--Outfit-- Le bout des phalanges de la dextre rampant sur la paroi de la canette de bière, Trevor jouait songeusement avec la fraicheur qui en maculait la surface. Assis à moitié de côté, la tête inclinée sur le côté dans sa contemplation pensive, son binôme continuait de parler sans vraiment se rendre compte que depuis une demi-heure au minimum, Collins avait monopolisé la conversation sur ce qui pesait sur ses épaules. Son bras gauche pendait lentement sur le flanc, le coude appuyé contre le dossier, l'une des branches de ses lunettes de soleil oscillant entre ses doigts comme le tempo d'un métronome. Cette fille est une véritable garce, entendait-il. Son dossier est vide de toute manière. Aucune preuve. Aucune éthique de flic, cette pute, à vouloir faire plonger les collègues. Elle se croit supérieure avec son petit sourire. Et blablabla... putain.

On venait réellement de lui coller un stressé comme partenaire ? À bien des égards, Trevor le trouvait pitoyable. Mais en devanture, c'était une épaule compatissante à ses devoirs. L'intégration avant tout. Pourtant, entre deux hochements de tête approbateurs, et quelques tressaillements de sourcil qui en disait long, son regard fut happé par l’attitude féline d'une silhouette toute en courbe lovée dans un jean à la moulure indécente qui se dirigeait vers eux. Sans bouger rien d'autre que ses iris clairs, il suivit sa démarche, ses gestes, son impudence. Collins, au devant, sursauta aux premiers mots, comme si le diable venait d'être invoqué à force de trop en parler, la grimace marquant ses traits en observant celle plantée sur sa chaise juste derrière.

« Inspecteur Diaz. » Cracha-t-il d'un dégoût évident qu'il n'essayait même pas de cacher avant de redresser le menton sans doute regalvanisé par la présence de son taiseux de coéquipier. « C'est votre nouvel uniforme ? Vous auriez dû venir avec ça à notre dernier rendez-vous. J'aurais été plus conciliant. »

Il acheva sa rétorque d'un coup d'œil vers Trevor, qui esquissa en retour l'amorce d'un sourire amusé, ses iris balançant rapidement vers son collègue avant d'en revenir à la femme, se contentant pour le moment du moindre mot. Alors, c'était elle sa fameuse bête noire ?

Trevor paraissait amusé, c'est en tout cas l'expression qui nimbait ses iris et la bordure de ses yeux pour quiconque pouvait se targuer d'en interpréter les signes révélateurs à ce genre de manifestation discrète, se posant en spectateur d'un échange qui s'annonçait pour le moins divertissant. Mais c'était sans compter sur les humeurs de son collègue dont la patience - qui avait déjà été mise à rude épreuve - ne parvenait plus à s’affirmer, son humour s'érodant à la même vitesse express. Il fulminait carrément de se faire afficher dans un lieu public, quelques regards se tournant brièvement dans sa direction - pas de quoi en préparer tout un foin néanmoins - mais qui semblait disproportionné pour l'animal ciblé.

« Prends-moi pour un con. J'connais les procédures. T'essayes juste de te faire mousser parce que t'as que dal. » Argua-t-il en grinçant des dents, se permettant quelques familiarités supplémentaires sous le joug de l'exaspération.

Lorsque la femme s'adressa au Templier, ce dernier déploya les doigts de sa dextre toujours apposée près du rebord de la table, son épaule connectée se redressant subrepticement, l'air de dire : « Qui sait ? ».

Et puis, le petit geste fut la goutte qui fit déborder le vase, les nerfs autrefois d'acier pliant comme des fétus de paille. Il frappa la main pour la chasser, furibond, une claque sonore tandis qu'il se relevait et prenant sa pleine hauteur. Ce qui acheva d'ailleurs de bel et bien attirer l'attention.

« Tu me touches pas. Okay ? Tu me touches pas. » Grondait-il sèchement.

