Sous le soleil écrasant, je suis mes maîtres, portant une pile de sacs et de paquets. Chaque pas est une épreuve, chaque sac un fardeau de plus qui pèse sur mes épaules fatiguées. Les passants me croisent sans vraiment me voir, enfermés dans leur propre quotidien, tandis que je lutte pour ne rien laisser paraître. La chaleur est étouffante, mais j’ai appris à encaisser sans fléchir, à ne jamais montrer ma fatigue ou ma détresse, même lorsque les remarques acerbes fusent, et que les menaces voilées me rappellent constamment ma place. Quand je le faisais, c'était pire ! Après des heures à les suivre de boutique en boutique, mes maîtres décident de se rendre chez des amis en périphérie de la ville. Une de ces somptueuses maisons, dignes des magazines, avec des pelouses impeccables et des allées bordées de palmiers. En arrivant, ils se tournent vers moi, un sourire cruel aux lèvres. "Les animaux domestiques ne sont pas invités à entrer," dit l’homme, sa voix dégoulinant de mépris. Je baisse les yeux, refoulant la rage et la honte qui montent en moi. Ils pensent m’humilier, m’atteindre encore. Mais au fond, je ressens un soulagement immense. La porte claque, et pour la première fois depuis des semaines, je me retrouve seule, libérée de leurs regards oppressants.

Je respire profondément et laisse échapper un sourire timide, comme un secret fragile que je garde pour moi. Je fais quelques pas, sentant l’herbe fraîche sous mes pieds nus. Cette sensation me rappelle ma liberté volée, et pour quelques heures, je décide de redevenir moi-même, sans chaînes, sans ordres, sans leurs voix qui résonnent sans cesse dans ma tête. J’avance le long d’une petite route bordée de buissons et de fleurs sauvages, émerveillée par les couleurs qui dansent sous la lumière du crépuscule. Mais bientôt, le ciel s’obscurcit. Les ombres s’étirent, et je réalise que je me suis aventurée plus loin que je ne l’aurais dû. Je regarde autour, essayant de retrouver mon chemin, mais tout se ressemble maintenant que la nuit commence à tomber. Mon cœur s’accélère, l’angoisse me serre la gorge. J’avance à tâtons, mes pas de plus en plus hésitants, jusqu’à ce que le sol se dérobe sous moi. Je glisse et dévale une pente raide, m’arrêtant brutalement contre un amas de terre et de pierres. Je me relève avec peine, les mains écorchées et le souffle court. Je suis perdue, entourée de grillages qui s'étendent partout autour de moi.

C’est alors que j’entends un grondement sourd, si proche qu’il me glace le sang. Je me fige, terrorisée, mes yeux cherchant désespérément dans l’obscurité l’origine de ce bruit menaçant. Mon cœur tambourine dans ma poitrine, chaque battement résonne comme un avertissement dans le silence de la nuit. Je distingue des formes mouvantes, des ombres menaçantes, et la panique s’empare de moi. Je me force à bouger, à m’éloigner en courant, sentant mes pieds glisser sur le sol irrégulier. Je ne sais pas où je vais, je ne sais même plus d’où je viens. Tout ce que je sais, c’est que je dois fuir. Je passe à travers plusieurs portes, franchis des grilles sans réfléchir, chaque pas m’éloignant un peu plus de tout ce que je connais. Mes jambes tremblent, mon souffle est saccadé, mais je continue, poussée par la peur. Soudain, je m’arrête net. Devant moi, baignée dans la lumière pâle de la lune, une lionne se tient là, massive, imposante. Ses yeux scintillent dans la pénombre, perçant le noir comme des étoiles effrayantes.

