Qui rencontre qui? (Levin)

Tout homme d’affaires qui se respecte a besoin d’un avocat. Tout homme d’affaires qui joue dans l’illégalité encore plus. Le lien de confiance doit être solide sinon les deux parties impliquées sont dans la merde. Je ne peux pas dire que je lui fais encore totalement confiance et si je le perçois comme il le faut, le sentiment est réciproque. Je peux me tromper, je ne possède pas le pouvoir de lire dans les pensées, mais il vaut mieux ne pas prendre de chance. Voir des barreaux de prisons 24 h sur 24 parce que j’ai abaissé mes barrières n’est pas un rêve à laquelle j’aspire. Toutefois, avec les mois et les années qui passent, les confidences tombent et les tâches à accomplir de plus en plus importantes. Il est payé plus que ce qu’il vaut, ça aussi pèse dans la balance de son silence non ? Je l’espère pour lui parce qu’il serait dommage de voir son joli visage être défiguré par mes poings non ? Enfin, pour moi ça ne change rien, beau ou laid, s’il fait son boulot le reste je m’en moque. En parlant de boulot ? J’ai pris rendez-vous avec lui, dans son bureau, pur régler un point bien précis. Je peux imaginer le petit hamster qui roule à une vitesse vertigineuse dans son cerveau, ses pensées qui se demandent pourquoi son bureau ? Pourquoi pas le mien comme toutes les fois où nous devons échanger sur des points bien précis ?

J’ai rendez-vous avec maitre Duvanel

Vous êtes ?

Mes coudes viennent doucement s’appuyer sur le bureau de sa… réceptionniste ?  

Bellezza… Tu peux lui dire que Monsieur Russo est arrivé.

Je la détaille de haut en bas, laisse mon regard la dévorer et me réjouis de voir ces joues changer de couleur.

Si Monsieur Russo.

Si ? Hummmm… docile au lit aussi ? Je vais peut-être faire une exception et mêler affaire et plaisir qui sait. Une petite recherche et une fois son adresse en main, une petite visite, quelques cris et un départ sans regarder derrière peut le faire. L’entendre bégayer mon nom quand elle s’adresse à son patron, lui signifier en rougissant que son rendez-vous est là, c’est plutôt amusant.

Vous… Vous pouvez entrer M. Russo !!

Elle me dicte quelle porte et la direction à prendre d’un signe de la main ? Sans attendre, je déteste attendre et faire attendre, mes pas me mènent vers le bureau en question. Une fois devant, j’entre, fais comme chez moi et referme derrière avant de m’avancer vers lui la main tendue. Une bonne poignée de main, ferme et autoritaire avant de prendre place dans l’un de ces fauteuils.

Parle-moi de ta voiture Levin !! Ensuite on abordera la signature des documents demandés.

Je n’ai pas le temps de tourner autour du pot et lui non plus. Il me faut savoir pourquoi et par qui pour m’assurer que rien ne va me retomber dessus quand j’aurais le dos tourné. Les documents peuvent attendre un peu, ce n’est que l’ouverture d’un compte en suisse au nom de ma fille Alicia, question qu’une partie de mon patrimoine soit sécurisé au cas où il m’arriverait quelque chose. Dans les faits il s’agit du troisième compte ouvert à son nom, mais le premier dans un paradis fiscal, à l’abri non seulement de l’impôt, mais des regards indiscrets. Il y en a un au nom de ma femme, dans la même banque pour les < au cas où > encore une fois. Tssss, pas pour son bien être à elle, je me fous de savoir si elle survivra le jour ou la grande faucheuse viendra me chercher ou pas. Non, je sécurise son avenir pour notre fille et seulement pour notre fille. Oh, voyons voir également si le dossier de l’un de mes soldats avance.  Le con s’est fait pincer pour alcool au volant.

Je ne suis pas en vie aujourd’hui pour mes beaux yeux. La prudence et la méfiance est de mise dans toutes les sphères de ma vie, les amitiés y compris et poser cette question était nécessaire. Je ne m’attendais pas à cette réponse et je ne peux pas retenir un sourire amusé de prendre mes lèvres d’assaut.

Tu as toujours été trop mou avec les femmes de ta vie.

Des mots froids pour une réalité tout aussi dure. Je ne prends pas de gants blancs avec lui, pas besoin.

« Café ? »

Tu es le seul à m’offrir un café digne de ce nom, je ne peux donc pas refuser. Merci !