D'un même temps, les sourcils de Trevor s'inclinèrent cette fois-ci, adoptant un peu plus au sérieux ce qui se déroulait, oscillant de sa vigilance entre l'homme et la femme confrontés face à face.

Les paupières de Trevor clignèrent subrepticement tandis qu'il détournait son attention de la femme pour prêter davantage d'intérêt à l'homme qui fulminait comme un beau diable. Les premières répliques de celle qui avait cru judicieux de venir harceler un flic au bord de la crise de nerfs avaient provoqué sa relève, se redressant de sa haute stature pour la dominer au moins physiquement, la chaise où il était assis tombant à la renverse d'un même temps. Ce que Trevor avait aperçu dans le dos de son collègue, maintenant que ses élans avaient agité sa veste un peu trop bien lissée, c'était l'arme de service qu'il avait emportée et qui demeurait pleinement accessible. Cette même arme qu'on venait de lui réclamer et qui risquait désormais d'être adressé d'une manière toute différence. Le New-Yorkais avait relevé sa présence, et son esprit accéléra ses réflexions tandis qu'il laissa son corps s'immobiliser en se tenant prêt à réagir au cas où.

Et il n'eut pas à attendre bien longtemps, car les vociférations du véreux co-équipier s'amplifièrent, sa véhémence fleurie aux lèvres - fait d'un dictionnaire entier d'injure - se soldant par un chassé du bras droit vers ses reins, ses doigts véloces se faufilant pour attraper la poignée du flingue. Collins se savait foutu, définitivement foutu, sa carrière, sa vie, tout allait voler en éclat par la cause d'une seule et unique femme sur laquelle il en rejetait la faute. Hors de question d'aller en prison, celle-là même où il y a foutu bon nombre de passeurs et dealeur. Alors dans son déclencheur de folie, il y eut cette notion qui s’édicta : quitte à partir, il ne le ferait pas solitaire. D'un point de vue extérieur, tout se joua sur le fil d'une ou deux secondes, et personne ne put prédire si l'intention de faire feu s'était déjà imposé à son esprit ou pas, et pourtant, le coup partit.


La détonation surprit tout le monde, même ceux qui avaient eu l'attention attirée par la dispute, ouvrant le bal d'une vague déferlante de cri de terreur, les clients à la terrasse se levant brusquement pour tenter de s'échapper, renversant tables et chaises sur leur passage. Elle avait vibré dans l'air, déchiré l'atmosphère, ponctué la furie d'un individu aux aboies. Et la balle avait zébré le tout, propulsé à grande vitesse pour se loger dans le lambris du sol qui démarquait la zone. Une ou deux secondes seulement, pour un homme aguerris des tirs réflexes, sa cible n'aurait fait qu'un pli, soit mortellement touché, soit simplement blessé, mais il n'y aurait pu y avoir le moindre doute quant à la destination de cette sentence de métal. Ce ne fut pourtant pas une gerbe de sang qui accueillit l'évènement, mais quelques éclats de bois et échardes s'étalant tout autour.

Ce temps-là, Trevor l'avait pris pour intervenir, se redressant d'un bond réactif, balayant un genou en déséquilibre et profitant de son ascendant dû à l'effet de surprise pour frapper du poing directement contre la tempe de celui qui avait espéré son soutien. Le corps désarticulé de Collins s'effondra à terre, fauché dans l'inconscience, sa main vivement délestée de son bien.

