survenait, sur la poitrine de Sydney. Après avoir jeté un coup d’œil à l’équipe technique, je déclarais un « coupez » assez fort pour que tout le monde m’entende. Nous avions tout. BigHands s’excusait pour aller prendre une douche, nous avions une scène solo pour un autre film ensuite qui l’attendait, il devait reprendre des forces.

« Descansa mi corazón, todavía tienes mucho que hacer. » (Repose-toi mon cœur, tu as encore beaucoup à faire)

Sydney utilisait la serviette tendue par l’un de membres de l’équipe et venait à ma hauteur. Je lui indiquais un peignoir en soie si elle voulait se couvrir, le tissu serait assez doux pour ne pas la faire grincer des dents malgré sa peau rougie.

« C’était parfait, preciosa, je pense bien avoir tout en main pour faire un bon film. Beau travail, tu prends de plus en plus d’assurance et je vois que tu sais très bien ce que je vise. »

Je posais doucement ma main sur la sienne avec un sourire bienveillant.

« Tu veux voir quelques plans et me dire ce que tu en penses? »

Je lui montre les plans sur le moniteur, ravie du travail accompli.

« Il restera le montage bien sûr, mais nous avons du contenu en quantité suffisante. »

Je prenais une pause et me tournais vers elle.

« Tu as envie de m’aider à diriger la scène solo de BigHands? »

Je savais que Sydney était intéressée par le domaine et parfois, prendre un rôle différent pouvait inspirer quand on revenait dans notre propre rôle.

Sydney était une professionnelle. Elle écoutait mes commentaires et venait prendre place à mes côtés. La jeune femme en profitait pour complimenter mon travail et je hochais la tête avec un sourire. Je connaissais la qualité de mes productions et j’étais heureuse qu’elle le remarque.

« Il faut simplement avoir la vision avant de tourner. Le montage devient facile ensuite. »

J’étais une femme préparée. Je savais concrétiser ce que j’avais en tête. Mener à bout mes projets. Il ne restait que de se procurer les bons équipements et les humains qui feraient opérer la magie. Je lui montrais les plans de tournage, ceux qu’elle venait de jouer devant les caméras. Les couleurs s’agençaient sans effort, la lumière avait fait le travail pour moi. Je lui expliquais comment la caméra avait été placée pour laisser le spectateur se sentir comme s’il faisait partie de la scène, non pas comme un participant, mais comme un voyeur. Je détestais ces espèces de prises de vue qui laissaient penser que l’acteur tenait la caméra. Premièrement, tout le monde savait que ce n’était pas le cas et deuxièmement, cela empêchait d’admirer les corps dans toute leur splendeur.

Ma clientèle était principalement des femmes, mais pas que. Cela dit, la majorité des femmes préféraient l’esthétique, le contexte plutôt que des prises de vues purement anatomiques. Je continuais mes enseignements à Sydney, lui expliquant ce qu’elle pourrait faire d’encore mieux la prochaine fois.

« Ignorer la caméra sauf pour des plans précis provoque un effet d’intimité entre les acteurs que je recherche particulièrement. On ne brise pas le 4e mur chez Satine Productions, à moins d’avis contraire. Le spectateur est donc témoin d’une scène. Cela ne veut pas dire bloquer la vue. Tu vois dans ce plan… Tu aurais pu mettre ta jambe un peu plus vers l’avant pour laisser une image plus claire. C’est des détails, mais je sais que tu cherches toujours à exceller. »

Je lui offrais un sourire. J’étais loin d’être une bonne actrice, mais je savais diriger avec brio. Je lui laissais le temps de figurer comment elle pourrait inclure ces notions avant de lui proposer de co-diriger la scène solo de BigHands. D’ailleurs Sydney acceptait ma proposition. En sirotant une eau gazeuse. Je sortais mes plans de tournage pendant que l’équipe plaçait le décor un peu différemment.

« Alors, Jay a une scène à faire seul. C’est un peu différent. Normalement, l’industrie dicterait qu’il parle à la caméra. J’avais envie d’autre chose. Alors voilà ce que j’ai brodé comme scénario. Cela ira dans le cadre d’un film sur un homme qui se découvre une attirance pour son collègue de travail. Ce dernier le réalisera et décide de lui téléphoner et lui laisser un message sur ces vieilleries de boîte enregistreuse des années 90. C’est Noël et il lui dit qu’il lui offre un cadeau… Des instructions pour se caresser. »

Je fais une pause, donne quelques conseils pour le placement du décor et reporte mon attention sur Sydney.

