Nouveau coéquipier ? (Trevor)

« On dirait que ça s'est bien passé. »

Trevor avait glissé cette petite phrase peu après le claquement qui avait retenti dans tout le bureau, signant de ce fait la fin d'une entrevue à peine commencée. Son faciès s'était plié d'un sensible sourire au désarroi du grand patron pourtant rompu à la difficile tâche de devoir jongler entre les caractères de ses agents, reprenant le confort de sa chaise présidentielle en un long souffle qui bordait plus le soupir que l'exaspération. De son côté, l'officier récupéra sa main qu'il avait tendue à l'attention de son désigné nouveau co-équipier alors même que celle-ci fut bien royalement ignorée, la rabattant comme si de rien n’était sur son profil aux poils convenablement entretenu, disciplinant sa barbe de quelques grattements. Il avait fait un petit effort de présentation pour l'occasion, lorsque la veille on lui avait informé qu'il retrouverait un partenaire d'emmerde, après la défection de son précédent. Collins n'avait pas fait long feu sous les assauts de la si perspicace Romy Diaz - le genre de femme dont il valait mieux garder une certaine proximité quand on avait soi-même quelque chose à se reprocher. En cela, le colérique évincé lui avait à son insu servit de faire valoir, gagnant de précieux points après son acte que la rumeur avait répandu parmi les collègues, et dont certains regardaient cela un peu de travers désormais, exception faite de la hiérarchie. Quelques uns avaient honteusement transformé les faits et gestes du récent muté pour lui coller l'étiquette de balance. Mais des commérages, il n’en avait rien à branler.

Le chef n'avait rien de plus à argumenter, et dans tous les cas, Spencer n'attendait pas spécialement qu'il rajoute quoi que ce soit, tout à fait apte à prendre des initiatives, et pas du genre à se laisser impressionner par les réfractaires. Et puis, un tel tempérament n'était pas pour lui déplaire. Ça avait tendance à attirer les feux des projecteurs là où il espérait davantage passer sous les radars, et ça mettait en relief certaines stratégies de terrain qui se départissaient des lignes trop disciplinées. Sans plus un mot, à peine un geste de la main, il finit par réajuster le pli de sa veste et quitter la pièce, direction le bureau d'Harris. Autant battre le fer tant qu'il était encore chaud, et à son humble avis, celui du Capitaine était bouillant à souhait. Deux coups sur le vantail suffirent pour se faire annoncer, mais sans prendre le temps de patienter une quelconque autorisation - qui ne viendrait pas à son avis, la poignée s'abaissa et la porte s'ouvrit sur la silhouette du New-Yorkais qui entrait et refermait lentement derrière lui. Entre les mains, un dossier, une nouvelle affaire qu'on venait de leur assigner, a tous les deux. Le genre de truc barbant à souhait qui n'émoustillait même pas le puceau de service qui trépignait sa première descente, mais typiquement l’espèce de boite surprise qui, si on grattait un peu et correctement, pouvait conduire à quelque chose de plus énorme.

Il trouva une place dans un coin du bureau dégagé, assez pour se laisser une demi-assise d'une posture décontractée, une jambe plantée au sol qui donnait son aplomb, l'autre à moitié relevé. Les papiers toujours en main, il s'enquit à s'offrir une observation vaguement plus appuyée de son nouveau binôme dont il avait déjà acquis la connaissance de la réputation.

« On dit que t'es un bon agent. » Amorça-t-il d'un ton assez humble qui n'avait rien d'ironique ou de moqueur. Le type avait une certaine notoriété au bureau et Trevor n'avait surement pas l'intention de remettre ça en cause. « Reccoba, c'était une sacrée affaire. »

Là aussi, il y a pas mal de rumeurs sur le sujet. Les gens parlaient en se créant des fantaisies, alors difficile pour lui de savoir le vrai du faux à moins de pêcher les infos directement à la source, et quoi de mieux que de fourrer les deux pieds dans le plat sans même passer par l'apéritif pour ça ?