Il est déjà debout, bien, faire trainer les choses me pue au nez.

Ma priorité est et sera toujours Alice. D’ailleurs elle se demande quand tu vas lui ramener de ces petits bonbons acidulés que toi seul as le don de dénicher.

Je ne mêle que rarement plaisir et boulot et je ne regrette pas de l’avoir fait avec Levin. Il est mon avocat, certes, et alors ? S’il sait ce que je fis dans la vie, les meurtres, la drogue, les armes, la prostitution et j’en passe, il n’est pas celui que je viens voir pour ces choses habituellement. Puis, secret professionnel, non ? Parler est encore plus dissuasif quand votre vis-à-vis sait que de lui mettre une balle entre les deux d’eux ne me fera pas de cauchemars.

Tu as mis Anna comme gestionnaire de ce compte comme demandé ?

Anna ? Oui, je parle bien ici de la femme de mon bras droit, Anna Gallo. Elle et moi on était ami avant qu’elle épouse Lorenzo et je lui fais confiance assez pour mettre la vie de ma fille entre ces mains.

Tu sais que j’ai reçu une offre de mariage pour elle ? Et merci pour le café.

Cela fait un petit moment déjà que le café a été déposé devant moi, mais j’étais trop occupé à discuter pour le remercier de la bonne façon. Maintenant que le sujet < Alice > a été abordée et qu’il bat son plein, j’en profite pour faire preuve de civilité. Je laisse ensuite un petit sourire en coin se dessiner sur mes lèvres, sourire qui en dit long sur le résultat de cette demande en mariage. Il peut facilement imaginer le corps de l’homme carbonisé… un accident de la route est si vite arrivé. Non, mais, je ne vais pas promettre la main de ma fille à un mec qui a 33 ans de plus qu’elle putain. Ce con a donc eu ce qu’il mérite.

Tu sais que si tu as besoin d’aide pour faire entrer cette femme dans les rangs que tu n’as qu’à demander hum ? Je ne connais pas les détails, mais ça se sera vite fait bien fait.

Je me doute que sa réponse sera négative, mais bon, offrir ne coute rien. Un refus va s’avérer un peu décevant, mais je vais m’en remettre.

Tu veux en parler ?

Côté femme, je ne suis pas celui qui offre les meilleurs conseils, mais écouter me donne des armes pour les au cas où, sans ajouter que Levin est un copain. J’ai un cœur aussi même si, la plupart du temps, il reste bien caché.

« Le paquet-cadeau sur le bureau… »

Je tends la main pour prendre le paquet, puis le document se trouvant tout près. Je devrais y jeter un coup d’œil maintenant, se serait plus sage, mais je ne e fais pas. Au lieu de cela je le laisse me poser la question qui tue sans sourciller, celle qu’il ne devait pas poser et qu’il pose néanmoins. Je n’ai pas l’habitude d’expliquer mes choix et je ne devrais pas avoir cette envie de le faire non plus. Pourquoi vouloir satisfaire sa curiosité, je me le demande. Il n’a pas besoin de connaitre les détails et voilà pourquoi je change de sujet. Je parle de l’offre de mariage de ma fille, puis lui offre mon aide pour la voiture tout en laissant sa question virevolter dans mon esprit afin de pouvoir y répondre à un moment plus propice. JE le laisse parler, m’expliquer certains faits et je comprends.

Compris, je reste en dehors de toute cette histoire même si une petite visite de ma part réglait vite ton problème.

Je dis cela avec un grand sourire sur les lèvres bien sûr. Je le sais droit et intègre dans ce genre de situation, mais offrir ne fais pas de mal. Puis il sait fort bien que je ne le lui aurais pas offert de soudoyer qui que ce soit si je le savais prêt à accepter de toute façon. Pourquoi ? Parce qu’il s’occupe des papiers légaux et que de jouer à tripoter ces fesses en soudoyant ceux qui le font chier le fera entrer dans l’ombre plus qu’il ne l’est déjà. Ni lui ni moi ne souhaitons le voir prendre ce chemin. J’ai besoin de lui là où il est, point barre. Cela ne m’empêche pas d’aimer regarder ces réactions à chaque fois que j’offre. Si seulement la conversation en était restée une de futilité. Plus il parle et plus je hausse un sourcil. Si le nom de Kyrillo Hubenko me parle ? Elle a failli se faire buter ? Oh putain, mais oui…

« Si tu le peux, fais en sorte de le mettre financièrement à genoux. »

Je suis l’un des dangereux qu’il côtoie Levin.