D'un geste expert de la main, l'arme de service nichée en sa possession, Trevor libéra le chargeur d'un appui simple du pouce, presque trop discret. La bande de métal alourdie par les ogives contenues alignées se dégagea aussitôt du bas de la poignée, se propulsant presque pour atterrir dans le creux de sa senestre, cette dernière recueillant l'objet disloqué de son ensemble avant de le poser à plat sur la table. Il ne prêtait guère plus d’intérêt aux badins que la femme qui venait d'échapper sans doute au pire le faisait, ne se formalisant nullement de cette bulle qui s'était rapidement créée autour d'eux, pas plus que des curieux endémiques qui gardaient braqué leur smartphone dans la direction du trio avec cet espoir d'en faire le maximum de like possible. S'il ne leur accordait guère d'œillade, il n'en était pour autant démuni d'attention à leur égard, formulé par cette droiture qu'il maintenait. D'un autre mouvement calculé, demeurant dans un silence presque convenu maintenant que son forfait était accompli, il délogea la cartouche chambrée d'un geste arrière bref de la culasse, cette dernière sautant hors de la fenêtre d'éjection avant d'être rattrapée au vol d'une capture précise puis alignée avec une minutie propre qu'avait ces gens un peu trop toqués d'avec le reste de l'exposition qu'il mettait en place sur la table : le chargeur, la balle et l'arme neutralisée.

Au sol, Collins sembla s'agiter quelque peu comme si les sursauts dans son sommeil forcé l'avaient secoué, alors même qu'il s'était vu contraint de quelques torsions des bras, avant de retomber dans l'inerte que sa posture lui imposait, complètement séché par ce coup qui pourrait avoir causé plus de dommage qu'il n'y en eût l'air. Il n'était pas à l'abri d'une quelconque commotion qui reviendrait manifester sa présence un jour ou l'autre, tôt ou tard. Mais après tout, ne s'était-il pas lancé dans un baroude d'honneur ? C'était une moindre chute. À l'instant où la femme lui tandis la main, sans doute dans l'espoir de la lui serrer, ce fût bien la dextre de l'agent du DEA qui vint à sa rencontre, mais au lieu de lui accorder la chaleur de sa paume, le froid métal d'une plaque qui portait les initiales du déchu vint s'y loger. Si dans un premier temps il se contenta de ce moindre geste à l'égard de l'officier, lui glissant donc ce qu'elle était venue chercher comme une offrande, il se retira l'instant d'après en laissant échapper quelques mots.

« Je sais qui vous êtes, Lieutenant Diaz. Mais autant être honnête, ce ne furent pas en d'élogieux attributs que votre nom me fut décrit. »

Il avait maintenu son regard dans celui qui lui faisait désormais face, son océan inquisiteur et sans doute plus qu'intense se figeant dans le sombre de la métissée mexicaine, avant de s'en détacher, histoire de retrouver la place de laquelle il avait été contraint de se déloger.

« Trevor Spencer. » Se présenta-t-il sobrement, une fois son séant revenu à son assise, écartant les genoux dans sa posture pour en retourner à une décontraction manifeste. « Va pour un verre. Et ne vous inquiétez pas pour vos détraqueurs... » reprit-il d'un plissement de lèvre presque amusé, se penchant sensiblement le temps de la confidence, sa voix diminuant de paire. « ... Ils ont commencé à filmer quand tout était à votre avantage. »

Par ils, il entendait évidemment les spectateurs, téléphone en main, qui se tassait au-delà de la rambarde du bar, objectif braqué sur l'homme menotté.

D'une main sur le bas visage, l'agent de la DEA se frotte les lignes de sa mâchoire, ses ongles passant le long de sa pilosité courte et négligemment entretenue, de quoi garder une allure virile et mature telle qu'elle sait seoir aux hommes. Son regard resta dirigé en direction de la femme qui prend place en face, en lieu et siège de celui qui gît désormais au sol dans sa propre déchéance. Pour lui, l'instant de repos qu'il s'était accordé auprès de son récent coéquipier - et ex sans doute - muait d'un état d'ennui infini à celui d'une curiosité croissante. Jouer la comédie pour s'intéresser aux ignares faisait certes partit de ses attributs dont il en maitrisait l'art, mais devenait grandement plus divertissant lorsque le sujet portait de robustes atouts et atours. Il n'en dit mot pendant quelques moments, se contentant de fournir à la victorieuse lieutenant un sourire soufflé d'amusement à ses propos piquants, creusant les séduisantes fossettes de ses joues et étirant les pattes de ses coins d'yeux en quelques plissements enjôleurs qui paraissaient pour le moins tout à fait naturel. Il restait néanmoins détaché et flegme, comme s'il réservait encore son jugement et sa proximité. Car quand bien même il avait accompli son devoir d'un geste réflexe, il n'en demeurait pas moins un flic qui venait de s'opposer à son propre collègue, ce qui pourrait être peu accepté de ses homologues du commissariat.