Le dossier entre ses mains finira par rejoindre le plat du bureau, dans un déposé-lancé sans manière, juste de quoi se débarrasser de ce papelard qui n'apportait aucune saveur. Tant que l'autre type pianotait sur son ordinateur comme si son existence n'avait été que superficielle, Trevor de son côté, s'employa à réaliser le tour de la pièce d'une attention plus appuyée. Ses iris au bleu ternis par l'environnement coururent sur les différents éléments accrochés aux murs, passant de la fameuse distinction dont tout le monde faisait éloge, jusqu'aux divers affichages qui n'était - à son sens - qu'un étalage qui n'avait de valeur qu'à présenter un personnage, une apparence, une façade. Trouvant l'impulsion d'une levée, il se glissa hors de son perchoir dont il s'était pourtant accommodé à l'instant même où l'ultime question de son nouveau coéquipier - de fortune ou d'infortune - résonna dans la pièce. Cela ne lui fit que tirer un sourire en coin, une de ces petites manifestations discrètes qui reflétait son tempérament, un de ceux qui ne se laissait surement pas démonter par la provocation, encore moins les sous-entendus, au contraire.

Ses pas, bien que cadencés d'un rythme lent, gagnèrent sans tarder une des chaises abandonnées contre un flanc de mur pour venir la trainer droit devant le bureau de l'agent qui restait verrouillé sur sa place. Il la pivota de manière à ce que la proue lui fasse face, redressant sensiblement les hauteurs de son pantalon avant de s'y cimenter, habitude qui lui donnait plus d'aise quand il trouvait la place assise équipée du costume simple de sa fonction. De la même manière, il étira ses mains vers l'avant, les avançant pour obtenir plus de souplesse dans l'ergonomie de sa veste, puis de déposer son coude sur l’appui-bras et percher son menton dans la prise de son pouce et son index. Sa silhouette conserva une certaine rigidité et seul le craquement de quelques doigts de sa dextre qui s'était un instant détachée de son maintien, sans autre but que de soulager ses phalanges, se distingua à peine.

« T'as entendu parler de la nana des affaires internes qui rôde dans le secteur ? Parait qu'elle cherche à faire du nettoyage. » Il prend une pause légère, l'irisé de son regard d'océan constamment fixé sur son interlocuteur qui semble attendre une chute à cette histoire. « Elle a déjà dégagé Collins qui trempait dans les magouilles jusqu'au cou. »

Persistant sur son appui, Trevor vint se gratter le coin de la lèvre de sa main dressée en étirant sa bouche sur le flanc, la replaçant ensuite en faisant une moue dubitative.

« Les rumeurs prétendent que je lui ai donné un coup de main. C'est plus ou moins vrai. Mais je crois que la véritable question, c'est... » Nouvelle temporisation où son air sembla pris d'une intense réflexion, sa dentition supérieure venant même frotter sur la ligne de sa babine inférieure, blanchissant son épiderme à son passage avant que son ton rosée se rappelle à sa colométrie. «... Pourquoi on a collé le meilleur agent avec le dernier muté du bureau qui se traine telle réputation ? Une idée, Agent Harris ? »

Un sourire en coin, amusé et espiègle, comme un enfant qui se rendait compte d'avoir dit un gros mot et s'en satisfaisait malgré l'impolitesse, mettait à l'honneur la malice vive dégagée par son regard. Ses yeux clairs contrastaient du reste à ne plus décrire et l'intensité qu'il affichait saisissante, alliant une profondeur presque envoûtante, à l'instar d'un serpent aux rétines accrocheuses et insolentes. Il le jaugeait, il n'y avait aucun doute, mesurant de quelques sous-entendus placés l'étendue de sa nervosité ou au contraire de sa désinhibition. La griffe de son majeur se logea d'ailleurs dans cette attente qu'il posa, ses incisives cherchant à couper ce petit coin d'ongle qui avait tendance à gêner.

La première rétorque tira au plus jeune des deux agents une légère moue dubitative, l'arc de sa lèvre inférieure tractant vers le bas tandis qu'il observait toujours le morceau de cuticule qui avait attiré son attention, persévérant à jouer de cet air détaché malgré la tentative de menace qui vint en réponse. Il y avait dans sa gestuelle la marque d'un calme placide et d'une condescendance exacerbée, dans la continuité même de ce qu'il avait amorcé, dans cette stratégie de pousser l'homme qui lui faisait face à une réplique, qu'importait laquelle. Les quelques mots qui suivirent accompagnés d'une réaction plus physique stoppèrent les mimiques, statufiant le moindre de ses mouvements jusqu'à sa dérive oculaire qui s'était fixée vers Harris, ce dernier prenant effets et affaires pour s'extraire de son bureau. Le visage de Trevor n’emprunta que partiellement sa démarche, celui-ci pivotant en gardant une posture basse, ses iris finissant la poursuite de son ombre contre le sol jusqu'à arriver aux bordures de leurs capacités, puis s'y rivant, quelques secondes à peine. La conséquence ne fut qu'à l'image de la manière dont il s'était installé, reprenant les mécanismes en arrière avant de réajuster le tombé de son col d'un claquement sec sur les pointes en V.