« Alors BigHands n’a pas à parler, c’est une voix enregistrée qui résonnera pour lui. Les instructions joueront pendant que nous filmerons pour qu’il puisse les entendre, mais nous allons les magnifier sur la bande finale. »

Je faisais un clin d’œil à la jeune actrice.

« Comment tu aurais envie de le filmer, si tu avais carte blanche? »

C’était un petit défi. J’avais bien sûr déjà mes idées, mais un regard nouveau était toujours bienvenu. Des modifications de dernières minutes pouvaient être apportées. BigHands faisait son entrée un moment plus tard et me demandait s’il devait être en érection dès le départ.

« Non ça va, tu devras jouer le désir, j’espère que tu as des images en tête… Sinon, nous allons couper pour te laisser t’inspirer. Pas de stress. Tu te sens prêt? J’ai demandé à Sydney de tenter la production, elle te donnera aussi des consignes. »

Les mains sur la taille je me levais un peu pour m’étirer, nous avions encore beaucoup de boulot et je détestais rester assise longtemps.

J’étais concentrée, j’exposais mon plan à la belle Sydney. Je voulais son avis, un regard neuf était souvent très utile dans un processus créatif. Bien des gens pourraient trouver cela drôle, ridicule même, de parler de réalisation de pornographie comme un processus artistique, mais je m’efforçais de leur prouver le contraire à chaque film que je réalisais. J’attrapais ma bouteille d’eau, supervisant subtilement le changement de décor de l’équipe en me désaltérant. Je n’avais rien à souligner, tout se faisait facilement et rapidement. La perte de temps était aussi une perte importante d’argent. Je rentabilisais donc mon équipe au maximum quand nous faisions des tournages.

Sydney articulait enfin ses réflexions à voix haute et je l’écoutais, un sourire doux sur les lèvres. Elle suivait la même ligne de pensées que la même, ce qui confirmait mes propres choix. Bien entendu, Sydney baignait dans le domaine depuis un bon moment, mais ses observations étaient bénéfiques. Sa vision des choses était sensuelle, avec le genre de petit préambule qui plaisait aux fans de Satine Productions. Nous nous permettions de faire durer les préliminaires cinématographiques plus longtemps que les autres boîtes.

« Très bien, tout cela me confirme que mon idée était la bonne. Effectivement, je veux voir notre homme jouer un peu. Il va réprimer ses pulsions d’abord, puis flancher graduellement jusqu’à se laisser complètement porter par son désir inavoué. »

Ma jeune actrice tentait ensuite de placer les caméras et j’acquiesçais. Elle avait de bonnes idées. Je ne m’attendais pas non plus à ce qu’elle me parle de cadrage, mais c’était déjà très bien. Je lui désignais les croquis esquissés à main levée des différentes prises. Je n’étais pas la meilleure en dessin, mais elle pouvait constater un plan avec une vue du dessus, une contre-plongée et de gros plans avec des travelings.

« Je vois que ton expérience parle d’elle-même. Si un jour j’ai besoin d’une aide à la production, je saurai qui trouver. Si tu regardes cette prise, je vais faire un traveling en gros plan de son corps également quand il sera couché sur le lit, comme si une langue curieuse explorait tout son corps. Avec le bon éclairage, ça rend particulièrement bien. »

Jay faisait son entrée, je le mettais au parfum, puis le laissais observer le décor avant de lui refiler la bande sonore dans ses air pods pour qu’il puisse savoir à quoi s’attendre. Je savais que ça pourrait lui donner des idées avant même que nous commencions.

Une autre gorgée d’eau, puis je tapais dans mes mains une seule fois, comme pour signaler que nous étions prêts. Je me dirigeais vers Jay et reprenaient les petits écouteurs. Un petit tour du plateau pour m’assurer que tout était à sa place. Je donnais les premières instructions. Nous allions commencer par filmer son entrée dans la maison. Un plan simple avec la porte, le retrait du veston et desserrement de la cravate. J’avais déjà des plans avec un autre acteur pour simuler le collègue de travail avant le segment d’aujourd’hui, afin de donner un peu d’inspiration au spectateur. Quelques interactions très professionnelles dans un bureau tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Il ne reste vraiment que les scènes de sexe.

