Nikita Alenichev ∞ On ne détruit pas la personne qu’on aime.

∞Mais tôt ou tard, nos engagements nous rattrapent…Je suis née Nikita Kalinine, et voici l'histoire de ma vie. Je suis issue d'une famille russe riche et puissante, une famille de dignitaires mafieux, régnant sur notre petit bout de terre. Depuis mon plus jeune âge, j'ai été élevée comme une princesse, entourée de luxe et de privilèges. Mais derrière cette façade dorée, je savais que ma véritable responsabilité était de servir ma famille et de maintenir son statut. Une vraie cage dorée, dans laquelle j'avais bien plus de devoirs que de droits.

J'ai toujours été consciente de la pression qui pesait sur moi. Mes parents et mes proches attendaient beaucoup de moi, m'inculquant les valeurs et les traditions de notre famille, on me citait ma tante Svetlana en exemple. On m'a enseigné l'importance de l'honneur, de la loyauté et de la protection des nôtres. Ma voie semblait déjà tracée, mon destin semblait scellé.

∞Recommencer à zéro ? Personne n’a cette chance. Décembre. C'est ce mois-là que tout a basculé dans ma vie. Assise à la table familiale, j'observais mon père, le visage sérieux, prononcer ces mots qui allaient changer ma destinée. Tu es ma seule fille Nikita, tu dois m'assurer une descendance et ton mariage doit être utile à la famille. Je sentais l'angoisse monter en moi, m'envelopper de façon étouffante. Mon regard s'est posé sur ma mère, elle me souriait...  Toutes mes aspirations, mes rêves, semblaient s'évanouir devant mes yeux. J'avais toujours voulu être libre, suivre mes propres voies, créer ma propre destinée. Mais cette alliance forcée signifiait que mes choix seraient dictés par des intérêts obscurs et des règles implacables. Malgré les attentes, de ma famille, je crois que j'ai toujours ressenti une soif d'indépendance, un désir de me créer ma propre identité en dehors des liens familiaux. J'ai poursuivi des études en communication, espérant trouver un moyen de m'émanciper par le travail. Je voulais utiliser mes compétences pour me forger une vie qui me serait propre.

Mais avant même d'avoir la chance de commencer ma carrière, ma famille a décidé de me présenter celui qui était destiné à devenir mon mari. C'était un homme issu d'une autre famille puissante, même si elle l'était sans doute un peu moins. Un mariage arrangé pour renforcer les alliances et les intérêts de nos clans. Je me suis sentie piégée, mon avenir déjà déterminé sans que je puisse y échapper. Le pire c'est que je ne me suis même pas battue pour essayer d'échapper à tout ça.

Au fond de moi, je brûlais d'envie de refuser cette union forcée, de prendre les rênes de ma vie et de choisir mon propre chemin. Mais la pression sociale, les attentes familiales et les conséquences potentielles d'une telle désobéissance semblaient insurmontables.

J'ai gardé mes rêves d'indépendance et de liberté enfouis profondément en moi, trouvant des échappatoires dans les moments de solitude. Je me suis plongée dans la lecture, me nourrissant des histoires de femmes fortes et déterminées qui luttaient contre les conventions. Ces récits ont nourri ma résilience et mon courage, me donnant l'espoir qu'un jour, je pourrais moi aussi tracer ma propre voie.

Alors que la conversation continuait, je me suis perdue dans mes pensées, cherchant désespérément une échappatoire, une solution à cette situation qui semblait sans espoir. Je savais que je devais trouver le courage de me battre pour ma liberté, pour préserver mes valeurs, même si cela signifiait défier ma propre famille. Et pourtant... je n'ai rien fait.

Ce jour-là, tout a changé. Ce jour où j'ai enfilé une jolie robe, où je me suis coiffée et maquillée avec le sentiment d'être un agneau qu'on emmenait à l'abattoir. Je me suis éteinte, soufflée comme une bougie par cette destinée imposée.

∞Parfois on a besoin de faire une grosse bêtise pour se rendre compte qu’on était sur le mauvais chemin.

