La caresse était agréable, il faisait courir son index sur la surface et il pouvait y sentir les moindres petits détails, erreur lors de la création, mais qui donnait un sentiment bien plus agréable au final, lorsqu’on voulait se concentrer un minimum bien sûr, plus unique que la lisse interprétation de la normalité que l’on voulait se donner. Un fin sourire se dessinait sur le visage de l’homme alors que ses yeux se posèrent enfin sur la beauté qu’il continuait de caresser, laissant son doigt courir encore. Dans son regard une sorte de joie apaisée, il savait qu’il allait pouvoir parcourir encore et encore ce qu’il observait.



Le décor est planté, vous ne trouvez pas ? Mais il y a encore plus, car dans la pièce lourde de meuble aux multiples reliures, tantôt quasi-neuve et d’autres qui ont certainement connu bien des doigts, il y avait une fenêtre, haute et au bois lui donnant un cachet plus que bienvenue. Les carreaux étaient frappés de plein fouet par le soleil qui, dans la pièce semblait devenir un spot, un projecteur qui indiquait notre héros, ou plutôt le personnage principal de ce que vous êtes en train de lire. Et il était bien là, à lire ce livre, oui, vous pensiez peut-être à autre chose peut-être ? Oh oui, j’imagine que cette caresse que vous pensiez érotique était pour une femme à la beauté fatale, mais non, il est bel et bien question d’un livre, une des premières éditions de “The Middle of the Earth”, une pépite, un trésor pour cet homme.
Voilà vous êtes déçu, mais attendez, cet homme est peut-être un prédateur, un prédateur qui prend une pause. Peut-être que si vous arrêtez de lire maintenant cette longue introduction, vous allez rater le passage croustillant, celui de la bibliothécaire en chemisier blanc et jupe strict d’un noir cobalt et des lunettes qui auraient plus leur place dans la lentille d’un télescope. Que cette femme va arriver, appuyer son dos contre un rayonnage, regarder l’homme qui ne lui lance qu’un bref sourire, qu’elle va déboutonner son chemisier, bouton par bouton, dans une lenteur provocante, ensorcelante pour le regard de notre personnage principal. Qu’au bout d’un moment, ce même homme la plaquera contre les livres, que ses mains vont venir caresser ses cuisses avant d’en remonter une contre son bassin, dévoilant plus, griffant cette peau qu’il a envie d’embrasser, de déposer ses lèvres à s’en brûler même, mais peu importe, car il sent cette putain de chaleur, comme un four, un antre où une succube vous chuchote pour que vous pénétreriez le dit antre… Sauvage, animal, elle s’offrirait à cette bouche, il y viendrait lui boire à sa source, récolter ce nectar, ce jus érotique…
Mais non, il n’y aura pas. Cet homme, c’est Volkan Ambrose. En réalité, il est le patron de cet endroit, une boutique, une librairie, mais pas n’importe quelle librairie. Construite dans une ancienne église qui fut absorbée par la ville, elle a été réaménagée par de nombreuses personnes juste avant l’arrivée de Volkan. Une énigme ce type, arrivé à San Diego il y a maintenant 10 ans, personne ne sait vraiment d’où il vient. La seule chose sûre, c’est que c’est un ancien professeur universitaire… Certains disent un mathématicien qui ayant trouvé une réponse absolue aurait préféré partir et s’éloigner des chiffres, d’autres, un prof d’archéologie, allez savoir, des fans du Professeur Grant. Un lettré qui aurait déjà pris sa retraite, mais étrange, à son âge… Une sombre affaire peut-être ?

C’est vrai, une sombre affaire, avant d’être dans la ville de San Diego, Volkan était professeur de Lettres, spécialisé dans la littérature Victorienne à Harvard. Oui, c’est quelque chose, mais il semblerait que lorsqu’il était là-bas, il eût organisé un petit cercle de lecture, beaucoup de filles et peut-être des écarts bien maladroit avec certaines. Oui, Volkan est, vous pouvez le noter, un homme pas vraiment tout blanc malgré ses lunettes stricts. Il n’aura pas tenu une année à son poste qu’il avait réussi à obtenir jeune, un gâchis dirons certains, mais lui ne semblait pas vraiment s’en vouloir, une parenthèse bien trop brève qu’il avait totalement refermée sans éclats.

Cette affaire derrière lui, il a préféré changer de ville, changer de paysages aussi et lorsqu’il est arrivé à San Diego, une opportunité s'est présentée à lui, son ancien mentor lorsqu’il était lui-même étudiant, habitait ici. Des retrouvailles, le plaisir de se remémorer les vieilles histoires et les nouvelles et cette proposition. Ouvrir une librairie unique, enfin ici en tout cas.

Quand vous entrez dans cette église rénovée, vous avez l’impression de plonger dans les plus prestigieuses bibliothèques, vous savez les mêmes bibliothèques que vous voyez dans les films de notre glorieuse nation ? La même, cette odeur de vélin, de cuir, un régal, il y a même ici un endroit pour les étudiants, quelque chose que son mentor et lui voulaient à tout prix.
Mais même si cet endroit est très recherché, ce n’est pas ce qui compte, mais la vente de livres et ici, les plus grands collectionneurs viennent, car ici, ce sont des premières éditions, pas plus pas moins, mais si les collectionneurs se bousculent, c’est aussi qu'ici, Volkan et son mentor sont capables de restaurer tout ça sans aucun problème du moment que vous avez l’argent.

Depuis, Volkan vit sa meilleure vie jusqu’à la mort de son partenaire, mais hélas, la vie est ainsi faite que parfois, il faut dire au revoir à des gens qu’on estime sans se rendre compte de l’importance qu’ils peuvent avoir. Mais Volkan n’a pas baissé les bras, maintenant Ambrose’s Books, il a continué, embauché et il a même proposé quelques clubs de lecture à l’université de San Diego à ceux intéressés et il a même le droit parfois à donner des cours magistraux là-bas.
Mais quel homme me direz-vous ? Oui, lorsqu’on ne regarde que la surface, Volkan Ambrose semble être un homme ayant fait des erreurs, mais qui a réussi à rebondir. Maintenant, si vous descendez dans le sous-sol et que vous ne rester pas ébahi devant le local de restauration qui respire l’authentique, peut-être que vous allez remarquer la petite porte au fond, presque dans une ombre perpétuelle ce qui lui donne un look terrifiant, comme si d’un simple regard, vous pouviez sentir le froid remonter tel un serpent glacial le long de votre colonne vertébrale. Que se passe-t-il si vous ouvrez cette porte ? Que va-t-il vous arriver ? Ceci est dans un autre chapitre… Que vous allez peut-être co-écrire avec lui ?