Les premiers plans étaient tournés en quelques minutes à peine. J’activais ensuite l’enregistrement du « message vocal » sur un haut-parleur intelligent à partir de mon téléphone afin de guider Jay.

« Je veux que tu commences à te dévêtir debout, puis que tu t’assoies sur le lit. Nous ferons une coupure et reprendre la prise en contre-plongée. Que veux-tu qu’il fasse en premier une fois assis, Sydney? »

Je voulais qu’elle participe, qu’elle m’aide à produire aujourd’hui. Je lui tendais les croquis des plans.

« Tu peux ajouter tes idées, nous devons simplement nous assurer que toutes les prises sur cette feuille soient tournées. Ensuite nous avons le champ libre pour nous amuser, n’est-ce pas BigHands? »

Jay me faisait un petit sourire en coin, vilain séducteur. Il aimait être le centre d’attention et ce film solo était comme une belle caresse pour son égo. Nous tournions donc la séquence debout, Jay faisait courir ses mains dans ses cheveux, l’air de vouloir résister, mais ses doigts finissaient par danser sur sa chemise et sa cravate, puis sur son entre-jambes, avant de faire quelques pas pour se distraire et revenir devant le lit. Il était très beau. Je lui faisais reprendre la prise une ou deux fois pour aller chercher des angles différents et tenter quelques variations. Jay retirait ensuite sa cravate face à la caméra, lentement, à la manière d’un strip-tease, accompagné par la trame enregistrée. Il détachait sa chemise sans la retirer et faisait céder le bouton de son pantalon, sans le retirer. Puis, exit les souliers et les chaussettes. Je ne garderais que les chaussures, le reste étant moins esthétique. Nous ajouterions des transitions.

« Voilà, c’est parfait. Nous allons pouvoir te faire assoir, Jay. Sydney, tu diriges les prochains plans? »

Mes premiers tournages n’avaient pas été faciles. Mes prises de vue ne montraient pas suffisamment l’action, mes acteurs surjouaient. L’histoire derrière les plans était d’un ennui extrême. Lentement, j’avais trouvé ma signature et c’est à ce moment que je créais Satine Productions. Je réalisais que plusieurs femmes reprochaient à l’industrie du porno de faire des films pour femmes qui n’étaient pas intéressants pour elles. Ce n’est pas parce que l’on est une femme que l’on souhaite que voir des films de baises sur la plage. L’imagination ne devrait pas avoir de limites.

J’avais recruté Jay presque au début de Satine Productions. Je connaissais tout de lui. Nous étions désormais très proches. Sydney arrivait depuis un peu plus récemment, mais avait fait ses preuves. C’était une équipe absolument rêvée. Il était donc facile de prendre un peu de recul et laisser la jeune femme aux yeux clairs s’essayer à la production. Je n’avais qu’à corriger le tir en cas de besoin.

Sydney semblait moins assurée qu’à son habitude, mais cela était normal. Elle assumait un rôle inhabituel. Je la rassurais donc du mieux que je pouvais en hochant la tête et en lui offrant des sourires. J’approuvais donc ses premières directives pour BigHands. Ce dernier s’exécutait comme le professionnel chevronné qu’il était. Ses mains serraient ses cuisses et c’était comme si elles parlaient de son envie. Il aurait articulé des mots que cela n’aurait pas été plus clair. Il était parfait. Je croisais son regard chaud comme la braise et lui adressais un clin d’œil complice. Laissant la voie libre à Sydney, je me contentais de recadrer certaines caméras et donner quelques directives d’éclairage, silencieusement.

Je m’amusais de voir la jeune actrice se placer au niveau du sol pour diriger l’action. Je me calais donc dans ma chaise, profitant de ce temps de pause pour apprécier réellement ce qui se passait. Jay roulait ses muscles, faisait mine de lutter contre un combat intérieur impossible. Je me rendais compte que la scène m’excitait maintenant que je n’avais rien à faire. Je tentais d’occuper mes pensées en croisant et décroisant les jambes, mais le tissu doux de ma robe chemise caressait trop bien ma peau. J’attrapais une bouteille d’eau et buvais pour me distraire.