Lorsque le serveur, un peu fébrile et maladroit d'avec la situation, vint à leur commande, jetant quelques œillades à l'homme à terre, menotté et inconscient, Trevor se contenta de dénommer son verre qui avait séjourné sur la table, à moitié entamé.

« La même chose. » Glissait-il d'un index désignateur, le barmaid s'empressant de capturer la chope qui avait perdu de sa fraicheur pour s'enfuir au comptoir se hâter de satisfaire les demandes.

« Il va de soi que vous n'avez fait, ce soir, que votre devoir et qu'il n'était nulle question d'excès de zèle tandis qu'aucune des deux parties n'était en service. Vous veniez prendre un verre, en citoyenne ordinaire, et l'agent Collins, qui vous a immédiatement reconnu, vous a pris à partie. C'est bien cela ? »

Il plissait les lèvres, gardant cet air de joueur gravé sur ses traits, tandis qu'il fixait longuement la jolie brune assise en face.

Il observait la femme dans une fixation pesée d'une juste mesure, son air un peu en dessous soulignant davantage le mordant de ses iris plus clairs que jamais sous les rayons du soleil californien. Il n'avait pas l’apparence revêche ni réfractaire à sa présence qui imposait une conversation presque amicale, l'accueillant au contraire d'un sourire figé au coin de ses lèvres. Lui aussi voulait jauger l'inspectrice dont la nature du caractère se révélait sur un presque livre ouvert à son attention perspicace. Une femme au tempérament bien trempé et qui ne lésinait de rien pour le faire remarquer.

« Évitez quand même d'épingler le prochain. Je risque d'avoir mauvaise réputation dans le service. » Laissa-t-il entendre en réponse, l'amusement perceptible dans son timbre de voix plus qu'il ne s'agissait d'un reproche.

Son attention ne fut détournée que lorsque le barmaid revint rapidement à leur côté, tous les autres clients ayant déserté sa terrasse qui se retrouvait vidée de toute présence, déposant leur commande sur la table avant de filer aussi sec, l'inconfort de la situation gênant ses gestes et sa capacité à rester aussi près d'une menace. De son côté, Trevor souleva également la chope, venant percuter lentement le verre contre celui de sa vis-à-vis, toujours avec cette posture détendue, à moitié avachie sur sa chaise.

« Et à votre ténacité. » Répondit-il en écho, d'une tonalité qui ne semblait aucunement soulignée qu'il puisse s'agir d'un défaut, ramenant la bière à ses lèvres pour les y tremper, l'amertume glissant à son palais et la mousse accrochant brièvement sa moustache qu'un simple chassé des dents inférieures et de sa lippe pu en venir à bout.

La table tinta en retrouvant le contact de la chope alourdie de son poids contenu. Sa dextre resta figée sur les parois translucides dont les extrémités de ses doigts cueillant de quelques caresses lentes les perles de fraicheur.