Tout au long de leur marche silencieuse, l'un devançant l'autre de plusieurs enjambés, les caméras du commissariat enregistrèrent leur progression, de l'open office en passant par la cage d'escalier qui déboucha sur le parking privé. Serait-ce la raison pour laquelle le New-Yorkais ne paraissait pas inquiet et suivait, la démarche tout en coinçant l'extrémité d'un cure-dent entre ses lèvres ? Le meilleur d'entre eux ne se serait contenté d'une telle mise en scène si une exécution avait été envisagée. Dans tous les cas, ses mouvements, ses pas, son attitude, tout ceci n'était trahi d'aucune hésitation, se convenant de se glisser dans l'habitacle spacieux de la BMW sans même en émettre la moindre remarque. Avait-il décidé de se mettre à table ou se livrer au jeu de quelques confessions hors des regards et oreilles indiscrètes qui traineraient du côté de leurs collègues ? Le templier n'était pas assuré de cela, car à toutes ces expositions, ces rumeurs et cette notoriété, il était peu probable qu'une si molle pression l'ait incité à cela. Non, il en était presque convaincu, Jake avait descellé quelque chose de la même manière que lui-même l'avait perçu. Ils étaient comme deux joueurs de poker avec un putain d'As dans la manche, chacun ayant entrevu son relief dissimulé.

Le silence demeura durant ce voyage qui les emportait loin du Bureau de Division, loin de l'Aigle justicier, loin du « Protéger et servir » gravé sur les murs. Sans rechigner, téléphone coupé et glissé dans le compartiment approprié, Trevor s'était extrait avec quelques secondes de retard sur son acolyte, lui laissant tout le loisir aux pensées de s'égarer. Les siennes, en l'occurrence, restaient focalisées sur l'instant présent, l’existence de son arme de service au confort du holster d'épaule qui bombait sensiblement sa veste sous son bras gauche. La portière finit par claquer tandis que l'homme balayait les environs d'un regard plissé soumis aux ardeurs du soleil californien, qu'une apposition de verres Ray-Ban acheva d'apaiser. L'endroit était désert, quelques déchets jonchant un sol abandonné, balisé par les troncs de quelques palmiers flétris et agrémentés, çà et là, de buissons épineux aux allures de boules de paille. Demeurant à proximité du véhicule, bien qu'il s'en était déplacé de quelques pas vis-à-vis de l'espace passager, l'agent s'était engagé sur quelques pas plongeant une main de son pantalon impeccablement défroissé pour en extraire son propre paquet de cigarettes, revêtant le logo bleu sur fond blanc de la marque Winston.

Expulsant l'un des cylindres hors de son contenant d'une pichenette du majeur sous sa surface, troquant bout de bois contre bout de papier, il vint en pincer immédiatement le filtre des lèvres, l'extradant par un retrait du reste qui reprit bien vite place dans son abri de tissu. Désormais en équilibre, porté par une bouche qui le soumettait à quelques oscillations, le tabac ne vit poindre pourtant la moindre flamme qui aurait donné sens à son existence. Au lieu de ça, elle se retrouva ballottée sous l'effet de quelques mots prononcés.

« C'est le moment des cartes sur la table, je suppose. » Laissa-t-il entendre de sa voix à la tonalité grave étouffée par l'entrave de la cigarette avant de reprendre d'un timbre un peu plus claire. « Diaz n'est pas un problème si c'est ce qui t'inquiète. »

Sa senestre se glissa sous les coutures d'une poche profitant de cette cache pour en étirer les phalanges et les comprimer à nouveau, gymnastique préparatoire en l'attente de ce que le boxeur allait lui servir. Sa dextre, quant à elle, s'était étendue en direction d'Harris, désignant d'un geste équivoque, le zippo qui permettrait à l'incandescence de se faire, s'il acceptait le prêt.

