C'est dans la peur et la douleur que tout s'éclair || Tom & Jenna

En l’espace de quelques semaines, ma vie a profondément changé. C’est fou et incroyable quand on y pense, mon cerveau et mon corps tout entier sont en ébullition. Entre Sybille et Ismaël qui me comble d’un plaisir d’une intensité déroutante et mes retrouvailles violentes avec mon frère, je crois que je ne sais plus trop où j’en suis. Lee m’a presque persuadée de lui redonner une chance, d’accepter de faire un pas vers lui. Autour de ce verre, je lui ai promis d’y penser sincèrement, et je ne fais pas des promesses en l’air. J’ai rédigé et effacé sitôt au moins une vingtaine de fois ce foutu message que je voulais lui envoyer pour lui proposer de nous retrouver autour d’un café. C’est bien ça un café non ? Dans un lieu public où je peux me sauver à tout moment si cette confrontation venait à devenir trop compliqué à gérer émotionnellement parlant pour moi.

Quand il s’agit de Tom, je suis incapable de me montrer raisonnable et réfléchit, ça fais si longtemps que je nourris cette colère, cette rage sourde à son encontre, qu’elle fait presque partie de moi aujourd’hui, entremêlée et presque indissociable de mon âme. C’est fou dit ainsi… et je me demande encore parfois si je serai capable de lui pardonner un jour. Probablement, je ne peux pas ignorer ce pincement au cœur, cette crainte quand il m’a raconté ce qui lui ai arrivé avec ces types qui ont menacé sa vie. Est-il encore en danger ? J’ai du mal à me l’avouer, à l’admettre clairement, mais je m’inquiète. Cette crainte est là en moi, pesant sur mon petit cœur qui a déjà beaucoup souffert.

Je sors de ma journée de cours, il est tard, le soir est déjà tombé sur San Diego enveloppant l’atmosphère d’un voile sombre et frais. Je dégaine mon téléphone, avançant sans réellement regarder ou je vais. J’ouvre ma messagerie pour envoyer un message à ma délicieuse colocataire pour lui proposer de nous prendre un truc à manger en rentrant, mais je tombe sur le brouillon que je devais envoyer à Tom. Mon cœur se comprime dans ma poitrine, mon pouce s’arrête net au-dessus du bouton “envoyer” je devrais le faire, je sais que c’est la bonne chose à faire, mais pourquoi c’est aussi difficile ?

Je suis profondément happée par mes pensées, tant et si bien que je ne perçois pas l’ombre des deux hommes qui me suivent depuis plusieurs mètres. C’est au moment précis ou je trouve le courage d’envoyer ce putain de message qu’un bras puissant s’enroule autour de ma gorge, mes lèvres s’entrouvrent pour crier sa main large se plaque sur ma bouche me réduisant au silence. Je tombe mon téléphone en tentant de me défaire vainement de son emprise. « Si tu cris on te butte ma jolie. » L’haleine putride de l’un de mes agresseurs lèche ma nuque et me glace le sang. Il pointe dans mon dos ce qui me semble être une arme à feu, la menace est suffisante pour que je cesse de me débattre comme une chatte sauvage. Une voiture s’arrête à notre hauteur et il me force à monter à l’intérieur. Je me retrouve jetée sur la banquette arrière, une arme pointée sur moi.

« C’est quoi ce bordel, qu’est-ce que vous me voulez ? »

Le timbre de ma voix laisse entrevoir un mélange étrange de peur et de rage, mes iris lancent des éclairs qui résolue à ne laisser leur entrevoir ma peur. Je cherche à voir la route qu’on emprunte, mais je blêmis en m’apercevant que mon téléphone est resté sur le trottoir. Merde !!

« La ferme !! On l’avait prévenue qu’on s’en prendrait à sa charmante soeur la prochaine fois.»

Les lèvres du conducteur s’éttire en un sourire qui me glace le sang, et tout à coup mon cerveau reconnecte tous les morceaux. Les fils de pute qui s’en sont pris à Tom … Je suis dans la merde là non ? Tout à coup mon cerveau vrille, l’idée qu’il m’utilise pour l’atteindre est insupportable, j'oublie la menace du flingue et griffes, me débat, tente d’atteindre la poignée, pourquoi ? Sauter en marche ? Si j’en avais eu l’occasion peut-être. Je ne sais pas à quoi je pensais, ce que j’espérais… une souris face à deux colosses, c’était perdu d’avance. La suite est floue, la rage et la panique m’aveugle jusqu’à ce que l’on plaque sur mon visage un chiffon imbibé de chloroforme. Je sombre dans l’inconscience… et mes dernières pensées vont pour mon frère.

Notre famille n’a-t-elle pas déjà enduré assez de souffrances? Nos parents ont déjà ressenti une douleur qui pourrait remplir plusieurs vies. La perte de mon frère aîné a secoué l'existence de notre famille jusqu'à son noyau, sa mort a rompu le lien fort, beau et parfait qui nous unissait. Il a laissé dans nos cœurs une blessure béante, profonde qui, je crains, ne cicatrisera jamais totalement. Ma relation avec Tom, qui était autrefois si proche et si solide, ne s'est jamais vraiment remise de cette tragédie. Nous avons tous les deux souffert, chacun à sa manière et nous avons géré notre chagrin de manière différente. Malheureusement, ce n'était peut-être pas la meilleure des manières, car depuis lors, nous ne nous parlons plus ou du moins, pas sans une dispute verbale constante. Quand a eu lieu le dernier repas de famille où nous avons tous été réunis, assis autour de la même table, partageant des sourires et des rires? Je serais incapable de le dire... Le fait est que j'ai refusé catégoriquement d'être dans la même pièce que lui depuis bien trop longtemps.