« Alors, que veniez-vous faire dans le coin un peu par hasard ? Prendre un verre ? Faire du shopping ? Aller à un rendez-vous ? »

Si ses airs étaient restés placides, tout juste piqué d'intérêt par celle qui s'était imposée à lui, son faciès d'une note avenante avait marqué un subtil redressement de sourcil, cette accentuation légère qui offrait le témoin d'une accroche dans la conversation. Peu préoccupé par le sort de son ex-coéquipier qui semblait avoir du mal à remettre ses idées en place, la posture qu'on lui avait forcée de prendre n'aidant en rien à la chose, Trevor se concentra uniquement sur les traits de sa vis-à-vis qui n'avaient rien de désagréable. Un soufflet rieur s'extirpa de ses naseaux tandis que les plis discrets de sa bouche se stimulaient sensiblement d'un même temps, sa main reposant le verre du liquide mousseux dont il venait de prélever une autre rasade. Il en capta l'humidité d'un raclement de dent sur la lippe inférieure, répondant assez rapidement par la suite, en ne prenant qu'un faible instant de réflexion.

« Ça ne ferait désordre que si les vilains quolibets avaient un fond de vérité, pas vrai ? » Glissa-t-il en redressant ses iris bleutés dans sa direction, le visage légèrement maintenu abaissé dans sa précédente observation, à savoir un vif coup d'œil en direction de Collins.

Le vermisseau à terre commençait doucement à gronder, ses bras s'étirant d'un côté à l'autre, pas encore assez lucide pour deviner la cause de ses entraves.

« Ils penseront que je l'ai balancé, ce qui ne me rendra pas fort populaire auprès de mes collègues, un peu plus peut-être envers la hiérarchie, bien que j'ai un doute à ce sujet. On me regardera en biais, le secrétariat fera trainer mes dossiers... quelques jours, quelques semaines, et ça finira par s'étioler. Pour autant ... »

Il marqua une pause volontaire, relevant modérément plus le menton en prenant le temps d'une fixation plus soutenue.

« Je ne sais pas si une seule bière suffira pour m'aider à faire profil bas en attendant que ça arrive. »

Bouts de ses doigts posés sur le verre qui lui faisait toujours face, son index joua un instant de la fraicheur qui maculait le versant glacé, remontant d'un geste lent en y appliquant le revers de sa phalange, son regard qui avait dérivé dans la direction de son acte venant percevoir l'humidité s'accrocher désespérément à son épiderme avant de s'en déverser de quelques gouttes accumulées sur la pointe de son ongle. Il y avait dans ce mouvement pourtant anodin quelque chose d'extrêmement sensuel, une déviation suggérée qui aurait pu passer inaperçue dans le dialogue qui s'était instauré s'il n'y avait pas rivé son attention dessus, y emportant sans doute l'observation du Lieutenant après une si longue fixation soutenue. Il en revint aussitôt à elle, laissant sa démarche en suspend dans cet écoulement aqueux, dressant ses bleutés intenses à nouveau dans sa direction, dessinant le contour de son visage, prêtant un regard appuyé à la flexion de ses lèvres, puis dérivant sans honte ni gêne sur l'épaisseur de sa poitrine si gracieusement étriquée dans ce tee-shirt noué au ventre. Tout paraissait millimétré dans les moindres de ses gestes, dispensateur d'émotion.

« Lieutenant Diaz. » Entama-t-il de sa tonalité grave et nuancée en remontant à ses yeux, faisant émerger un amusement manifeste. « Il faudrait retravailler les filets de vos pièges pour qu'ils soient moins grossiers, au risque de vous contenter des secondes classes et de ne jamais parvenir à ferrer les gros poissons. »

D'un pivot périphérique, ses iris balayèrent l'assemblé qui, malgré la demande de l'officier, continuait de s'agglutiner au-delà des barrières de la terrasse. La plus grande majorité d'entre eux n'y avait pas directement assisté, mais de voir un type à flanc de sol menotté au pied d'un duo en plein partage d'apéro avait de quoi attiser l'intérêt.