Il retirait complètement sa chemise, puis son pantalon. La bosse dans son pantalon était toujours aussi importante que lors du tournage avec Sydney. La trame sonore de la messagerie lui demandait de glisser sa main dans son sous-vêtement. Il faisait mine d’hésiter, puis l’introduisait lentement, le regard porté d’abord vers le plafond, puis brièvement vers la caméra. Il n’y avait rien à faire, je n’arrivais pas à calmer le feu qui m’animait. J’attrapais une pile de papier pour m’éventer un peu, faisant mine d’avoir chaud à cause des projecteurs.

Voilà pourquoi il fallait se tenir occupé sur un plateau de tournage!

« Continue Sydney, tu te débrouilles merveilleusement bien. »

Je lui avais adressé ces paroles entre deux prises. Il fallait que je m’occupe. Mon regard ne faisait que se river sur le sous-vêtement de Jay, puis sur les fesses rougies de la jeune femme et mon imagination faisait le reste du travail. ¡Dios mio! J’étais une cause perdue ce soir! J’espérais qu’Eljas se trouve dans son appartement au-dessus du garage quand j’allais rentrer… car j’allais lui sauter dessus. Je me raclais la gorge et croisais le regard de Sydney. J’étais démasquée, j’en étais certaine. Mes épaules haussaient alors que mes yeux riaient un peu. Ce n’était pas honteux, simplement, ce n’était pas dans mes habitudes. J’articulais silencieusement : « Diablos, esta escena es más caliente que el infierno. » (Bordel, c'est plus chaud que l'enfer cette scène.) Si cela continuait ainsi, c'est moi qui crierait "Guacamole!"

Will et Hannah semblaient trop occupés pour avoir remarqué, heureusement. Je me devais de rester professionnel, c’était la fondation de Satine Productions. BigHands venait de sortir son sexe de la prison de textile et narguait la caméra, le membre aux aguets, le regard lascif. Peut-être aurais-je pu laisser au reste de l'équipe le soin de mettre ce film dans la boîte?

J’aimais pousser les autres à se dépasser, et ce, depuis très longtemps. Déjà à l’université, j’enjoignais mes compagnes de la sororité à pousser leurs ambitions plus loin. J’aimais voir les gens fiers d’eux-mêmes. Je ne me cachais pourtant jamais derrière la réussite des autres et menais mes propres ambitions à terme. Je ne vivais jamais à travers les autres. Aujourd’hui je m’amusais à donner les rênes de la production à Sydney, sous supervision bien sûr.

J’aimais bien la jeune femme et j’avais envie de la voir s’épanouir dans notre organisation. Et puis, travailler dans le rôle d’une autre personne faisait comprendre l’utilité de chacun. Sydney se débrouillait bien avec mes plans, ajoutait aussi ses propres idées, sa vision. Je n’avais plus qu’à ajouter des détails ici et là et penser à la postproduction.

L’ambiance se réchauffait et notre cher Jay opérait de sa magie devant les caméras. Il n’était pas un de mes plus anciens acteurs pour rien. Je l’adorais. Il savait incarner les personnages avec le talent des acteurs d’Hollywood, nudité et érotisme en bonus. Sydney se tournait vers moi et captait ma vulnérabilité soudaine. Son regard pour moi changeait, ce que j’aurais voulu éviter. J’aimais rester de marbre au travail… Je patientais ensuite jusqu’à la maison pour sauter sur Eljas. C’était raté pour cette fois.

La jeune femme glissait à mes côtés, sa tête contre mes jambes. Je tentais d’ignorer le contact, je n’avais pas envie que tout cela dégénère. Je comprenais que Sydney tentait de continuer de me chauffer en même temps que Jay. L’éclair dans les yeux de la vedette du porno, sa main sur sa verge, ne mentait pas sur ce que cela éveillait en lui. Dire que j’avais toujours été d’un professionnalisme impeccable avec cet homme. Sydney me faisait faillir à ma tâche. Allumeuse et taquine, la jeune actrice argumentait qu’elle faisait cela pour maintenir BigHands dans le désir. Je hochais la tête, faisant semblant que je la croyais sur parole. La petite précision me faisait sourire.

« Je pense qu’on touche un peu plus à la vérité, cariña. »

Elle s’amusait à titiller Jay et je voyais que cela fonctionnait. Sauf que, peut-être de nous trois, il restait le plus professionnel. Probablement parce qu’il devait être filmé et continuer à rester dans son personnage qui souffrait de désir pour la voix désincarnée qui lui laissait des consignes sur le répondeur.