Notre dernière entrevue au poste de police ainsi que ma discussion avec Lee a permis de rebattre et de distribuer les cartes. Ma colère, cette rage bouillonnante que je ressens au plus profond de moi, est toujours là, persistante et violente. Toutefois, elle est maintenant teintée d'une forme d'inquiétude qui ne cesse de me hanter, qui ne me laisse aucun répit. Je n'en suis clairement pas encore au stade du pardon, l'idée même semble encore trop lointaine pour être envisagée. Cependant, l'idée qu'il puisse lui arriver quoi que se soit de mal, n'importe quelle forme de malheur ou de douleur, est plus que je ne peux supporter. Cette idée m'est insupportable, elle me terrifie plus que tout. Je ne supporterais pas de le perdre, cette pensée me hante et me terrifie à un point indicible.

C'est au moment où j'ai compris que ces individus étaient à sa poursuite, et qu'ils prévoyaient de m'utiliser comme un pion pour l'atteindre, que j'ai littéralement perdu les pédales. J'ai commencé à me débattre avec une fureur insensée, semblable à celle d'un animal sauvage pris au piège, faisant abstraction totale de l'arme qui était pointée sur moi. Il n'y avait qu'une seule idée qui occupait mon esprit : leur échapper à tout prix. Car je savais avec une certitude absolue que Tom, n'hésiterait pas à se jeter dans la gueule du loup pour me sauver. Ces types l'avaient déjà manqué une fois, et leur échec avait attisé leur colère au point de les rendre encore plus déterminés. Leur détermination implacable m'inspirait une peur viscérale, mais je ne pouvais pas me permettre de céder à la panique, je n'avais pas le droit de le faire.

Je suis submergé par une fureur ardente et une rage dévorante, des sentiments si intenses que je suis porté à croire qu'ils sont inscrits dans mon patrimoine familial. Malgré ma stature plutôt mince et ma carrure légère, je ne me laisse pas intimider. Je déploie mes griffes, je montre mes dents, je ne peux pas les laisser faire sans me battre. Non impossible. Je suis engagé dans une lutte épique contre des titans, des géants qui me dominent de toute leur hauteur, mais cela ne suffit pas à freiner ma détermination. Je me bats avec toutes les forces qui me restent, donnant tout ce que j'ai jusqu'à ce que, finalement, l'un d'eux parvient à me neutraliser. C'est comme si on m'avait envoyé tout droit dans les bras accueillants, mais trompeurs, de Morphée. Je sens ma connexion avec la réalité se dissoudre, tout autour de moi devient flou et incertain, et je suis emporté dans un courant inexorable qui me tire vers le bas. Je sombre lentement, inexorablement, dans un état de peur intense et d'incertitude, perdant pied avec tout ce qui était autrefois familier et réconfortant.

Pour éviter d'attirer l'attention inutilement, le véhicule continue sa course à une vitesse modérée, ni trop rapide ni trop lente. Profondément endormie par les soins qu'ils m'ont prodigués, je ne suis pas en mesure de voir la suite du trajet ni de comprendre où ils m'emmènent. Finalement, la voiture se gare au pied d'un immeuble abandonné, situé dans un quartier mal famé de la grande ville de San Diego. Un quartier où l'ordre et la loi semblent avoir été oubliés. Toujours dans un état second, inconscient et incapable de résister, l'un des types de la bande m'attrape sans effort et me soulève, me jetant sur son épaule comme si je ne pesais pas plus qu'une plume.

Lorsque je reviens à moi, j’ai froid, un froid glacial qui semble avoir pénétré jusqu'à mes os. Je tente de me mouvoir, mais je découvre avec horreur que mes mouvements sont entravés. Mes poignets et mes chevilles sont comprimés par des liens en plastique, serrés au-delà de ce qui serait confortable. Une peur intense et envahissante me domine, et le retour à la réalité est brutal et violent. Je jette un regard paniqué autour de moi, et je perçois qu’une fenêtre hors d’atteinte et une porte fermement close sont les seules ouvertures dans cette pièce. Je peux entendre des voix graves et sourdes, elles semblent venir de l'autre côté de la porte qui me semble être la seule issue possible. Les rires gras qui me parviennent, résonnant de manière inquiétante, me font frissonner de peur et me donnent des sueurs froides. Pendant quelques minutes qui semblent s'éterniser, je tente d’écouter et de comprendre leur plan, d'anticiper ce qui m'attend. Je recule brutalement, rampant tant bien que mal sur le sol froid et dur, lorsque j'entends l'un d’eux dire qu'il veut s'occuper de moi. La seule idée qu'un de ces fils de putes puisse me toucher provoque en moi un vent de panique indescriptible, une terreur sans nom qui me fait perdre presque tout espoir.

Je me retrouve dans une situation où je dois entreprendre une action, n'importe laquelle, pourvu qu'elle ne soit pas totalement absurde. En fouillant le sol, mon regard est attiré par un objet à la fois lourd et métallique. Pendant quelques minutes, je m'efforce de défaire mes liens avec cet objet, mais je finis par me rendre à l'évidence : je perds mon temps en vaines tentatives.

Je réalise à quel point mes efforts sont vains en essayant de me libérer de cette manière. Je décide alors d'utiliser l'objet métallique pour frapper doucement sur une goutière métallique qui donne sur l'extérieur. Je dois être prudente, frapper juste assez fort pour ne pas alerter mes ravisseurs, tout en espérant que le bruit puisse être capté par quelqu'un à l'extérieur.

Est-ce que cela pourrait fonctionner ? Je n'en suis pas certaine, mais je suis à court d'options et je ne sais pas quoi faire d'autre. La peur m'envahit, c'est une sensation terrifiante qui me rappelle à quel point mes options sont limitées.