« Mais j'ai une curieuse envie de découvrir jusqu'où vous seriez prête à aller dans votre rôle d'appât. Si nous devions parler bénéfices, avantages et reconnaissances, quel serait votre thème de prédilection et où ? »

Ses yeux se plissèrent en deux demi-fentes tandis qu'il revint rapidement observer l'officier qui lui faisait face ; son index, encore maculé d'une sensible humidité, se rapprocha de ses propres lèvres, l'appliquant en transverse de ces dernières. Il laissa glisser son flanc de phalange, d'un bord à l'autre, souillant ses lippes de cette fraicheur nouvelle comme s'il goutait sensuellement à ce qu'il avait suggéré et mimé quelques instants plus tôt. L'éclat intense de ses azurs ne quitta à aucun moment le visage qu'il fixait, quand bien même sa jambe subissait l'assaut d'une visiteuse téméraire, imposant en premier contact qui livrait la promesse d'une plus ample proximité - si tant était que l'agent en fut intéressé. Difficile de ne pas l'être pourtant quand autant d'atours étaient exposés et autant de qualités vantées, pour autant, Trevor sembla inatteignable, demeurant dans le moindre calcul de ses réactions qu'il contrôlait à la perfection. Il garda une distance affichée, malgré la démonstration réceptive de son geste précédant, comme s'il jouait en l'instant ses propres méthodes de prédation. Il en subsista silencieux, en dépit des allusions sans voile qui lui était offert, se contentant de ce jeu de regard et du léger passage de la pointe de sa langue sur son épiderme.

Bien vite, les sirènes se firent entendre. La cavalerie n'avait guère tardé à se frayer un chemin parmi la foule et si Diaz regagnait le masque de sa neutralité, Trevor lui, en resta d'une attitude identique, si taiseuse et expressive dans l'intensité de son attention, qui suivait le moindre de ses mouvements.

« Je n'y manquerais pas. » Avait-il finalement laissé entendre d'une équivalente tonalité, marqué d'un grave profond et sans véritable nuance.

Il demeura ainsi, dans son comportement désinvolte, quand bien même quelques flics s'occupaient de Collins presque à ses pieds, et dont la voix s'épuisait dans un semblant de protestation à peine audible, ne parvenant que difficilement à outrepasser le black-out enduré. Il s'amusa même à récolter une dernière gorgée de bière avant de daigner se lever, comme s'il s'évertuait à démontrer que son attitude aussi hautaine qu’impertinente n'avait rien de feint ou de caché, mais était belle et bien assumée. Ce ne fut que lorsqu'un des agents, sans doute chef de section, vint à sa rencontre, qu'il consentit à se relever, suivant brièvement le départ de l'officier plus au loin qui offrait la visibilité de son dos et la balance de ses hanches.

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--Outfit-- Ce ne fut pas aux premières heures de ce nouveau service que Trevor se présenta au département des affaires internes, ayant fait trainer cette rencontre - quelque en soit les raisons - pour ne consentir à cette entrevue que peu avant l'heure du déjeuner. S'il avait abandonné le tee-shirt décontracté et la veste de cuir, ce ne fut que pour gagner une sensible élégance supplémentaire par la présence d'une chemise coupée à sa stature. Son jean aux tonalités claires était surplombé de son holster de taille, rendant les deux sangles noires à sa cuisse droite bien visible, comme le relief de son arme équipée à sa hanche et le brillant de sa plaque à sa ceinture affichée. Traversant le hall et les bureaux du front office, il suivit le chemin d'un couloir qu'on lui avait mentionné à l'accueil jusqu'à trouver l'écriteau sur la porte indiquant celui qu'il recherchait. Deux coups assénés sur la vitre opaque se démarquèrent assez nettement, laissant le silence retomber sans rien annoncer de plus, patientant qu'on lui donne l'autorisation d'entrer ou réitérant au besoin. Il finit donc par pénétrer dans la pièce, poussant le battant dès la permission reçue, se glissant à l'intérieur d'une démarche discrète avant de refermer le tout avec lenteur.

« Lieutenant Diaz. » Laissa-t-il entendre en guise de salutation avec une certaine déférence, venant aviser la propriétaire du bureau.

