Outfit -- Il y avait un lieu à New-York que tous regardaient avec une certaine envie, un endroit où même le plus pressé des new-yorkais ralentissait le pas, il n’y avait semble t’il aucune raison, car lorsqu’on regardait le building, il était comme les autres, avec, il est vrai, une certaine appréhension. Car le building en question était d’un noir infini, des multiples baie de cette tour de verre, seul le noir venait frapper sa surface. Il en imposait et son entrée, un appel à y entrer, deux colonnes qui dit'on, provient véritablement d’un temple grec encadraient une porte béante qui donnait sur le marbre blanc de l’accueil et un tapis rouge, comme un fleuve charriant du sang jusqu’à enfin atteindre les hotêsses de l’accueil. Mais rentrer n’était que pour une certaine élite et les cerbères devant l’entrée défiait quiconque de franchir l’entrée sans invitation, bienvenu à l'Hôtel Elyséen, un endroit que seul le gotha pouvaient oser pénétrer.
Et même eux, généralement peu avare d’étaler leurs vies privées et luxueuses sur les réseaux ne parlaient pas de l’Elyséen, peut-être pour garder le mystère ? On disait que des orgies pouvaient avoir lieu, que chaque étage était un ravissement, une ode à la Grèce Antique, mais même si ce n’était que des "ont-dit", un seul est vrai, la pépite de l'hôtel, son orgueil. Au dernier étage, se trouvait un vaste jardin, magnifique, caricature de ce que pouvait être ceux des Enfers grecques, un trésor bien gardé.
On dit que le gérant de l’hôtel, est un immigré de l’ancien berceau de la démocratie. D’autres, juste un passionné de la Mythologie. La réalité… C’est qu’il est le véritable maître des Enfers, celui en personne le Sombre Monarque. Hadès tel est mon nom…Divinité ayant chuté il y a des siècles, trahis, lâché immortel sur la terre des mortels, j’ai glissé dans plusieurs personnalités au fil des années jusqu’à aujourd’hui où je suis le riche patron de la chaîne des hôtels Élyséens. Lentement, mais sûrement, au fil des siècles, j’ai retrouvé lentement mes pouvoirs et voilà que je ressens l’appel à nouveau d’une nouvelle épopée. Mais hélas, nous somme tous dispersés, je n’ai pas revu mon unique amour, ma Persephone… Mais j’ai espoir maintenant de retrouver mes pairs, car l’appel vient d’ici un gouffre de noirceur, oui, je ressens un frisson…
La nuit depuis les rambardes de marbre du jardin surplombant la ville, je réfléchis, le chaos semble aspirer mon âme, l’idée me vient que peut-être, ai-je péché trop d’orgueil ? Depuis la fin de la construction de l’hôtel, aucun de mes semblables n’est venu, pourtant, je suis sûr que c’est ici, il y a une tâche dans mon cœur pompant mon ichor divin. Un instant, seulement, je me trahis, mes veines apparaissent, pulsant un liquide d’un bleu pénombre, la marque immortelle que parfois, j'oublie de contrôler.
J’avais créé ce jardin en mémoire, seul fragment de mon esprit qui me reste de l’ancienne époque, notre âge d’or… Et puis son sourire, son rire semblable à la rivière vierge d'impuretés. Oui, je me souviens encore… Seulement, nous avons changé des visages lors de la Chute et pour ma part, j’ai hérité de traits qui dans le monde d’aujourd’hui correspondent à la Turquie.
Mes vies, là-bas, furent d’une violence extrême, de mort, de changement de camp… Oui, jusqu’au Moyen-âge, ma vie dans l’antique région de Babylone fut mouvementée avant de migrer, allant tantôt dans le Sainte Empire Germanique en tant que philosophe, puis débarquant au Japon en tant que riche commerçant Nanban pour atterrir aux État-Unis. Oui, multiples vies et au fur et à mesure que l’humanité évoluait, je devais changer d’identité devant changer dans un cycle humain normal était fatigant à la longue. Demain, je serai peut-être flic à San Diego.
Voilà, je m’égare à repenser au passé, comme si je voulais remonter le fil de l’eau, essayer de me souvenir de plus avant la Chute… Je ne veux pas perdre le son de son rire. Elle revient encore, lente agonie, dès que je tente de me souvenir, tu reviens sans rien de plus que ce putain de souvenir, une boucle tragique.
Ma poche vibre, me tirant de toutes mes idées noires et de mes lamentations antédiluviennes. Je sors mon portable m’indiquant un message de l’accueil de l'hôtel, un VIP Ichor. Pour les humains le rang à obtenir, mais ils ne savent pas que c’est peine perdue, ce rang, c’est celui de mes frères et sœurs, nièces et neveux. J’étouffe un juron et me concentre, je sens, c’est léger, mais cela arrive de plus en plus fort au fur et à mesure qu’il monte.
Je me détourne de la vue de New-York, me passant une main dans les cheveux et me dirige vers le petit kiosque rond qui est en fait l’entrée de l'ascenseur qui mène directement ici.
Qui vais-je rencontrer ? En espérant que cette rencontre se termine en duel… Je marque le pas, beaucoup moins pressé de rejoindre l’ascenseur. C’était risqué, mais après tout, depuis tout ce temps, l’échiquier divin que nous avions entre nous était caduque, il fallait désormais remettre en place tout ça et c’était le moment de bien placer ses pions.
Je prends une grande inspiration, croisant mes bras dans mon dos, tout de noir vêtu, mon trois pièce ne semblait qu'être une cape d’un noir abyssal, seule touche de rouge, sur la poche de ma veste, un rubis, une multitude en réalité représentant Cerbère d’une façon finement ouvragée, le style avant tout. J’attendais mon homologue de pied ferme. Quoi qu’il arrive, il allait falloir la jouer mystérieux… D’ailleurs, est-ce que sa présence me sauterait aux yeux ? Ou alors un jeu de dupes pour savoir qui est qui allait s’installer ?
Plus le temps de reculer, mes yeux d’un brun teinté d’ambre se posèrent sur le kiosque, quand j’y pense, les mortels ne se rendent pas compte qu'au-dessus de leurs têtes allaient se jouer un moment plus qu’historique.
Le ding retentit, encore dans la pénombre, j’articule un mot.
“Bonsoir…”