Sydney caressait mes jambes, léchait ma peau. J’avais chaud. Assez pour décider de m’éventer les plans de scènes. Je prenais rapidement sa main pour l’attirer contre mes lèvres afin d’y déposer un baiser plein d’affection. Je lui libérais ensuite la main.

« Tu vas me faire perdre ma réputation de productrice à l’éthique impeccable. »

Malgré la tentative de douce remontrance, je ne l’arrêtais pas. Je plantais plutôt mes yeux sur la scène et croisais le regard de Jay qui semblait réellement se délecter de la scène qui se déroulait devant lui.

« Il ne faudrait quand même pas faire perdre le fil à notre acteur vedette. »

Ma main caressait un peu les cheveux sombres de la jeune femme. La douceur de ceux-ci me faisait presque fermer les yeux avant que mes doigts ne se mettent à glisser sur sa joue et effleuraient ensuite ses lèvres.

Je me trouvais coincée entre le désir et mon souci du travail bien fait, professionnel. Nous avions un film à finir de tourner. Je dirigeais normalement avec un aplomb impressionnant, mais je me sentais faillir avec Sydney à mes pieds. Ma chaise semblait devenir ma sécurité et je m’y redressais un peu pour me donner un peu de contenance. Les dents de Sydney sur ma cuisse me faisaient déglutir abruptement. Je croisais encore le regard de Jay qui semblait très heureux d’avoir un spectacle pour l’inspirer.

Sydney semblait avoir lu dans mes pensées. Pourquoi laisser BigHands être le seul à avoir du plaisir? La jeune femme me faisait miroiter la promesse d’un bon moment et je lui jetais un regard qui la sondait profondément, l’air de dire : je vais te prendre au mot pour ça. Elle se retournait pour encourager Jay à continuer pour la caméra et le voir ainsi se toucher alimentait mon désir. La jeune actrice faisait allusion au reste de l’équipe et elle marquait un bon point. Au moins, je pourrais rester plus professionnelle pour une partie de mon équipe. Je me tournais vers Hannah et Will.

« Votre productrice d’un jour a parlé. ¡Hannah, Will, vamos! »

Je leur adressais un sourire bienveillant.

« Nous continuerons le tournage, mais j’assure vos heures. Passez à la postproduction du premier tournage, on gagnera du temps. »

Les deux techniciens quittaient le plateau en se jetant des regards un peu surpris, mais ne discutaient pas. Ils nous saluaient en sortant. Je les voyais passer la porte et fixais un moment cette entrée afin de m’assurer qu’ils ne reviendraient pas. Pendant ce temps, le dessus de mon pied avait trouvé le chemin sous le peignoir de l’actrice et caressait son intimité comme pour la mettre au défi. La caresse était lente, mais assez bien appuyée, sans être trop ferme. Après tout, elle venait de passer sous les assauts vigoureux de Jay. La langue de Sydney goûtait ma peau et je la laissais faire. Mes yeux se posaient sur Jay.

« Fais-nous ton show beau gosse. »

Un sourire en coin, bouillant, pour l’acteur qui se trouvait devant les objectifs. J’avais l’impression de le mettre au défi de m’exciter personnellement cette fois. En fait, ce serait chose facile, puisqu’il avait Sydney dans son équipe.

« Je ne coupe pas les caméras, on continue. »

Je baissais la tête vers la jeune femme avec un air faussement sévère au visage. Seule une lueur au fond de mes prunelles montrait que je n’étais pas sérieuse.

« Tu m’as fait miroiter une belle suite, mais ce ne sont pour l’instant que des paroles… », dis-je en frottant le dessus de mon pied un peu plus fort contre elle. « Alors, montre-moi que ce n’était pas des paroles en l’air, muñequita. »

D’une seule main, je défaisais la ceinture de ma robe chemise et détachais les boutons, lentement, tout en alternant mon regard entre les deux observateurs dans la pièce. Je m’en amusais beaucoup. J’étais très confiante de ce que mon corps pouvait provoquer.

