Jalie 2 // Il y a une admirable énergie dans l'obstination de la douceur.

Ce soir je griffonnais sans réellement chercher à donner du sens à ce que je faisais, des coups de crayons aléatoires qui. Noircissent une feuille de mon calepin et qui finissent par donner une forme que je précise et qui me fait préciser ce que je dessine sans que je sache moi même au départ ce que je voulais produire comme dessin. C’est la que je reçois un message. C’est déjà une chose rare et qui plus est quand je lis le nom qui s’affiche « muse » c’est le nom que j’ai attribué à zelie et ce soir elle semble avoir besoin de ma présence alors rapidement je l’invite à venir. Comme à son habitude elle entre dans le shop de tatouage et grimpe à l’étage où se trouve la partie vie et là elle se met à gratter à la porte comme si ses ongles imitaient le bruit du crayon sur le papier. Je repose le calepin et habillé de mon jean et d’un t-shirt noir très simple je viens à la porte et ouvre.

Son regard en un instant me fait comprendre qu’elle a besoin d’un peu de douceur et de calme. Je caresse son visage et m’avance pour venir lui déposer un baiser sur la bouche avec tendresse. Je reste quelques secondes avec mes lèvres sur les siennes et j’en profite pour glisser mes doigts dans sa main avant de la saisir doucement. Je l’attire dedans et coupant le baiser de bienvenue je la serre dans mes bras et la garde ainsi de longues secondes contre mon corps oubliant que je suis censé la réconforter et m’abandonnant moi même à savourer sa présence contre moi ainsi que son parfum et la douce et enivrant chaleur de son corps qui se diffuse sur ma peau au travers de mes habits. Je murmure alors à son oreille après avoir délicatement appliqué mes lèvres sur sa tempe.

« dure soirée ? »

La porte s'ouvre, je relève les yeux, pour plonger dans les siens. Je ne sais pas comment il fait, mais contrairement au monde entier, il me connecte à mes émotions. Une part d'entre elles en tout cas. Je m'avance en même temps que lui, ses mains viennent caresser mon visage et j'ai un petit soupir, que je ne peux contenir, comme si je déposais un peu du poids qui me pèse quand je respire. Sa bouche trouve la mienne et oui, vraiment, je respire mieux.

Ce baiser de quelques secondes avec ses lèvres sur les miennes, me fait du bien. Il m’attire dedans et me serre dans ses bras, sans que j'ai la moindre intention de bouger. Je me contente de glisser les doigts sous son Tee-shirt, pour trouver sa peau. La douce chaleur de son corps est savoureuse et je ferme les yeux. Sa bouche se pose sur ma tempe puis il vient murmurer à mon oreille et je réponds par un haussement d'épaule. -"Tout va bien maintenant." Ma voix est un peu plus rauque qu'à l'accoutumée, mais c'est tout juste perceptible, pourtant cette dissonance m'agace.

Je relève la tête, mes yeux reflétant la fatigue, mais également je crois une lueur de soulagement. Je me détache légèrement de son étreinte, gardant ma main dans la sienne. -"Ça a... c'était... compliqué. Et je ne sais pas pourquoi, mais en sortant j'avais besoin de te voir, de te... sentir." Mon regard se pose dans le sien, comme si je cherchais une réponse dans ses yeux. Je suis complètement perdue, ces émotions je ne les comprends pas, je peine à les apprivoiser et à en faire un tout cohérent. -"Quand j'étais là-bas... quand tout est parti en vrille." Je ne suis pas certaine qu'il puisse comprendre un traitre mot de ce que je raconte et pourtant je continue. Mais avant ça, je me plaque contre son torse et pose l'oreille à l'emplacement de son cœur, ce bruit métronomique apaise l'angoisse que je sens monter. -"Je l'ai entendu... ce petit grattement entêtant... de la pointe de ton crayon sur le papier." Etonnant d'ailleurs, ce bruit me réconforte, quand ma misophonie devrait me le rendre insupportable ! Décidemment je ne suis pas en peine de surprises concernant Jaccen Obraniak. -"Et me voilà."