On a roulé dans un silence étourdissant pour s'arrêter devant cette maison immense et je voyais la fierté dans les yeux de mes parents, alors que j'étais en train d'étouffer, de mourir d'angoisse. J'en suis sortie, pour replacer ma robe et j'ai fermé les yeux quelques secondes pour ne pas fondre en larmes. Accrocher un sourire à mes lèvres a été difficile, presque douloureux. Je n'avais rien vécu et j'avais la sensation infâme qu'on me condamnait pourtant à mort. Gravir l'escalier, sonner, mon père un pas derrière moi. La porte qui s'ouvrait et mon cœur qui manquait un battement alors que je croisais son regard, sous son arcade blessée. Je ne saurais pas dire, ce qui c'est joué là, sur le pas de cette porte, mais pendant une seconde, mon cœur s'est animé, s'est mis à tambouriner, de toutes ses maigres forces.

Dans son regard je lisais une douceur que je n'avais jamais vu auparavant et qui me bordait d'une délicatesse insondable. Je souriais, timidement, mais sincèrement, avant que mon père ne s'impose et qu'on entre dans la maison. Je ne pouvais m'empêcher de me mordiller la lèvre inférieure en soupirant étrangement quand notre proximité soudaine m'envoya le parfum de sa peau. Je me retourne, pour lui sourire encore, alors qu'il reste figé, la poignée de la porte dans la main. Mais ce n'est pas sa voix qui résonne, s'en est une autre, qui me fait sursauter, comme une gifle.

∞On ne souhaite pas des choses faciles, on souhaite de grande choses, des choses ambitieuses, hors de portée. On fait des vœux parce qu’on a besoin d’aide et qu’on a peur. Et on sait qu’on en demande peut-être un peu trop. On continue à faire des vœux pourtant, parce que, parfois, ils se réalisent.

Je réalise ma méprise et baisse le visage, mortifiée, avant de lui jeter un regard horriblement triste. Ainsi... celui que j'ai pris pour Alexis est en fait son frère. Une douche froide, qui dévale ma colonne vertébrale et menace ma raison. Pourtant j'avance, en pilote automatique. Je m'assois à cette table et j'essaie de masquer cet espoir fou qui pendant quelques secondes à fait vibrer ma peau. J'ai eu un petit ami... pendant quelques mois, mais rien de sérieux, mes parents y ont veillé. Je suis totalement innocente en matière d'homme ou de sexe, mais j'ai été quelques secondes transportée dans un ailleurs qui n'était pas une prison. C'est idiot... parce que je ne peux pas avoir lu toutes ces promesses dans un simple échange de regards.

∞Le dictionnaire définit le chagrin comme une intense souffrance mentale ou une détresse due à une peine ou une perte, une douleur aigüe, un douloureux regret.

Mes fiançailles sont décrétées dès ce soir là. Alexis m'offre une bague, un solitaire... diamant, froid et sans doute magnifique, mais je n'arrive pas à le voir comme ça. Les semaines qui ont suivi sont dans mon esprit les dernières lueurs avant de sombrer dans un monde que je n'ai jamais désiré. Quand je vois mon futur époux nous avons toujours des chaperons et je crois que ça me va très bien. Je n'aime pas tellement sa façon d'être et de considérer qu'il est normal qu'il pense à ma place et décide tout pour moi. Mais ce sera ma vie désormais...

∞Croyez ce qui vous aide à mieux dormir la nuit.

Mon mariage. Un jour qui devrait être le plus beau de ma vie. Tout y est, le lieu démesuré, la robe sublime, le mari emballé dans un costume qui le met en valeur. Pourtant la joie n'y est pas, même si je fais parfaitement illusion. J'ai appris à devenir une comédienne hors pair. A force. La cérémonie je l'ai oublié, d'ailleurs il a fallut qu'on me fasse signe pour que je réalise que c'était le moment de prononcer ce fatidique "oui, je le veux." Cette phrase qui résonnait dans mon esprit quand il m'a presque trainée vers notre chambre nuptiale.

Je peinais à le suivre, perchée sur mes talons, j'avais sans doute moins d'entrain aussi, il faut bien l'avouer. Sitôt le seuil passé il s'est jeté sur moi. Il m'a arrachée ma robe plus qu'il ne me l'a retirée et je crois que c'est là que je me suis mise à pleurer. Il s'en foutait. En tout cas ça ne l'a pas refroidi, loin de là. Il m'a basculée sur le lit, sans égard ni douceur et il a planté son sexe en moi, me tirant un cri de douleur qu'il est venu étouffé de sa main. Ma petite femme est donc vraiment une petite vierge hein ? Cette phrase d'une voix avinée, contre mon oreille, elle me hante encore.