La première réplique lui arracha un sourire. Pas l'un de ces surfaits des gamins de rue un peu trop vantarde sur la taille de leur engin, mais un pincement discret qui en disait suffisamment long ou du moins, laissait à imaginer toute une panoplie de scénario qu'il servirait pour seule réponse, se contentant en retour du silence tandis qu'il s'emparait du zippo, faisant tourner le petit cube de métal entre ses doigts sur un flanc puis sur l'autre avant de venir le décapsuler d'une pression du pouce, activant derechef la flamme qui vient chatouiller l'extrémité de son cylindre de nicotine. Une épaisse émanation blanche en jaillit aussitôt, de la pointe à ses lèvres qui tiraient l'air au travers des alignements de tabac pour en attiser l'incandescence, une à deux reprise avant d'en éteindre l'allumeur d'un rabattement vif du capuchon. Il y avait prêté attention, à ces reliefs qui en avaient garni l'or recouvrant le boitier, parce que cela avait été son intérêt premier. En bon fumeur, il n'était jamais à court de feu, qu'importait la situation, et souvent, ces derniers étaient porteurs d'intriguant indice sur la personnalité de son propriétaire, ce fut la raison pour laquelle il quémanda le petit objet qui fut prêté sous son fugace regard analytique, décortiquant rapidement le plaqué de métal précieux doré et les têtes de mort qui l'habillaient. La seconde d'après, il le tendit à nouveau dans la direction du vieux loup, entre son majeur et son index serré tandis que sa senestre, elle, récupérait la cigarette pour pouvoir exhaler une volute propulsée d'un souffle fort toujours coincé dans ce pincement de lèvre narquois.

Ce passage de silence écoulé sans avoir apporté l’insignifiante confirmation au sujet de Diaz, Trevor resta dans cette posture décontractée, ses deux mains désormais visibles et son attention droit rivé sur son ainé tandis qu'il l'écouter s'épancher sur les motifs de ses actes et cette scène orchestrée qui les avait attirés hors des locaux de police, loin de la moindre oreille indiscrète qui pourrait trahir ces secrets de polichinelle quêtés. Lui, en demeura impassible, contraste à la tension qui semblait habiter son vis-à-vis, méritant bien les rumeurs qui s'étendaient à son sujet entre deux paravents des bureaux du secrétariat. Harris était un hargneux, un vorace solitaire au tempérament de feu qui ne fallait pas emmerder, vraiment pas. L'enchainement des trois questions qu'il lui posa lui arracha une nouvelle inclinaison des lèvres, plus marquées cette fois, par un réel amusement, en témoin des plissures qui émergeaient de ses fossettes soignées et des quelques traits qui avaient gagné le coin de ses yeux, même si le soleil pouvait en être largement responsable. Trevor calcula une énième bouffée de brume, capturant le filtre entre ses doigts avant d'en désigner son interlocuteur de ce dernier d'un geste élancé un peu vague.

« Tu n’as clairement pas envie que je te sorte les violons parce que tu n’es pas un type à croire aux contes de fées. Je crois que tu attends juste que je crache que je n’en ai rien à branler de la justice, et que je fais ça juste parce que ça me place du bon côté de la légalité. Pas vrai ? Restons sérieux, on s'en branle de nos histoires. On pourrait donner les justifications qu'on veut à notre passé, mais c'est le présent qui importe, et celui de Collins est pas des plus passionnant, crois-moi. »

Son sourire s'estompe pour en retrouver toute sa vanité, et sa rigueur par la même occasion. D'un geste lent tandis que ses iris s'égarent dans l'horizon vaporeux d'un décor lointain, il finit par reprendre en un souffle nonchalant, les nuées blanchâtres s'échappant alternativement de ses lèvres ou de ses narines, selon son début de parole nuancée.

« Je l'ai empêché de se mettre plus dans la merde qu'il ne l'était déjà. On ne voit pas les tueurs de flics d'un très bon œil dans le coin. Ensuite, j'ai laissé le patron se servir de cette affaire pour faire détaler les rats pouilleux du navire. La stratégie de la traque. Le stress fait commettre des erreurs. »

L'agent en revient à son homologue, y fixant son regard d'acier sur les prunelles identiques qui lui faisait face, reprenant rapidement ensuite.