Exit l’équipe de tournage. Nous nous retrouvions tous les trois seuls sur le plateau. À voir le regard de Jay, je me doutais que cela ne le dérangeait pas le moins du monde. Quelque chose brillait dans ses iris, comme une étincelle de luxure qui s’ajoutait à la sensualité déjà présente. Son corps semblait quémander de l’attention alors qu’il caressait ses bourses comme pour se distraire de l’envie de se joindre à nous.

Sydney tentait de me chauffer en embrassant et en mordillant ma cuisse. La douceur de ses lèvres était agréable, mais elle n’appuyait toujours pas suffisamment ses paroles. Si elle voulait que je brûle de désir, il m’en faudrait plus. Beaucoup plus. Je n’étais pas Chevalier des Black Templars pour rien. J’étais la responsable de la luxure. Le prolongement sensuel, mais féminin, de Syrus. Sauf que mon côté chaud ne datait pas seulement de mon entrée dans l’Ordre.

Universitaire débutante, j’étais déjà cette jeune femme qui donnait des conseils à toutes et tous. De petits trucs de séduction pour un, des positions sexuelles différentes pour émoustiller le couple pour un autre. J’avais toujours été à l’aise dans mon corps. Il était vrai que j’étais restée fidèle à Thomas tout le temps que nous étions mariés, mais nos ébats n’avaient jamais été monotones, même à la fin. Sydney avait donc beaucoup à faire pour me faire perdre pied, mais elle avait bien commencé.

Je la laissais admirer mon effeuillage avec un plaisir non feint. Il était agréable de se sentir désirée ainsi, par un homme ou une femme, cela n’avait pas d’importance. Sauf que j’avais la chance de voir homme et femme se repaître de mon petit jeu. C’était plus que j’oserais demander, de crainte d’y prendre trop goût. Les caresses de Sydney sur mon corps réveillaient une multitude de frissons. Il y avait un moment qu’une femme m’avait touchée. Le délice des sensations me faisait presque oublier que nous étions en train de travailler une minute plus tôt. Nous n’aurions pu être que toutes les deux dans un monde secret, une bulle temporelle secrète dans le déroulement de ma journée… Mais Jay bougeait et me rappelait que cette bulle serait un peu agrandie, ce qui était loin d’être déplaisant.

À ses mains, Sydney ajoutait ses lèvres et découvrait l’ensemble de mon corps à travers ma lingerie. Je me contentais pour le moment de simplement continuer de la caresser de mon pied en ajoutant mes doigts dans sa chevelure lustrée et douce. Je me calais un peu dans mon siège en fermant mes paupières à moitié, prise d’un vertige érotique qui me happait de plein fouet. La langue de la jeune femme trouvait le chemin entre mes cuisses et je ne pouvais que soupirer de plaisir. Sa langue jouait du tissu de la lingerie, laissant mes sens s’éveiller à des sensations différentes. Pendant ce temps, Jay avait éteint la caméra et nous enjoignait de le rejoindre sur le lit. Comment ne pas obtempérer immédiatement?

Sydney profitait quand même de ce moment de distraction pour écarter un moment mon dessous et laisser traîner sa langue contre mon intimité déjà bien sensible à ses attentions. J’expirais un peu plus fortement, poussée par le divin frisson qui me traversait. Elle s’amusait, prétendant que Jay voulait la voir à l’œuvre et nous nous levions. Ses mains se portaient sur mes fesses et je l’attirais un moment pour poser mes lèvres sur les siennes en jetant un regard malicieux à Jay avant de fermer les paupières pour profiter de ce baiser improvisé.

Je laissais Sydney embrasser Jay alors que je m’allongeais sur le lit en les observant, caressant mon corps par-dessus ma lingerie. Elle le délaissait pourtant rapidement pour s’attaquer à mon dessous, tirant la délicate culotte sans ménagement, m’arrachant un sourire. L’empressement la rendait-elle plus brusque? Je poussais un petit gémissement quand ses lèvres trouvaient de nouveau ma chatte qui ne demandait qu’à être léchée et vénérée. J’agrippais la main de Jay et le dirigeais à genoux à la hauteur de mes épaules. Entravé dans son boxer, le sexe dénudé, il était l’apogée de l’image qu’on se faisait d’une star porno chez Satine, mais aussi un homme beau à se damner. Sans trop de préambules, ma main se mettait à caresser sa verge alors que je levais les yeux vers lui. Que pensait-il de sa patronne en cet instant?