Je suis figée, le souffle coupé, chaque muscle de mon corps tendu à l’extrême. La lionne avance de quelques pas, ses pattes effleurant silencieusement le sol, et je recule instinctivement, sentant mes jambes prêtes à céder sous moi. Je sais que je ne dois pas courir, que je ne dois pas bouger trop vite, mais la peur est si intense que je n’arrive plus à penser clairement. Je ferme les yeux un instant, priant pour un miracle, priant pour une chance de sortir vivante de cette rencontre inattendue. Le souffle lourd de la lionne emplit l’air, un avertissement silencieux de sa puissance et de ma vulnérabilité. Des lions ? A San Diego ? Est ce que je délire totalement ? J'entrouvre un oeil et elle est un peu plus proche... Mon coeur tambourine et je pousse un gémissement terrifié. Les larmes me brouillent la vue, mais je me contrains à l'immobilité. Pour une fois, ce ne sont pas mes maîtres qui me traquent, ce ne sont pas les murs d’une maison qui m’enferment, mais la nature elle-même, pure et indomptable. Pensée evanescente, petite voix intérieure, je viens murmurer -"Je ne veux pas mourir."

La lionne avance de quelques pas, ses pattes effleurant silencieusement le sol, et je recule instinctivement, sentant mes jambes prêtes à céder sous moi. La peur est si intense que je n'arrive plus à penser clairement, je me fige et je me contente de trembler. Je ferme les yeux un instant, priant pour un miracle, priant pour une chance de sortir vivante de cette rencontre inattendue. Soudain, j'entends un bruit de course au loin. Mon cœur s'emballe encore plus, si c'est possible. Est-ce un autre prédateur ? Je n'ose pas ouvrir les yeux, paralysée par la terreur. Un feulement agressif retentit, mais ce n'est pas celui de la lionne. J'entrouvre un œil, tremblante, pour voir une scène surréaliste : un chat domestique, toutes griffes dehors, fait face à la lionne, la repoussant avec une férocité inattendue. Je crois que la mâchoire m’en tombe, tandis que j’écarquille les yeux.

Je suis tellement choquée que je ne réalise pas immédiatement qu'un homme vient d'entrer dans l'enclos. Sa voix forte résonne et la lionne se couche instantanément, soumise. Mon esprit peine à comprendre ce qui se passe. Des lions apprivoisés ? Un chat qui affronte une lionne ? Suis-je en train d'halluciner à cause du stress ? Ce petit chat vient de tenir en respect une lionne qui allait me manger ? L'homme gronde la lionne, qui finit par s'enfuir au fond de l'enclos, poursuivie par le chat féroce. Je reste là, tremblante, incapable de bouger ou de parler. L'homme s'approche de moi, l'air inquiet, il parle d’une voix douce et je peux seulement planter mes yeux hallucinés dans les siens. J’ai les yeux pleins de larmes et je crois que je ne respire qu’un coup sur trois.

Je cligne des yeux, incapable de répondre. Les mots se bousculent dans ma tête. Enclos ? Grillage ? Je réalise soudain que je suis tombée dans un enclos de zoo ou d’un truc dans ce genre. Ce n'étaient pas des lions sauvages, mais des animaux en captivité ? Logique en même temps… on est à San Diego pas au coeur de la savane. Le soulagement me submerge, mêlé à une peur rétrospective qui me fait trembler de plus belle.

-”Je... je... “ Je bégaie, incapable de former une phrase cohérente. Les larmes que j'avais retenues commencent à couler librement sur mes joues. -”J'ai cru... j'ai cru que j'allais mourir. “ L'homme est tout proche et je réalise qu’il est tout aussi surréaliste que ce chat. Il est à demi nu, ce qui n’est pas déplaisant vu le physique d'apollon qu’il dévoile… Mais ! Il a un quart de bestiole congelée sur l’épaule. Ma bouche s’ouvre de nouveau et je secoue la tête, me frottant le visage, me pinçant le nez en fermant les yeux. Quand je les rouvre, je suis sincèrement étonnée que l’hallucination n’ait pas disparu.

J'avance faiblement, mes jambes cédant finalement sous moi et je me retrouve à genoux à ses pieds. Moi qui ai passé tant de temps à fuir mes démons intérieurs, je viens de faire face à une menace bien réelle et même si ma vie est loin d’être rose, j’étais pas prête pour ça. -”Sau… sau…” Oui j’essaie de prononcer le nom de la lionne, mais en claquant des dents ça se complique. -”Me Mer Merci.” Je prends une longue inspiration par le nez et je tente même un sourire tremblant.