Une vieille connaissance à San Diego ? [Syrateo #1]

Je n’ai fondé ma propre dynastie qu’il y a peu et ce n’est pas le boulot qui manque. Pourquoi ? Parce que même moi je testerais les limites d’une nouvelle famille si l’une d’entre elles venait s’installer tout près. Je ne parle pas ici d’une famille reliée à la Cosa puisque nous ne sommes pas encore très nombreux à avoir choisi les belles plages de la Californie pour faire du business, non, je parle des irlandais, des écossais, des Roumains tiens, pourquoi pas. Je ne dis pas que je les chasserais d’emblée, les bains de sang c’est la vieille façon de faire… ou pas. Disons plutôt que c’est la façon de faire de la vieille génération de Don, celle de mon père par exemple. Donc, pour ne pas me retrouver avec des piles et des piles de documents à lire, de rapports de terrain ou de tableau comptable, je n’ai d’autres choix que de m’installer à mon bureau. J’ai dû faire une petite pause quand Alice est venue me demander un peu d’attention. Ma fille est et restera ma priorité et… bah qui peut résister à une gamine qui tombe à chaque deux pas parce qu’elle essaie de marcher trop vite hum ? La, maintenant, elle dort sur le fauteuil de mon bureau, ce qui me permet de travailler. Oui, mais non…

Quoi ?

Un appel d’un des soldats ? J’espère pour lui que c’est important, putain.

Don… Il y a un M. Payns qui demande un entretien.

Syrus ? J’ordonne au garde de le faire entrer et de lui montrer le chemin jusqu’à mon bureau avant de me lever pour déplacer ma fille dans sa chambre. Elle est peut-être encore trop petite pour comprendre quoi que ce soit, mais on ne sait jamais. Je sors de mon bureau chargé de ce petit bout de femme en me doutant bien qu’à mon retour, Syrus devrait déjà s’être installé dans l’un de mes fauteuils. En règle générale je ne laisserais aucun document à la vue d’un regard gourmand et curieux, mais je ne le crains pas. De toute façon, il n’y a pas de secret d’État en ce moment sur mon bureau alors s’il décide de jeter un œil, cela ne sera qu’un pas vers le bas de sa part et plus on descend, moins je suis gentil et aimable. Oui, je sais, gentil et aimable ne sont pas des mots très souvent utilisés pour me décrire et alors ?

Désolé pour l’attente mon ami.

Il n’a pas besoin de savoir pourquoi j’étais absent à son arrivée… déjà que je me suis excusé…

Je te sers un verre ? Un café ?

Personnellement je me prépare en expresso bien fort, attends de voir ce qu’il veut et le lui prépare aussi avant de revenir déposer tout cela sur le bureau. Je prends place sur ma chaise, en face de lui et bois l’expresso avant de reprendre la parole.

Tu es ici pour affaire ou pour le plaisir ?

Je ne suis pas reconnu pour aimer tourner autour du pot. On peut discuter du tout et de rien si c’est le plaisir qui l’amène où aller droit au but s’il est là pour faire une alliance parce que…. Je sais fort bien qui il est et pourquoi il est à San Diego. Je ne suis pas l’un de ces petits cons de russe. Deux plus deux faits encore quatre. Toutefois, libre à lui de me dévoiler ce qu’il a envie de me dévoiler, je ne vais pas lui jeter à la figure ce que je sais de tout cela. Syrus est un homme puissant, un homme qui a, derrière lui, une armée de templier. Je suis un homme puissant. J’ai moi aussi une armée derrière moi. En revanche, je ne le vois pas et je ne l’ai jamais vu comme un rival, mais bien comme un ami.

— Si tu as un bon bourbon, ça sera avec joie mon ami.

Toujours aussi sophistiqué, c’est bien, j’aime quand les gens restent fidèles à eux-mêmes. La plupart du temps cela permet de voir qui joue la comédie, les hypocrites, et qui peut rêver d’obtenir un peu de ma confiance. Ce n’est pas parce que je connais Syrus depuis des années que je me dois de m’agenouiller devant lui. Le temps change les gens, le temps transforme parfois les amis en ennemi et les ennemis en amis. Donc, une fois assis derrière mon bureau, je ne perds pas de temps et pose la question qui tue. Le début de sa réponse me fait sourire. Oui, je suis toujours aussi direct. Je ne suis pas un hypocrite. Le temps n’a pas changé l’homme que je suis, il l’a seulement rendu plus riche et plus puissant.

Un peu des deux ?

Intéressant… Je le laisse poursuivre sa réponse sans l’interrompre. Je me réjouis de le voir aller, lui aussi, droit au but. Une alliance ? Il est vrai que nous ne sommes pas les seules organisations dans cette ville et c’est normal vu la grosseur de celle-ci. Pour ce qui est de mettre le pied dans la fourmilière…

Dans le quartier de la petite Italie, oui, je suis au courant. J’y serai avec plaisir et honneur.

Aucune arrogance ici bien sûr, je lui dis seulement que s’il avait voulu garder cet établissement secret jusqu’à l’ouverture, choisir ce quartier n’était peut-être pas une si bonne idée. Je ne le possède pas comme l’on possède une voiture ou une maison, mais un Italien sera toujours chez lui dans un quartier nommé < petite Italie >.

Toutefois…  

Je recule ma chaise du bureau juste assez pour pouvoir mieux m’appuyer sur le dossier, mais aussi pour qu’il ressente le côté sérieux de ce que je vais dire ensuite.

Je préfère ne pas prendre parti pour le moment et ne peux promettre de prendre parti dans un avenir à plus ou moins terme. Il y a deux explications pour ce choix. La première ?   Je ne suis pas ici depuis assez longtemps pour me permettre une guerre et la deuxième ? Je ne veux pas bâtir une Cosa Nostra avec les mêmes pierres que mon paternel.