La main demeurée sur la poignée de porte, les salutations vinrent rapidement en réponse des siennes tandis qu’il l’observait de sa distance conservée, ramenant ensuite l’océan de ses iris sur le battant vitré. La descente de ses doigts se firent assez lente sur le loquet qu’il agrippa d’un flanc d’index et d’une compression du pouce associé, venant tourner ce dernier pour clôturer définitivement l’accès. Dans le silence qui avait succédé les bonjours cordiaux, le mécanisme provoqua un fin cliquetis, à peine audible tant la manœuvre s’était opérée dans un geste calculé. La porte désormais verrouillée, il en ramena ses deux mains le long de ses côtés, s’empressant de plonger sa dextre dans sa poche du même versant qu’elle, bombée d’un léger relief qui ressemblait fort aux contours d’un téléphone portable par sa nature plate et large. Il ne se fit pas prier davantage toutefois pour obtempérer à la demande, ses pas l’emportant en direction du siège qui faisait face au bureau, tournant autour avant de rester fixe devant le meuble. Il sembla prendre la mesure de chacun de ses gestes, divulguant enfin le fameux objet que ses phalanges étaient venues chercher vers le fond, en l’incarnation d’un smartphone des plus banals qui trouva place sur la surface du bureau, écran voilé vers le bas, juste devant lui. Il se permit même d’en réajuster l’alignement, de quelques petits mouvements parasites, puis faisant rejoindre son emplacement par son arme de service, sécurité engagée et toujours garnie dans son holster dont il prit soin de détacher, afin de le déposer presque au-dessus, modérément décalé.

Une fois débarrassé de ce qui aurait pu le gêner pour la suite, il en vint à retrousser ses manches l’une après l’autre, en même temps qu’il prenait position sur ledit siège désigné. Pour autant et malgré la rigueur qu’il mettait à chacune de ses mécaniques, sa posture exhala une subtile impression de négligence décontractée, son fessier avancé et le dos avachit, retrouvant, à peu de chose près, celle qu’il avait eue la veille devant cette bière qu’ils avaient partagée. De son index, il balaya la surface de ses lèvres de quelques passages mimant une réflexion après avoir écouté les paroles de la femme, laissant l’émergence d’un fugace sourire apparaitre sur ses coins, comme si l’amusement l’avait rapidement pris sur les insinuations dessinées.

« Puisqu’il est question d’aller au fond des choses… » Laissa-t-il entendre, figeant son regard sur elle, ses deux mains se croisant sur son ventre, les doigts s’entrelaçant assez naturellement, les deux bras perchés sur les accoudoirs qui bordaient son assise. « Est-ce que nous parlons de l'affaire Collins qui m’a conduit à vous sauver la mise, tant d’un point de vue intégrité physique que moral ou bien du marché tacite que nous avons conclu : vous, achetant mon silence sur votre zèle qui aurait pu vous apporter beaucoup d’ennui par le biais de propositions d’ordre, dirais-je, plus privées ? Ce que vous avez appelé reconnaissance à une aide précieuse. »

Le bougre était patient. Incroyablement sans doute, son regard guettant, fixé sur le visage du Lieutenant qui lui faisait face, dessinant, par moment d'égarement d'une réflexion à une autre, la courbure de ses cils ou les inclinations de ses lèvres qui se révélait très instructives, et plus globalement, attractive d'un point de vue extérieur. Qu'il ne mesure qu'à peine les effets donnés par son discours assaisonné de quelques silences en guise de provocation ou qu'il y est réceptif, bien au contraire, semble assez difficile de départager, tant sa gestuelle se montre avare de parasite, ne cédant aux réactions qu'avec une maitrise toujours calculée. Il humecta ses lèvres, les étirant de fugace rictus qui dessine avec charme ses fossettes, et s'amuse à son tour de ses postures de bras qui se prête volontiers au jeu de la séduction.