Suis-je en ce moment même positionner entre l’arbre et l’écorce ?

Sans entrer dans les détails afin de ne pas faire tomber plus profondément que tu ne l’es déjà, sache que je vais m’occuper personnellement de ce type.

Maintenant ? Bientôt ? Dans un avenir plus ou moins lointain ? Il n’a pas besoin de connaitre ce genre de détail. Moins il en sait et mieux nous nus en porterons tous les deux.

Tu te souviens de cette question poser un peu plus tôt ? Celle à laquelle je n’ai pas répondu ? Bien… En nommant Anna comme gestionnaire, je m’assure que ma fille ne manquera de rien. Toi et moi nous nous ressemblons sur un point. Nous donnerions notre vie pour la femme que nous aimons. La mienne se nomme Alice. Tu es prêt à demander mon aide pour l'aider... Je suis prêt a beaucoup plus en ce qui concerne Alice.

Je me fous peut-être le doigt dans l’œil en avouant ce point, mais tant pis.

Alice ne sera jamais en sécurité si je la laisse sous la garde de ma famille. Elle va se faire bouffer tout rond par une bande de requins affamée de pouvoir et de richesse. Anna a été ma gardienne étant gamine et je lui voue une confiance aveugle. Je ne devrais peut-être pas, mais c’est ainsi. Je m’assure non seulement qu’Alice restera en vie, mais qu’elle sera aimée, protégée et qu’elle grandira entourer de gens qui ont son bonheur à cœur. Je ne lui donne pas de pouvoir, je m’assure qu’Alice sera entre bonnes mains si je meurs… jeune.

Sa mère dans tout cela ? Si je meurs et qu’elle survie, elle aura elle aussi besoin des conseils d’Anna pour survivre.

Pour revenir à Kyrillo… Je veux rencontrer sa nièce. C’est la seule et unique condition pour que je te, vous, tendre la main. Je veux discuter avec elle, ni plus ni moins.

L’histoire d’Odessa est connue de la Cosa. Les ennemis de nos ennemis ne deviennent-ils pas nos amis ? Je ne veux pas aller jusque-là, mais faire le point serait avantageux pour tout le monde. Enfin, il se serait avantageux pour elle et pour moi, les autres on s’en fout. Si je ne cherche pas querelle avec la Bravta, Ce petit con de Kyrillo me doit un paquet de fric et je n’aime pas les gens qui poignarde dans le dos.

Savoir négocier est important. Certains appellent cela à imposer, mais dans mon dictionnaire personnel les deux mots n’ont vraiment pas la même signification. Négocier signifie que chaque personne tente de tire la couverture de son côté, et ce, en évitant de donner pus qu’il ne le faut alors qu’imposer signifie que l’on dicte sans se soucier de savoir si la personne est d’accord ou pas. En ce moment je négocie ça oui, même avec les amis on peut négocier. Surtout avec les amis… Vous me voyez vous tenter de négocier avec un traitre ? Oui, bon, monsieur X… tu as été très méchant et en échange de ma clémence tu peux m’offrir quoi hum ? Ouais, bon, j’ai déjà fait ce genre d’offre par le passé et je vais le faire de nombreuses fois dans le futur. Toutefois… disons qu’une fois le traitre mort, ma part de l’accord devient caduque. Je n’ai qu’une parole et il devrait déjà le savoir. Pour ajouter ce détail ? Parce qu’il vient de me demander d’attendre et de ne pas l’impliquer directement. Suis-je à ce point nombriliste pour qu’il s’oblige à me demander ce genre de chose ?

La vengeance est un plat qui se mange froid Levin.

Mon corps se penche un peu vers lui pour donner plus de poids à mes mots.

À moins que tu ne sois sur le point de m’annoncer que notre amitié se termine ici et maintenant, je crois que nos routes se recroiseront bientôt non ? Je vais attendre ton feu vert pour avancer mes pions, mais rien ne m’empêche de les placer à des endroits stratégiques entre temps. Jouer mon joker trop rapidement me fera perdre la partie et… je n’aime pas perdre. Pour ce qui est de savoir si j’ai confiance en toi ou pas…

Je me lève, me dirige vers mon coffre-fort et l’ouvre d’un doigté habile. En silence, j’en retire un document d’environ 200 pages, plus ou moins. Une fois le coffre refermé, je reviens vers lui et lui tends le document. Quand sa main se pose sur celui-ci, je me permets de ne pas relâcher mon fardeau, mais au lieu, j’ouvre la bouche afin de lui expliquer ce que c’est, d’un et de deux, ce que j’attends de lui.