Je ne comprends pas ce qui est en train de m'arriver. Je n'ai jamais cherché de réconfort auprès de qui que ce soit. Peut être parce que je ne l'ai pas appris dans l'enfance? Je n'en sais rien... Toujours est-il que j'ai toujours géré toute seule et que ça me perturbe d'avoir... besoin ou envie... de quelqu'un. Il me serre contre lui et je raconte ce que je suis en mesure de dire, avant qu'il ne lève nos mains nouées pour embrasser la mienne.

Sa question me laisse un peu pantoise. Qu'est ce que je veux ? Je suis bien incapable de le nommer, pour la bonne et simple raison que je n'en ai pas la moindre idée. J'ai eu le besoin impérieux de le voir et j'ai l'impression de me gorger de sa chaleur. Ma réflexion n'a pas été plus loin et je me retrouve un peu idiote à ne pas savoir quoi lui répondre. Je prends une longue inspiration, respirant son parfum, qui me fait sourire, tentant d'organiser mes pensées. -"Je veux... je voulais te... te sentir." C'est étrange non ? A dire et sans doute à entendre.

Je me détache pourtant pour laisser tomber ma veste derrière moi sur le sol et revenir contre lui. J'ai envie de sa peau sur la mienne, que ses caresses viennent effacer les sensations désagréables traversées ce soir. Cette asphyxie, lente agonie, la douleur de ma gorge qui a pris une teinte légèrement violacée. Je ne sais pas comment l'exprimer, parce que c'est trop neuf comme émotion mais je le veux... lui. Je ne comprends pas ce que je ressens, comment le pourrait il ? -"C'était un contrat au long cours... enfin c'est. La fiancée de mon client ne m'aime pas beaucoup je crois." J'ai un petit rire, presque rapeux, qui me fait mal à la gorge et j'y porte la main. Je me détache de nouveau et mes mains gagnent mon ventre pour s'entrecroiser et emporter mon haut sur leur passage. Je n'ose pas le regarder, soudainement très intimidée. Je détache le bouton de mon jean et ondule des hanches pour le laisser glisser sur le sol, le piétinant pour m'en libérer. Seulement vêtue de ma lingerie j'ose enfin relever le menton en m'approchant tout doucement. -"Tu veux bien me serrer ? Fort ? Contre toi?" Je me sens étrangement vulnérable, ma voix si assurée d'ordinaire vibre ce soir d'accents fragiles. Je ne sais pas comment il fait pour me reconnecter à cette humanité, je crois que ça me fait peur.

Entre les bras de Jaccen, je me sens comme une horloge atomique qui, soudainement, entend un tic-tac erratique, une dissonance dans sa mécanique millimétrée. Habituellement froide, détachée, avec une assurance qui ne connait pas la peur... je me découvre toute autre. Là, dans ce moment suspendu, une teinte de vulnérabilité a envahi mon monde de nuances de gris. C'est comme si quelque chose en moi, une étincelle bien cachée, s'était déréglée ou simplement animée. Je découvre la peur, la peur de perdre quelque chose que je n'ai même pas encore tout à fait saisi, un lien fragile mais précieux, un lien auquel... je tiens.

Les contours nets de ma réalité s'effacent, laissant place à une palette de couleurs insoupçonnées. J'accueille, presque malgré moi, la douceur qui émane de lui. C'est comme découvrir un monde inexploré où chaque nuance prend vie. Les mécanismes de ma carapace s'effritent, et je me trouve submergée par une émotion qui m'était jusqu'alors étrangère. Dans ses bras, je deviens à bien des égards, un tableau complexe, où des touches de tendresse se mêlent aux ombres de ma personnalité. C'est une expérience étonnante, déconcertante, où l'acier de ma volonté se fond sous le feu d'une chaleur insoupçonnée.

Je sens ma joue se contracter, sur un rythme désordonné qui me déplait. Elle étire très légèrement ma bouche sur une moue un peu triste et je sens mes yeux me piquer. Je ne comprends pas ces émotions qui montent et je n'aime pas cette sensation. J'essaie de simplement m'en détacher mais ça ne fonctionne pas. Alors je lui demande de me prendre dans ses bras, je crois que je l'implore de me serrer contre lui et quand il le fait j'ai l'impression qu'on vient de me libérer d'une vague de froid mordant.

