Cheryl Sawyer °° Si tu vis dans l'ombre tu n'approcheras jamais le soleil

Un cris poussé par un bébé emmailloté dans une couverture rose pâle déchirée, abandonné devant une caserne. C'est ainsi qu'a commencé ma vie. Seule. Abandonnée. Ma mère devait être une camée, j'ai été découvert dans un état de manque et si je m'en suis sortie c'est parce que depuis les premiers instants de ma vie j'étais une battante. Si petite je m'attachais déjà à la vie avec un acharnement forçant l'admiration.

J'ai grandi dans un foyer, parmi d'autres gamins avec des vies merdiques semblable à la mienne. Certains sont des orphelins comme moi, d'autres sont simplement placés ici parce que leurs parents sont incapables de prendre soins d'eux. Moi, au moins je ne les connais pas. Je n'ai aucun visage à détester ou à regretter et c'est peut être plus facile ainsi. Je n'ai pas à vivre avec l'espoir d'un jour pouvoir retrouver les miens... et à subir la déception que ce jour n'arrivera probablement pas. Je sais que je suis seule, que personne ne m'attend et que je suis et serait probablement le seul moteur de ma vie toute entière.

J'étais une enfant très discrète, je parlais qu'en de très rares occasions. Beaucoup me trouvais bizarre, pensant même que j'étais stupide alors que j'observais tout ce qui m'entourait, attentive au monde tout autour de moi, je remarquais des détails qui pouvaient sembler insignifiants pour tant de personne. J'étais une gosse plutôt intelligente même et ma mémoire d'éléphant est un atout dont j'ai appris à me servir pour tirer mon épingle du jeu dans la vie de tous les jours.  Plutôt solitaire, j'avais tendance à me tenir à l'écart des autres enfants, malgré tout en cas de coup dur, il y avait une étrange solidarité entre nous. Nous étions tous dans le même bateau, dans la même merde, et à la manière d'une immense fratrie, nous veillons les uns sur les autres. Cependant, comme une tentative ridicule de me protéger, j'ai érigé autour de moi une solide carapace. Je parle peu de moi, de ce que je ressent, je reste constamment sur la défensive, pouvant parfois même paraître agressive si on tente d'ébranler mes barrières. Gagner ma confiance peut sembler impossible, pourtant lui il a voulu relever le défis.

Tyler avait un caractère fort, il possédait une assurance que tout le monde admirait. Je ne sais pas pourquoi il s'est intéressé à moi. Je n'étais pas avenant et je l'envoyais bouler lorsque je le jugeais trop insistant... Ado, j'avais un don pour m'attirer les emmerdes, des vol, conso de drogue... et Ty m'a sortie un nombre de fois incalculable de la merde dans laquelle je me fourrais. Une part de moi attendais ça, cette attention particulière qu'il m'accordait, peut être même que je cherchais son attention en me mettant inconciament dans toutes ces situations. Peu à peu il ébranle ma carapace, gagne ma confiance et ma sincère affection... mais j'ai peur de ce qui pourrait se passer si je me laissais aller, si je céder à ces émotions que je mure en moi depuis si longtemps.

Les années passent, et notre complicité gagne en ampleur et en intensité au fil des années. Nous étions unis comme les deux doigts de la main, il a su libérer une femme en moi que je gardais captive depuis si longtemps. Je me plais parfois à penser qu'il m'a réparée. Il m'a aidé à m'aimer et à m'accepter. À sa majorité, je m'enfuis du foyer avec lui, je ne concevais pas une vie dont il ne faisait pas parti, mais dans la vraie vie, dans le monde réel, on ne vit pas d'amour et d'eau fraîche. La dure réalité nous rattrape. Les petits boulots sont qu'un leure qui nous permette à peine de survivre.  Je ne voulais pas d'une vie comme ça, une vie misérable ou nos travails de merde nous usent à petit feu et ne nous laisse ni le temps ni le budget pour une jouir des plaisirs de la vie.

Si tu vis dans l'ombre, tu n'approcheras jamais du soleil... Nous avons vécu dans l'ombre trop longtemps et il est grand temps de prendre les choses en mains pour avoir cette vie dont nous rêvions enfants. C'est ma force et ma détermination pour une vie meilleure qui nous guida les années suivantes. Je deviens le 'cerveau' de nos petites magouilles. Je ne suis pas Robin des Bois, mais nos cibles étaient toutes des personnes riches et à l'abris du besoin. Connaître sa cible, tout savoir de ses habitudes, ses forces et ses faiblesses avant de s'en servir pour le dépouiller. Je mentirais si je disais que cette vie ne me plaisais pas. Le danger et l'adrénaline sont devenus des moteurs dont j'avais besoin autant que j'avais besoin d'air pour respirer. J'aimais jouer des rôles, me fondre dans la masse comme un caméléon pour atteindre nos objectifs. S'inventer une vie qui n'est pas la sienne et tromper le monde qui nous entoure était tellement plaisant et excitant. Nous ne nous fixions jamais au même endroit, on naviguait de ville en ville sur la selle en cuir de sa bécane. Une vie d'aventure qui me galvanisait.

À force de jouer avec le feu on finit par se brûler. J'aurais dû le savoir, c'était inévitable, mais l'appât du gain m'a aveuglée. Nous savions qu'un jour les choses pouvaient mal tourner, je refusais d'en parler quand Ty voulait que je lui promette de me tirer sans me retourner si jamais les choses venaient à mal tourner. Un sujet de dispute récurent entre lui et moi, car cette hypothèse je refusais de l'envisager. Sauf que cette nuit-là, ma vie a viré au cauchemar, un grain de sable est venu enraillé les rouages de notre mécanique pourtant bien huilé. Cette erreur de jugement lui a couté la vie... j'ai vu cet homme qui était un ami, un amant et un frère tomber juste sous mes yeux. Une putain de balle... il la prise pour me protéger, si je me suis tirée, c'est parce que je lui en avais fais la promesse malgré moi...

Je m'en suis sortie de justesse, je me suis tirée dans nuit, avalant le bitume comme une dingue au guidon de sa moto. Je n'ai plus rien et je suis détruite, je lui ai promis de poursuivre ma vie, de tout recommencer à zéro sans lui. A cet instant ça me semble impossible. Je dois partir loin, et c'est après des mois d'errances que j'attéris à San Diego pour peut être y déposer mes valises pour de bon. Valises.... c'est un bien grand mots. Je n'ai que très peu de choses. Sa moto dont je suis incapable de me séparer... encore un peu de cash pour vivre quelque temps sans excès. Je dois aller de l'avant à présent et reprendre le cours de ma vie. J'espère seulement en être encore capable.