« J'aime les rumeurs. » Répondit-il en écho de la rétorque à ce sujet. « Elles sont un passionnant terrain de jeu que trop dénigre au bénéfice du doute. Ce sont les actes qui peuvent se révéler spécieux, mais les rumeurs, qu'elles soient fondées ou non, révèle bien plus que ce qu'elles en disent. J'ai beaucoup aimé entendre celles à votre sujet. »

Il se pinça les lèvres de son majeur et pouce folâtres, avant de reprendre sur le même ton demeuré facétieux.

« Parlons donc de cette affaire, puisqu'elle vous passionne tant. Je me demande bien les raisons qui encadre cette émulsion, d'ailleurs. Vous n'en êtes pas à votre première prise et Collins n'avait rien d'un trophée en soi. A moins qu'il y ait quelques internes affaires au sein des affaires internes. »

Il continua à s'offrir le luxe d'une assise confortable qui ne souffrait d'aucune gêne, la posture de son corps parfaitement détendu sur cette chaise qui avait sans doute vu bien plus contrarié vis-à-vis. Lui, semblait se jouer de tout ceci, indifférent de beaucoup de chose aux primes abords.

Le regard imperturbable, l’homme se concentra un long moment sur ces doigts longilignes qui plongeaient avec maitrise et sensualité dans sa cascade de cheveux de jais, la neutralité mêlée à la tension que leur conversation provocatrice générait paraissait comme un oxymore, une dualité si palpable qu’elle n’en faisait que galvaniser l’ensemble, forgeant cette douce et folle impression de danger. Pourtant, des avances murmurées et propositions à peine voilées, le jeune agent de la DEA n’y céda d’aucune manière, sans même se préoccuper de la convaincre de cette façon dont elle l’avait si langoureusement soufflé. Une statue de marbre, les doigts jouant lentement sur le parcours des lignes de ses lèvres et la légère toison qui en couvrait par instant l’épiderme sur la frontière de sa barbe naissante. Son visage bascula sensiblement vers l’autre flanc, comme s’il était soumis à la réflexion, son regard d’océan aux profondeurs inaccessibles ancré dans l’obscurité de ceux qui la toisaient, cherchant à faire perdurer ce qui aurait pu paraitre comme une hésitation et quelques incertitudes, là où sa gestuelle trahissait une assurance établie. De toutes les facettes que son image renvoyait, aucune ne semblait donner démonstration de vérité complète, faisant planer cette aura de mystère qu'il savait si bien se parer.

« Ce n’est pas spécialement ce bureau-ci qui les intéresse. » Répondit-il du grave de sa voix, sa main s’ouvrant en symbolique de l’évidence même de la chose, avant de venir brosser d’un dernier passage l’arrête de sa mâchoire et retomber sur son accoudoir attitré. « Davantage le voisin. »

Il permit à son souffle de s’exprimer hors de sa cage thoracique en une manifestation d’amusement maitrisé, ses lèvres et les plis de ses yeux s’étirant tandis qu’il quittait enfin les prunelles si impétueuses de l’officier posées en face. D’un côté un simple collègue, de l’autre un supérieur directement désigné. En dépit de l’imprécision de la déclaration, le doute ne pouvait vraiment être justifié.

« Je n’ai rien à vous offrir, Lieutenant Diaz. » Reprit-il ensuite, posture toujours affalée sur son siège à l’incontestable confort pour lui, continuant sur une intonation qui n’y allait sans demi-mesure. « Parce que vous n’avez rien qui m’intéresse. Du moins, jusqu’à preuve du contraire. En revanche, de votre côté, la frontière de l’évidence est bien plus perceptible. Alors…»

Il dénoua l’appui croisé de ses jambes pour les maintenir toutes deux, talons au sol, comme s’il s’apprêtait à se lever et seulement s’éclipser de ce lieu, sans rien en faire pour autant.

« … Faites-moi, vous, une offre que je ne saurais refuser. Et, peut-être qu’en effet, nous pourrions obtenir une mutuelle satisfaction. Ne me laissez pas croire que vous m'avez convoqué ici pour rien. »