--Outfit-- Dans deux heures, j’ouvre le micro pour la première fois, et cette pensée me fait l’effet d’une vague froide qui déferle sur moi. L’excitation se mêle à une sorte de frisson intérieur que je n’arrive pas à contrôler. Mon cœur bat plus vite. Tout est tellement… intense. Je pourrais rester chez moi à me préparer mentalement, mais c’est comme si quelque chose en moi avait besoin d’un rituel pour se rassurer, pour apprivoiser cette soirée qui s’annonce.
Je me réfugie dans ce que je connais : le soin méticuleux. Je me maquille avec une précision presque obsessionnelle, même si je sais pertinemment que personne ne me verra. J’applique un trait fin d’eye-liner, je peaufine chaque détail. Mon miroir me renvoie une image plus affirmée, plus confiante. C’est mon armure, ce que je montre de moi au monde. Ce rouge à lèvres un peu audacieux, ce parfum que je choisis avec soin, chaque geste a son importance. Mon hypersensibilité me dicte ces détails : une odeur trop forte pourrait m'irriter pendant des heures, une texture inconfortable me gênerait au point de me distraire.
Aujourd’hui, j’ai un peu plus de mal à me concentrer sur ma routine. Un autre détail me hante, un visage que je n’ai encore jamais vu. Mon technicien, mon futur allié invisible dans cette aventure radiophonique, que je vais rencontrer pour la première fois ce soir. J’ignore tout de lui, et pourtant, il va être là, à mes côtés, indispensable. Sa présence me met la pression, presque autant que celle des futurs auditeurs que je ne connais pas non plus. D'après le responsable de la radio j'ai "une voix" et ça va bien se passer... mais ça me fait flipper.
Je me demande ce que ce Drew pensera de moi en me voyant débarquer. J’ai cette étrange envie de lui faire bonne impression, comme si cela allait influencer mon émission. Je me répète que c’est absurde que c’est de ma voix, de mes mots qu’il s’agira ce soir, pas de mes vêtements ou de mes manières. Pourtant, je ne peux m’empêcher de réajuster une mèche de cheveux, de me tenir un peu plus droite. Je suis partagée entre la peur d’en faire trop et celle de ne pas en faire assez.
Quand je quitte mon appartement, le soir commence à tomber, et l’air frais me fait frissonner. La route jusqu’au studio est un instant de calme relatif, le bourdonnement de la ville autour de moi me distrait légèrement. Mais dès que je pousse la porte du bâtiment, toutes mes sensations affluent de nouveau, renforcées par la légère odeur de café et le bruissement des voix dans les couloirs. Le studio d’enregistrement me paraît plus vaste que dans mes souvenirs, un espace à la fois intimidant et pourtant déjà familier.
Je prends place dans la salle de repos qui jouxte le studio, même si l’émission ne débute que dans quelques heures j'ai besoin d'être là. Mes doigts effleurent les contours métalliques du pied de la lampe devant moi, comme pour en apprivoiser la forme, et je prends une profonde inspiration. Je repense à ce que je veux dire, à ce que je veux partager, mais aussi à tout ce que je ne maîtrise pas encore. Et puis il y a cette attente… je sais qu’il va arriver d’un moment à l’autre, ce technicien mystérieux qui sera mon binôme. Je n’ai aucune idée de son âge, de son visage, de sa voix. Mais bientôt, nous serons ensemble dans cette aventure nocturne. Je m’efforce de calmer les battements de mon cœur, de réguler ma respiration. Dan lui a proposé qu'on se rencontre avant, donc il devrait pas tarder. Un bruit dans mon dos, je me retourne et je souris avant d'incliner doucement la tête.
-"May Winters, enchantée." Deux pas et je me retrouve tout près de lui, les yeux dans les siens, un peu ravagée par le parfum de sa peau qui m'ennivre... Je me mordille la lèvre, mon souffle se suspend légèrement et je tends la main pour la lui serrer. Va falloir que je lui explique... que mes réactions peuvent être démesurées, sinon il va me prendre pour une dingue.