∞Ça fait mal de grandir, changer. Si on vous dit le contraire, c’est un mensonge.

C'est cette nuit là que j'ai appris à me retirer en moi même. J'avais déjà appris à feindre, ce n'était qu'une étape de plus. Mon mari se glorifiait au matin des draps tachés de sang, il m'a dit de me faire belle et d'effacer mes larmes de bonheur... il a eu ce culot, c'est fou quand j'y pense. Je suis allée dans la salle de bain, me suis recroquevillée sur le sol de la douche et j'ai pleuré, pendant plusieurs minutes, expulsant toute cette merde, essayant de surmonter tout ça.

Quand j'en suis sortie, maquillée, pimpante, plus rien ne paraissait. Il m'a prise par la main et il m'a complimentée, je crois que c'est un des rares trucs que j'ai toujours aimé. Il a toujours été très doué pour me complimenter, même quand il s'est mis à me maltraiter. Le lendemain il pouvait être absolument charmant.

∞Ne soit pas triste, quelle que soit l’ampleur de l’épreuve ! Souviens toi que ce qui t’arrive est un décret et un destin qui doit se réaliser et que l’obscurité de la nuit fini toujours par céder à la lumière du jour.

J'ai essayé de me convaincre que je pouvais être heureuse, qu'on apprendrait à se connaître, qu'il pouvait changer, un peu... pour moi? Stupide petite fille qu'on obligeait tout d'un coup à grandir. Un soir, j'ai expliqué à Alexis que je voulais sortir, que j'avais envie de rejoindre une amie et ça a été ma première gifle. Violente, au point de me faire tomber sur le sol. Bouleversée je levais les yeux vers lui et il me susurrait. Regarde ce que tu m'obliges à faire Niki? Pourquoi je l'ai cru? Pourquoi j'ai pensé que c'était ma faute? Que je n'aurais pas du insister...

∞Ce qui était à moi, il me l’a pris. Il a pris des petits morceaux de moi. Petits morceaux au fil du temps mais si petits que j’ai pas fait attention…

Ma vie s'est vite résumée à ça. Prendre des coups à la moindre contrariété, admettre qu'il me trompe à tout va sans me plaindre, accepter de le recevoir dans mon lit dès que ça lui chantait... Sortir à son bras, parader, me faire belle, accepter les bouquets de fleurs quand il était bien luné, mais surtout être seule. Très seule. Tout a changé quand j'ai découvert que j'étais enceinte. J'ai caressé mon ventre encore plat, en songeant que je ne serais plus jamais seule et que j'avais toutes les raisons de me battre pour vivre désormais.

Le temps de la grossesse, j'ai pris un peu moins de coups, tombant immédiatement au sol pour me rouler en boule et déjà protéger mon ventre. Il avait moins envie de me voir, plus besoin de me baiser et plus de raisons de me montrer partout. J'ai eu du temps pour profiter de cette petite vie qui grandissait au creux de mon corps. J'étais déjà transie d'amour pour ce bébé, avant même de voir ses grands yeux dévorants quand on l'a posé sur mon ventre. J'étais seule pour sa naissance, il est à peine venu le voir son fils. Il a fait le fier, quelques photos et il est parti baiser une pute ou une autre. J'ai été blessée, pas pour moi, mais pour ce bébé, aussi peu considéré que moi.

∞Tu ne sais jamais que le dernier baiser sera le dernier, tu penses qu’il y en aura plein d’autres, tu crois que tu as la vie, mais c’est faux.

Mais Urek lui était là. Il posait sur mon fils ce même regard que je lui ai vu lors de notre première rencontre. Je ne saurais pas l'expliquer mais j'ai vu dans ses yeux un océan d'amour. Lev refermant son petit poing autour de son doigt m'a tiré des larmes de joie et j'ai attrapé mon fils pour le lui glisser dans les bras. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça, mais c'était une sorte d'évidence. Urek veillait sur moi, essayant de tempérer son frère comme il pouvait alors j'ai osé lui souffler. -"Quoi qu'il puisse arriver Urek, je t'en supplie, c'est lui qui est le plus important." J'espérais qu'il protège mon fils... je ne réalisais peut être pas à quel point j'en aurais besoin des années plus tard.