Traduction ? Je n’ai pas besoin de tuer tous ceux qui me regardent de travers pour me faire une place. Je n’ai pas besoin de devenir un connard pour être celui que l’on craint. Enfin, oublier cette dernière explication parce que je suis bel et bien un connard… Ce que je veux dire c’est que je compte bien bâtir mon empire à ma façon.

Je fais affaire avec qui veut bien tant et aussi longtemps que cette personne ou ce groupe de personne ne tente pas de me poignarder dès que j’aurai le dos tourné. Je fais affaire avec les buveurs de Vodka depuis peu, une transaction à la fois. Rien du côté des Hounds en revanche. Je transige aussi avec les Mexicains et les Irlandais, mais pour le moment seulement avec ces derniers puisqu’ils jouent un double jeu…

Pourquoi je lui en dévoile autant ? Pour lui démontrer que je lui fais confiance, certes, mais aussi parce que je le connais assez pour savoir qu’il fera ces propres recherches de son côté et que toutes ces informations deviendront connues de toute façon. Je n’ai rien à cacher, pas à lui et pas des informations si peu cruciales pour la survie de ma famille. Ce que je ne dis pas et qu’il pourra deviner, c’est que je sécure l’avenir de ma fille. Je veux qu’elle grandisse sans avoir à regarder au-dessus de son épaule toutes les deux minutes.

J’aimerais garder les affaires loin de notre amitié. Il y aura un temps pour le fric et les transactions et un temps pour le reste. Je ne peux t’offrir plus.

C’est moi ou j’ai parler avec mon cœur? Putain je me ramollis

J’aime dire les choses exactement comme elles le sont. Quand c’est blanc, c’est blanc. Quand c’est noir, c’est noir. Je n’ai pas non plus l’habitude de jouer dans les zones grises, mais quand je le fais je suis aussi capable de le dire haut et fort à qui veut bien l’entendre. Enfin non, disons plutôt que je le dis à qui je veux bien le dire. Mes actions m’appartiennent et je n’ai jamais honte de ce que je fais ni des répercussions de mes actions. N’est-ce pas positif de jouer cartes sur table ? Pas de cachette. Pas besoin entre moi et Syrus. Le jour où naitront des secrets entre nous sera le jour ou il n’y aura plus de confiance. Attention… Il y a une différence entre pas de secret entre nous et tout dévoiler de mes plans. Je ne suis pas débile. Je ne suis pas un Don parce que j’ai de beaux yeux. Je vais lui dire ce qu’il doit savoir, le reste m’appartient. Le reste…

Humm…

Humm ? En voilà une réponse intrigante. Je pourrais lui demander des explications, mais je me doute bien que ce n’est pas la fin, mais bien le début de son explication. Je garde donc le silence et attends. Je ne suis pas déçu. Il reprend mes paroles et quand il ajoute que ma fille est ma troisième raison je ne le contredis pas. Toutefois, je reste sceptique quand il me dit que je me trompe en affirmant que je ne peux rien lui offrir de plus. Ah oui, les Russes, bien sûr. Faire affaire avec les Russes peut être bénéfique pour tout le monde si les pions sont joués avec intelligence. Je suis également content de savoir qu’il ne souhaite pas me voir les trahir, ce que je n’aurais pas fait de toute façon.

Mais gagner leur confiance pourrait être un bon point pour toi.

Le < pourrait m’être bénéfique > est tout à coup devenu < un bon point pour moi > ? N’est-ce pas un peu différent ? Pour lui et pour moi, n’est-ce pas deux chemins totalement différents ? Si je ne suis pas surpris d’apprendre qu’il souhaite dominer la ville, le maïs me fait lever un sourcil, curieux. Une bonne part pour la Cosa ? Okaaaaaaaaaaaaaaay… voyons voir… J’ai envie de lui dire de laisser ma fille en dehors de cela, mais je ne le fais pas. Ces dernières paroles ne glissent pas sur moi avec facilité et il est préférable que je tourne ma langue sept fois dans ma bouche avant de parler. Il doit surement voir l’orage qui prend naissance dans mon regard parce que rien ne lui échappe.

Si je n’ai rien, contre partager mes connaissances des Russes avec toi…

Je n’ai pas besoin d’en dire plus. Je viens d’acquiescer pour les Russes et travailler ensemble pour éviter qu’ils deviennent trop puissants est une bonne idée. Les éliminer complètement serait idiot puisqu’une autre famille viendra tenter sa chance. Plus on tue de cafard et puis il en vient, c’est le cycle de la vie. Puis… vivre avec des cafards connus est plus sécurisant et plus facile que de vivre avec des cafards inconnus.

Je ne veux pas… une part… de la ville, Syrus. Je ne vais pas t’empêcher de prendre ce que tu veux prendre, mais ne joue pas dans mes plates-bandes. Je me fous des territoires parce qu’agir ainsi est une façon de faire qui appartient au passé, la façon de faire de vieilles familles italiennes. J’ai autre chose à faire que de défendre tel ou tel coin de rue parce que celui-ci est payant côté pute. Je me fous de savoir si mes cargaisons sont plus petites que les tiennes. Je me fous aussi de savoir qui fait pipi le plus loin. Ce dont je ne me fous pas en revanche c’est de savoir que tu tentes de glisser ton nez dans ce qui ne te concerne pas. Mes limites seront claires et si tu t’approches trop de mes limites je te ferai savoir, pour ne pas détruire notre amitié. Traverse mes limites et tu deviendras un ennemi.

Mes paroles ne peuvent pas être plus claires qu’elles ne le sont. Ai-je honte de lui dire tout cela maintenant ? Haut et fort ? Vaut mieux maintenant que trop tard, non ? Blanc… Noir…