Anton Borski - le vague à l'âme est le sel du poète

Je me nomme Anton Borksi j’ai 45 ans, je suis né Anton Isgarovich par mon père, mais j’ai décidé de prendre le nom de jeune fille de ma mère. Pourquoi ? Je vais y revenir plus tard.


Je suis né et j’ai grandi à Moscou. Ma mère Natalia Borski était une danseuse de l’opéra de Moscou, elle dansait comme un ange et son sourire était de ceux capable de transformer les lions en chatons. C’est le peu que mon père m’a jamais raconté sur elle. Ma mère est morte en me mettant au monde et personne ne m’a jamais parlé d’elle. Mon père était un chef de la Bratva et plus jeune, je ne savais pas ce que ça signifiait. En grandissant, je réalisais que mon père était une ordure qui était riche parce qu’il faisait souffrir les gens. Mes copains me fuyaient parce que leurs parents avaient peur de lui. Les autres voulaient être mes amis pour que leurs parents obtiennent des faveurs de mon père. Mon père me supportait de moins en moins à mesure que je me rapprochais de l’adolescence. J’avais une nourrice qui me donnait à manger et qui traînait derrière moi, c’était tout. Je n’avais rien, je me sentais vide et dans une vie que je n’aimais pas. Alors j’ai commencé à tenir tête à mon père surtout quand il ramenait des minettes de 25 ans qui voulaient essayer de jouer les mamans avec moi. Alors j’ai pris des gifles. Encore et encore. Et plus il frappait plus je continuais pour le provoquer encore et encore. Alors fatigué, il m’envoya en pension. J’avais 12 ans. Grace à ça, j’ai découvert et apprécié les arts, les lettres et j’ai découvert la photo, qui devint ma passion dévorante et mon futur métier. Alors que je grandissais, j’ai commencé à m’intéresser à la Bratva. Ce que j’ai pu en lire et en entendre me foudroya. J’étais de cette famille ? Sérieusement ? Comment des hommes peuvent s’enrichir en chiant sur des gens comme ils le font. J’étais outré et en rébellion totale vis à vis de mon père et de son organisation.


À la fin de mes études, mon père m’attrapa pour discuter avec moi. J’avais pu faire mes études et m’amuser selon ses dires, mais maintenant, je devais entrer dans la Bratva et devenir un membre qui ferait honneur à lui et à sa famille : la Bratva. La nausée me prit subitement. Alors c’était ça ? 18 ans et je devais rejoindre cette merde ? Je refusais tout net en répliquant, je ne m’associerai jamais à cette horreur puante qu’est la Bratva. Mon père me fusilla du regard et m’expliqua que je n’avais pas le choix que le sang de la Bratva coulait en moi. C’est, je crois la première fois que je portais mes couilles et que je lui répondais vraiment. C’était non, je ne serai jamais comme lui, je ne ferai jamais partie de la Bratva et ce même s’il me faisait buter. Je me levais en guise de défi. Il resta calme et décida de me couper les vivres. Je quittais la pièce et dans la minute ma carte bleue fut bloquée. Je me retrouvais à 18 ans sans rien dans Moscou. Je me dégotais à 22 h un poste dans un bar ou la patronne m’avait pris en pitié et offert une chambre ridiculement petite mais idéale pour moi. Pour la première fois, je me sentais soulagé. Mais la Bratva était partout et rackettait même ma patronne. Alors je décidais de changer mes papiers et de devenir Anton Borski prenant le nom de ma mère.