« Pour ton professionnalisme, comparativement aux nôtres, gatito, laisse-moi te récompenser un peu. »

Ma langue commençait à tracer le chemin de ses bourses jusqu’à son gland, ma main toujours sur son sexe, l’autre bien appuyée sur la literie pour me redresser un peu. Je n’hésitais pas à prendre sa queue dans ma bouche, malgré les gémissements qui se retrouvaient ainsi coincés dans ma gorge. Cela ne lui ferait que perdre la tête davantage. Il faudrait reprendre le tournage éventuellement, mais cela pourrait être un autre jour. Pour le moment, j’étais occupée à beaucoup plus intéressant.

J’étais entrée chez les Templiers Noirs un peu par un coup de chance. Mon ex-mari fournissait l’organisation en alcool et j’avais livré des caisses avec lui. Cela avait été comme une révélation. Une vie où les envies étaient célébrées. Où la religion n’entravait pas l’Homme, mais le libérait. Cette façon de vivre me parlait. Vivre mes rêves en toute impunité devenait désormais possible. Bien que cela m’avait coûté mon couple, je ne regrettais rien.

Devenir Chevalier de Syrus avait été un honneur. Faire valoir ma place à ce rang élevé était important pour moi. Je me perdais parfois dans le sérieux de la tâche et oubliais les préceptes fondamentaux de l’Ordre. Il me fallait donc parfois revenir à la base, comme avec ce moment passé entre Sydney et Jay. Un triangle chaud comme la braise d’un immense feu de joie.

Jay avait ses mains dans mes cheveux et imposait un rythme avec son bassin et je m’abandonnais à sa volonté. Difficile de faire autrement alors que Sydney était en train de s’occuper de ma poitrine avec sa bouche et que ses doigts se démenaient entre mes cuisses, me faisant trembler de plaisir. Ma peau devenait chaude au fur et à mesure que le plaisir me gagnait. Chaque cellule de mon corps ressentait cet élan de luxure improvisé et en profitait. Cette libération était bienvenue et je perdais toute façade professionnelle. Sydney disait vouloir l’un de nous deux. Je l’écoutais à peine. Mon souffle était si court et la tension crispait tout mon corps.

Un orgasme sourd me libérait davantage et je gémissais, perdue dans les échos de mon propre plaisir. Les grognements et gémissements de la belle brune et du viril adonis me parvenaient sourdement. Mes mains continuaient de toucher, ma bouche ne cessait d’embrasser et ma langue se promenait sans distinction sur chacun d’eux, sans que je puisse réfléchir.

Je me redressais finalement dans une accalmie. Sans parler, je positionnais Sydney à quatre pattes sur le lit, juste devant moi. Ma main se posait un moment entre ses omoplates et j’appuyais pour qu’elle se cambre et pose sa poitrine sur le matelas. Ses fesses déjà rougies par le tournage semblaient luire sous l’éclairage et je laissais mes ongles gratter délicatement la peau sensible, simplement pour la voir gigoter. Mes doigts venaient caresser ses lèvres intimes avant de se poser dessus sans bouger pour en ressentir la chaleur qui s’en émanait. Lentement, j’introduisais deux doigts et les agitais dans une lenteur et une application calculée. Je continuais jusqu’à ma propre satisfaction, c’est-à-dire lorsqu’elle était si luisante de sa propre lubrification qu’un bruit salace s’échappait à chaque va et viens de mes doigts.

Pendant tout ce temps, ma main libre masturbait Jay du mieux possible. Et quand je sentais Sydney prête, je poussais Jay dans sa direction et le positionnais derrière l’actrice. Mes mains écartaient ses fesses pour permettre à Jay de s’introduire en elle. Ma langue venait tester la chaleur de l’épiderme rougi alors que je fixais Jay du regard. Le plaisir se lisait dans ses yeux et j’en admirais les nuances qui voilaient parfois ses iris, au gré de ses coups de bassin.

« Ne la ménage pas, elle mérite d’hurler de plaisir, gatito. »

Je lâchais les fesses de Sydney et venais me coller à Jay, trouvant ses lèvres et mêlant ma langue à la sienne en grondant doucement de plaisir. D’une main, je venais pousser sur son fessier pour lui faire imprimer un rythme plus soutenu, souhaitant entendre les gémissements de Sydney s’accélérer si possible.