Ce document est la meilleure assurance vie que ma fille peut avoir. Il y a, là-dedans, de quoi faire tomber les têtes pensantes de ma famille. Père… frères… oncles… Si je meurs avant que ma fille soit apte à se débrouiller seule, tu as ma permission de donner tout cela au FBI ou même à Interpol. Il y a là des photos compromettantes, des contrats signés avec quelques ennemis de la Cosa, des livres comptables secrets et ainsi de suite. De cette façon, si les autorités ne font rien, le reste de la Cosa fera le ménage sans poser de question. Ce qui en résultera ensuite m’est bien égal. Alice est tout ce qui compte.

Je lâche le document pour aller reprendre ma place. Il peut penser de ce qu’il veut, il peut me traiter de traitre à ma famille ou autre de ce genre parce qu’en réalité, je ne suis pas et ne serai jamais un

Voilà à quel point je te fais confiance Levin. Vas-tu me dire que je ne devrais pas ?

Comme il l’a plus ou moins insinué avec Anna ?

Tu peux mettre au point ta stratégie de compte bancaire avec ce contrat d’assurance vie, c’est une bonne idée. Lorenzo va venir chercher les documents et il te les rapportera signer. Cela étant réglé que dirais-tu d’un BBQ le week end prochain ?

Quoi ? Moi aussi je prends des journées de congé, je ne suis pas un robot. Puis quoi de mieux qu’un BBQ en famille pour faire le vide hum ? Chuuut, je sais que même en congé ma tête n’arrête pas de travailler, mais au moins je peux prétendre.

« Mateo, tu es mon seul ami en ce monde. »

J’en suis flatté, non, pour de vrai. Levin ne lance pas le mot à tout vent comme on lance les graines de gazon pour qu’il soit plus vert au printemps. Je n’ai, moi non plus, pas beaucoup d’amis, je peux donc très bien comprendre la valeur qu’il me donne. J’écoute tout de même la suite avec précision et me félicite de lui avoir confié un document aussi important. Déjà que les vautours vont bientôt venir tourner autour de ma tête, s’il fallait que quelqu’un de mal intentionné tombe sur ces informations, moi et ma descendance finirons six pieds sous terre. Lorenzo et la sienne aussi, puis tous ceux qui me gravitent autour de très près. On va éviter. Ami… L’invité à un BBQ me semble donc de mise et je ne me gêne pas pour le faire. Il ne risque pas de se faire photographier avec moi de cette façon, sa limite donc la possibilité d’être fiché. Pas impossible, mais plus difficile.

Vendu !

Je parle des chocolats ici hein parce que, qui peut dire non à une telle offre ? Puis les friandises d’Alice, ça vaut de l’or. Je le regarde ensuite un court moment, avec intensité.

Ne me poignarde pas dans le dos.

Dernier mot, dernière parole avant de lui faire une accolade, geste typiquement italien.

Ce fut un plaisir.

Je me dirige vers la porte et ne me retourne pas, pas besoin. Ce qui devait être dit a été dit et je ne crains pas de finir avec une balle entre les omoplates non plus. Je me suis assez attardé, il a d’autres clients à voir et moi aussi. Enfin, client, faut le dire vite. J’ai un homme à torturer, une réunion avec Lorenzo et une montagne de paperasses à lire et à signer.

Oh et si tu as besoin d’un bon deal sur une voiture neuve j’ai des contacts.

J’éclate de rire tout en me disant qu’il peut me traiter d’enfoiré si ça lui chante, je peux le prendre sans problème dans ce contexte parce que, avec franchise, c’était plutôt bas comme coup. Je regarde ensuite si des inconnus attendent dans la salle d’attente, puis poursuis mon chemin toujours en rigolant. Un petit texte pour dire que je suis en route pour l’entrepôt. Je m’aperçois par le fait même que l’une de nos cargaisons est arrivée à bon port et qu’une deuxième a quitté le quai de train sans encombre. Bien, très bien.