Billie Edwards ∞ Les chaines les plus horribles sont invisibles pour les yeux.

Je m'appelle Billie Edwards, une étoile errante jetée dans l'obscurité sans fin de la traite humaine. Mon père, criblé de dettes, m'a vendue comme une marchandise à la bratva, la mafia russe, pour éponger ses fautes. Arrachée à ma vie en Israël, en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, j'ai atterri aux États-Unis à l'âge de 18 ans, une poupée brisée entre les mains de criminels sans pitié. Je me suis battue, corps et âme, mordant, cognant, hurlant comme un bête fauve. Depuis mon enlèvement, ou devrais je dire ma "cession" je n'ai pas revu ma mère, ni ma petite soeur, en tout cas pas sans le prisme d'un smartphone et toujours sous surveillance. J'ai le droit à deux visios par mois, quand je suis docile... autant dire que mon tour a sauté régulièrement.

Devenue une prostituée de luxe, je danse au rythme des ordres de la bratva à San Diego. Contrainte, forcée, j'ai lutté avec férocité pour maintenir un semblant de dignité. Mais la bratva n'a pas simplement brisé mon corps ; ils ont menacé ma petite sœur, le dernier fil qui me rattachait à la vie. Alors j'ai cédé, l'esprit détruit par cette menace, par l'idée de la voir ici elle aussi, enchainée, traitée comme un animal et j'ai simplement fait ce qu'on attend de moi, je me suis montrée charmante et docile. Moi qui n'avait que peu d'expérience sur le terrain du sexe, c'est devenu mon métier... Ironique non ?

Ils m'ont obligée à rentrer dans le rang, à jouer le jeu au moins en apparence, en off je crois que je suis toujours aussi volcanique et irrespectueuse, autant qu'insupportable. Ce qui me sauve ? Parait qu'ici au milieu des filles de l'est, je suis une sorte d'exotisme. En secret, j'ai commencé à utiliser ma mémoire eidétique comme un instrument de vengeance. Chaque information, chaque détail sur les sales activités de ces criminels, j'ai tout gravé dans ma mémoire. Notes de frais, organigrammes, noms, déplacements, tout ce que j'entendais, tout ce que je voyais, tout était soigneusement enregistré. Les adresses personnelles... tout ! L'ennui ? Ils ne sont pas tous cons et j'ai fini par apparaître comme une menace, étant étroitement surveillée.

Mon passeport n'est qu'un bout de papier, qu'ils m'ont volé, mais je me dis que je peux révéler ce qu'ils font et retrouver ainsi ma vie en offrant aussi la liberté aux autres au passage. Un projet que je n'ai pas eu l'occasion de mettre en application, malgré la somme conséquente d'informations recueillies. Pourquoi ? Parce que ces salauds, ils ont ma fille, ma petite Hope, qui est la véritable otage, le prix de mon silence et de leur tranquillité d'esprit. Fruit d'une nuit avec l'un de ces maudits, un homme charmant qui ne se souvient même pas de mon prénom. Son charme a fait fondre ma résistance, et maintenant, ma fille est la corde qui me garde enchaînée. Il ne sait même pas que j'existe et comble du comble c'est à lui qu'on a confié la garde de ma princesse. Pourquoi lui ? Pourquoi à ce connard ? Parce qu'il semble s'animer d'une étrange tendresse en sa présence? Parce qu'occuper des putes autrement qu'avec des clients c'est une perte de blé ? Je ne sais pas... mais je suis terrifiée par l'idée qu'il découvre qu'elle est de lui et qu'il me la prenne à tout jamais. Si ils font ça, je me jure chaque nuit de tous les tuer ! TOUS !

Ici au Cosmo, nombreux sont ceux qui m'appelle Bee, comme l'abeille. Parce que j'ai la langue acérée, et que je pique fort, dès que l'occasion se présente. Je l'aime cette abeille, je me la suis faite tatouer, sur la crête iliaque. Rien ni personne n'a réussi à me briser complètement et c'est sans doute grâce à ce putain de caractère. Sauf quand ils ont pris ma fille... Pour la revoir, je dois fermer ma gueule et rester docile, jouer le jeu de l'obéissance. Sinon, ils ont promis que les conséquences seraient impitoyables. C'est terrifiant et c'est un horrible crève-coeur de la laisser derrière moi à la fin de chaque visite médiatisée. J'ai l'impression que ça me déchire de l'intérieur, que je perds chaque fois un peu plus de mon humanité.

Chaque jour est un pas de plus vers la libération, chaque mot retenu est une brique ajoutée à la construction de ma vengeance. L'amour pour ma fille est la lumière qui guide mes pas dans l'obscurité, une force qui me maintient debout, même quand tout semble vouloir me faire tomber. Mon nom est Billie Edwards, et même au cœur des ténèbres, je résiste, prête à tout pour retrouver ma liberté et celle de ma fille. En plus... c'est terrible, parce que désormais ma porte de sortie je la connais. Cette journaliste... elle pourrait faire voler l'omerta. Je pourrais surement permettre la libération de nombreuses filles, mais je tuerais l'espoir... je perdrais toute chance de retrouver ma princesse. Est ce que je peux supplier Vlad ? Est ce qu'il se laisserait convaincre qu'elle est de lui mais aussi de moi et qu'il ne peut pas priver sa fille de sa mère ? Parfois j'y songe et puis la terreur revient. Je suis perdue, à la dérive, prête à tout aussi !

Dans tout ce bordel, il y'a un seul phare dans ma nuit. Ce garçon il m'aime bien je crois. Il me voit comme une amie, mais il a surtout pitié de moi. Alors il loue mes services, en espérant me libérer quelques heures de ma charge... et moi je crois que je suis incapable de simplement accepter cette aide, alors j'essaie de lui prouver... ou de me prouver, à moi même, qu'il ne vaut pas forcément mieux que les autres. Mais je sais bien que c'est faux. Il est plus qu'un ami... sans l'être vraiment... ce qui est sur, c'est qu'en sa compagnie je suis moi et ça me fait du bien. C'est une petite bouffée d'oxygène dans cette vie de dingue.