Je ferme les yeux, j'inspire sa présence et je me détends un peu. Sa question me tire un sourire, parce que ma première réponse serait "non je voudrais la voir morte". J'ai détesté cette situation, la violence subite, alors que je n'étais pas préparée. C'est une faute, une erreur, je n'ai pas le droit à l'erreur. Ce qui est certain c'est que ça ne se reproduira plus. Si elle s'avise de lever la main sur moi de nouveau, ce sera la dernière chose qu'elle fera avant de mourir. Il soupire bruyamment, manifestement satisfait de se trouver contre moi et ça me fait sourire. Il y'a tant de douceur dans les quelques mots qu'il m'offre. -"Non elle ne m'aimera jamais et ça n'a pas d'importance, en revanche elle ne me manquera plus jamais de respect." Les tonalités métalliques de ma voix, sont de mauvais alois, mais étrangement il me fait oublier mes velléités guerrières. Il glisse les mains contre mes fesses et je me hisse à sa rencontre, nouant les jambes à ses hanches. Il m'embrasse et nos souffles se mêlent dans une perfection qui me fait oublier la douleur dans ma gorge. Elle commence surement à être violacée, mais qu'importe, ce n'est rien qu'une petite blessure et ce n'est pas ça qui est de nature à m'arrêter. C'est mon manque de préparation qui me ronge, parce que cette erreur aurait pu être fatale, parce que c'est lui qui est intervenu et que sans ça... Redevable. Ce mot dans un coin de ma tête qui me dérange. C'est comme un grain de sable dans le huilage parfait de ma mécanique interne, un rappel constant qui ressemble au crissement des ongles sur un tableau noir.

Je suis habituée à garder mes rares émotions soigneusement enfermées, comme des pierres précieuses dans un coffre-fort impénétrable. Je suis calculatrice, rationnelle, méthodique. Comme une machine bien huilée, je fonctionne avec une précision implacable, incapable de dévier de ma trajectoire préétablie. Pourtant je suis là, ce soir, vulnérable, avec un besoin intense de sa peau contre la mienne. Peut être que parfois, même la mécanique la plus robuste peut montrer des signes de faiblesse. Parfois, les rouages se grippent, les engrenages grincent, et tout le système menace de s'effondrer. C'est dans ces moments-là que je ressens la froideur de mon âme plus intensément que jamais. Et je crois que ce soir j'ai eu besoin de chaleur, de sa chaleur en fait, pour m'y raccrocher et me sentir vivante.

Je suis cette femme dont le regard est aussi tranchant que le bord d'une lame, dont les gestes sont aussi précis que ceux d'un robot, mais je crois... que je suis aussi autre chose désormais ? Je ne laisse personne pénétrer dans mon monde intérieur, gardant mes secrets enfermés dans les profondeurs de mon être comme des circuits électroniques protégés par une armure d'acier. En tout cas je croyais. Je me considérais insensible, dénuée de toute émotion humaine. Mais ce n'est pas vrai. Sous ma carapace de froideur, mon cœur bat toujours, même s'il est enfoui sous des couches de rationalité et de contrôle, désormais je le sens battre, au rythme délicat des inspirations de cet homme.

Jaccen me confronte au fait que je suis aussi humaine que n'importe qui d'autre. Et même si je lutte contre cette vérité, même si je me bats pour garder le contrôle, je sais au fond de moi que je suis faite de chair et de sang, vibrante de vie, même si je ne sais pas quoi en faire. J'ai un petit signe de dénégation quand il propose un massage. -"Non, s'il te plait. Serre moi... je veux rester contre toi." Il y a de la fragilité dans ma voix, qui transparait dans ma demande et l'expression de mon besoin. -"J'ai besoin... besoin de ta chaleur. Serre moi !" Je m'agrippe à lui, comme si je voulais fondre mon corps au sien.