Petit à petit, j’ai commencé à m’en tirer. J’ai gagné assez d’argent pour un petit appartement et vivre de mes photos, mais aussi d’un petit boulot. Je rêvais de monde et de reportages. De photos et de vie libre, mais rien ne me poussait à vraiment le faire. Il me manquait un déclic. À 22 ans, le déclic est arrivé. Il s’appelait Svetlana. Ce déclic blond a immédiatement capturé mon cœur. Le regard que j’ai posé sur elle alors qu’elle descendait d’un taxi m’a complètement subjugué et lorsqu’elle m’a regardé et lancé un petit sourire, j’ai su que je l’aimerai pour toujours. Un truc avec un arc avait dû transpercer mon cœur. Je n’ai jamais rien ressenti d’aussi intense que ce jour-là. Elle revenait de San Diego, mais ne disait pas pourquoi et je m’en moquais. Elle était là. Je ne sais pas comment j’ai pu m’y prendre, mais elle a accepté que je la drague. Les jours sont passés et je crois qu’elle a fini par poser sa bouche sur la mienne pour que j’arrête un peu de parler. Mais de cet instant, ma vie a été un bonheur. Des jours entiers dans le lit à juste parler et se regarder. Sortir, discuter. Rire. Je me voyais rentrer chaque jour et la retrouver chez nous, être heureux ici ou quitte le pays et voyager juste tous les deux. Filer et vivre d’amour et de rien d’autre que nous deux. Cette femme me donnait la force de mille hommes. Je ne savais rien d’elle et elle m’en disait le moins possible, mais qu’importe ça n’avait aucune importance à mes yeux. J’étais heureux avec elle. Mais un matin alors qu’enfin, je pensais avoir franchi les dernières barrières qu’elle dressait entre nous, elle m’a appelé et donné rendez-vous. Au moment où j’arrivais sur ce pont et où je l’apercevais, j’ai vu à son allure et son regard baissé que ça n’allait pas être beau. Je me plante devant elle. Elle se tient enroulée dans son manteau. Elle va ouvrir la bouche, mais pas besoin, j’ai compris à son regard plein de larmes. Je baisse les yeux, car je suis incapable de parler ou de la regarder. On ne se dit rien. J’ai compris et elle le sait. Elle s’avance et m’enlace relevant sa tête pour venir me donner le plus étourdissant et le plus triste de mon existence. Les plus belles 10 secondes de ma vie et les plus affreuses. Puis elle s’est détachée. Elle est partie comme ça sans se retourner. Je suis resté sur place sur ce foutu pont après qu’elle soit partie. J’ai même été immobile jusqu’à la nuit. J’ai pleuré. Était-il possible d’avoir aussi mal ? Je m’enfermais chez moi et ne quittais pas mon lit. Quand je virais fou au point de me dire que je voulais mourir ou rejoindre la Bratva, j’ai eu l’envie de me fracasser le poing sur un mur. On frappa à ma porte et mon coeur voulait qu’en ouvrant Svetlana soit là et qu’on s’aime. Qu’on oublie la raison et qu’on se perde dans la folie et l’amour. Mais non. En ouvrant ce n’était qu’un salopard de la Bratva, un géant avec la mâchoire carrée accompagné de Serguei le connard de bras droit de mon père qui se mit à me jouer la carte de « tu as bien grandi petit… J’ai toujours su que tu serais la fierté de ton père… ». Je claquais la porte, mais la seconde suivante le grand con à la mâchoire carrée avait défoncé la porte du pied. Serguei entra pour m’expliquer que mon père voulait me parler. Je répondis que je n’en avais rien à foutre. Serguei ajouta qu’il allait mourir et qu’il avait un cancer et plus pour longtemps. Le ton de Serguei était triste et sincère. Sans attendre, je prenais ma veste.

Quand j’arrivais à l’hôpital, j’avais envie de crever. Une vie de merde. Svetlana qui est partie et m’a brisé le cœur et maintenant ça. J’me sens seul et une partie de moi, celle qui a 7 ans est en train de réaliser que son papa va mourir. Quand j’entre, je suis face à un vieux. Il n’a plus de cheveux. Il est ridicule et faible. Maigre et fatigué. Il lève la main vers moi. J’approche et accepte de la prendre. Pendant une heure, il me parla de ses regrets par rapport à moi. Il regrettait tant de choses. Je ressemblais à ma mère. Il me dit qu’il m’aimait et me parla de plein de choses. Merde il me fit tellement de bien ce jour-là. C’est mon père cet odieux connard qui parvint à me faire sourire et me rendre un peu de joie. Il mourra la nuit même. Il m’avait laissé une belle somme d’argent, mais je la refusais à la lecture du testament où tous les connards de la Brava risquaient de me voir comme une menace et de me tuer. Mais je ne voulais rien avoir à faire avec eux. Sergui négocia pour moi de conserver l’argent de la vente de la maison. Le nouveau responsable accepta. Le lendemain de la vente de la maison, je fermais mon sac. Je retrouvais une photo de Svetlana Une photo que j’avais faite d’elle un jour. Son regard était sur moi. Je l’ai prise par surprise et j’ai toujours lu un amour sincère pour moi. Ce regard me fait encore vibrer d’amour. Je partais de Russie avec la photo de mon amour, une de mes parents le jour de leur mariage, mon sac avec des affaires et mon appareil photo. Ma décision était prise, j’allais suivre mes rêves et vivre pour moi-même.

Durant des années, j’ai traversé le monde. Je prenais des photos pour des magazines. Zones de guerre, paysages époustouflants, rencontres magnifiques. J’ai traversé le globe tout entier, j’ai été au bout du monde à chaque fois qu’on me demandait. Une vie d’aventures sans grande attache. J’étais un chat sauvage qui promène et qui fait sa vie et qui photographie pour exister. Les années passent. Je ne reviens que très peu en Russie et quand ça arrive, j’évite un certain pont et des endroits. Les femmes avec qui j’ai fait l’amour avaient toute un peu de Svety. Mais aucune n’était elle. Alors je n’ai jamais pu donner mon cœur à quiconque. 

Désormais, j’ai 45 ans. Ma vie est derrière moi, j’ai l’impression. J’ai toujours l’envie de me balader au bout du monde, mais San Diego est en plein boum et un merveilleux projet journalistique insiste pour me faire un pont d’or afin que je reste un peu sur place et ça me convient. J’ai jamais mis les pieds ici et j’ai tellement hâte de pouvoir immortaliser ma vision de cette ville au travers de mes photos.