« Je me demande laquelle sera la tienne. »

Son visage sans expression déchiffrable revint se planter droit en direction de celui de son homologue, sa nonchalance perpétuellement affichée dans sa posture tandis que sa senestre se glissa à terme dans la poche de son pantalon et la dextre continua d’offrir à ses lèvres l’apposition du bâton de nicotine, grignotant le papier blanc jusqu’à menacer d’entamer le filtre par les successives prises d’air enfumées. Une poussée du majeur comme une pichenette calculée projeta le mégot à maigre distance de son pied, qu’une pression du talon finalisa d’en éteindre les feux, raclant la poussière sous l’épaisse couche de gomme de ses godasses surplombées de cuir. Un sensible crissement émergea, ponctuant derechef l’ultime question de son binôme imposé, sous forme de rhétorique dont il se ferait pourtant la bonne grâce d’y répondre, et sans doute pas de la manière dont il avait été attendu. Passé cet instant bref pris à achever cette cigarette, l’ignorant au même degré qu'une pute consommée désormais qu’elle avait donnée tout ce qu’on pouvait espérer d’elle, sa main se redressa pour agripper le bas de son visage, ses ongles se promenant sur le revers de chaque angle comme s’il s’évertuait à une réflexion profonde catalysée par le grattement de sa pilosité faciale.

« Ouais, j’en ai une. » Lança-t-il sans vraiment bouger de sa position, ses doigts abandonnant leur occupation pour s’ouvrir comme une fleur qui cherchait à glaner l’évidence sans parvenir à l’obtenir.

« Pourquoi toute cette mise en scène ? » Il vint agrémenter par la suite ses propos de sensibles gestuelles, prodiguant une schématisation à ses affirmations, illustrant de mouvement vague, ou parfois précis, cette interrogation qui le laissait sur sa faim. Son index offrit la découverte des environs dans un tour à la ronde, son regard suivant l’horizon dégagé du lieu qui avait été choisi à leur rencontre, retraçant le parcours de leur pas jusqu’à la précieuse voiture qui exigeait bien meilleur traitement que toutes les putains de San Diego. « Tout ça pour me dire de me frotter les pieds sur le tapis avant d’entrer dans ton périmètre de vie ? Tu vois, ça sonne faux à mes oreilles. »

Sa dextre en était revenue à s’agiter à côté de sa dénommée écoutille, espaçant de grands cercles comme une nuée imperceptible qui s’échapperait au loin.

« Je vais t’épargner d’y répondre parce que je n’y crois pas une seconde à ces conneries. Je suis sûr qu’il y a un truc plus profond. On est censé jouer cartes sur table, et pour l’instant, je n’ai vu aucune des tiennes. Mais je comprends, tu n’as pas envie de cracher le morceau à un jeune trou du cul comme moi qui aurait clairement le gabarit de marcher sur tes plates-bandes, voire même de te les arracher. Alors, je vais t’épargner les évidences, si tu n’as pas l’ambition de les exposer. Il parait que la confiance, ça se donne avant de s’obtenir, alors je vais te donner la mienne, et je vais attendre de voir ce que tu as envie d’en faire. »

Un fin sourire germa sur l’amorce de ses lèvres, ses yeux s’étirant d’un même temps d’un plissement amusé. Il reprenait vie dans la manifestation de quelques émotions, semblable à celle que procurait une douce satisfaction. Ses épaules se réalignèrent d'avec la direction du véhicule, abandonné plus loin, patientant à l'instar d'un majordome muet et inflexible, le bien retour de son maitre conspirateur.

« On pourrait donner une dimension métaphorique à tout ça. Je me charge des petites frappes à la sauvette et des dossiers à la con, parce qu'avec ton calibre, tu as clairement mieux à foutre que de ramasser les miettes. Je me frotte les pompes en toute circonstance, je reste clean et je ne te cherche aucune embrouille. C'est ton business qui est en jeu et je n’ai pas d'intérêt à interférer avec mes conneries. Et surtout je te laisse conduire. J’ai hâte de voir où tu vas m’emmener et à quelle vitesse. »