Lev avait tout juste 4 ans, on avait fêté son anniversaire la veille, en l'absence de son père et quand il est rentré, j'ai tout de suite compris que quelque chose n'allait pas. Drogué, alcoolisé, débordant de haine et de fiel. J'aurais surement pas du lui reprocher son absence puisqu'il a pété les plombs m'a attrapée par les cheveux et m'a jetée au sol. Une gifle, deux... j'ai perdu le compte mais j'ai réussi à encaisser sans crier, pour ne pas alerter Levgueni. Dès que possible j'ai appelé Urek, le suppliant de venir chercher le petit, trop inquiète de le laisser dans la même maison que ce monstre.

Il est venu et il a embarqué son filleul endormi, alors que l'enfer se déchainait dans ma maison. Un coup de pied m'a ouvert la lèvre inférieure et plus rien ne semblait pouvoir l'arrêter, même pas la peur qu'on puisse voir les marques sur mon corps puisqu'il se déchainait sur mon visage. Urek est revenu, tout d'un coup il était là, rempart entre moi et la folie de cet homme. Ils se sont battus, alors que je restais là, sur le sol, recroquevillée, sans rien pouvoir faire. Alexis a levée une arme et je me suis mise à le supplier de nous laisser vivre, alors qu'il me traitait de pute... me crachait à la gueule que Levgueni n'était pas son fils mais celui d'Urek. Peut être que ça ne m'aurait pas fait aussi mal, si je n'avais jamais songé à ce que serait ma vie si j'avais épousé le bon frère...

Quand le coup de feu est parti j'ai hurlé, comme une hystérique, convaincue qu'il venait de tuer Urek... et puis j'ai vu son bide, couvert de sang et je crois que quand les autres tirs ont résonnés j'ai été transpercée par un soulagement d'une intensité folle. Je suis abjecte? Oui peut être. Mais le voir s'écrouler, ça m'a juste laissée en larmes... complètement sidérée par le soulagement. J'ai l'impression de sortir d'un tunnel creusé dans les profondeurs de l'enfer. Urek est parti... peu après, avec le corps, alors que le personnel a fini par débarquer rameuté par le bruit. Tous ces gens, qui ont contemplé ma déchéance sans jamais intervenir et devant qui je me suis dressée, fière et ensanglantée. -"Des hommes sont venus, nombreux. Alexis était inquiet, il a demandé à Urek d'emmener le petit en sécurité mais il n'a pas eu le temps d'en faire de même pour lui. Ils ont tiré sur lui... mon dieu... mon mari." Et de nouveau la comédie, alors que je me laisse tomber sur le sol et que j'éclate en sanglots hystériques. Ils ont appelé mes parents et mes beaux-parents, tout le monde est venu, mais surtout ils m'ont ramené mon fils. Mon trésor que j'ai serré dans mes bras en lui promettant que je serais toujours là pour lui.

Quand Urek est revenu, j'ai croisé son regard et il lui a été expliqué qu'il n'était pas revenu à temps pour protéger son frère. Evidemment sur le ton du reproche, ces gens ne savent faire que ça. Dans mes yeux j'espère qu'il a pu lire toute ma reconnaissance. C'est horrible, je le sais, plus encore pour lui, qui était tellement proche de son frère... dans un lien malsain et toxique mais... qui suis je pour juger après tout. Moi qui ait tout accepté, par... devoir? Les semaines ont passés, sans qu'on ne parle de ça, même si il veille sur moi comme une louve sur ses petits. D'ailleurs quand mon père m'a dit que j'avais besoin de temps loin de la ville pour récupérer et pour me mettre en sécurité puisque les tueurs d'Alexis courraient toujours, j'ai accepté tout de suite, m'a seule exigence? Qu'Urek nous accompagne, que ce soit lui qui veille sur ma sécurité.

C'est comme ça qu'on s'est retrouvés dans un avion, direction les états unis. Mon père avait appelé sa sœur, Svetlana, pour lui demander de m'accueillir quelques temps à San Diego. J'ai refusé de loger chez elle, ne voulant pas l'encombrer et la connaissant finalement assez peu. Alors elle m'a trouvé une villa, sur le front de mer, un peu isolée des turpitudes de la ville. Je crois que c'est un logement pour "ses filles". Habituellement... Enfin j'en sais trop rien, j'ai pas envie de savoir je crois bien. Il parait qu'un nouveau chapitre de ma vie est en train de s'ouvrir.