Zakia Leblanc

Zakia signifie pure, ce que je ne suis plus. Mon prénom a été choisi par ma sœur ainée et d’après elle, je le porte à merveille. Si elle savait… être la dernière fille à naitre dans une fratrie de 7 est plus facile que l’on peut le penser.  Elles ont ouvert tous les chemins avant moi.  L’alcool? Mais oui… L’université? Bien sûr… Les garçons? Pas avant 16 ans… Le problème est que je ne bois pas, ne fume pas, ne jure pas et que je ne flirte pas. J’ai fait toutes mes études cachées à la bibliothèque, loin des regards, à m’abreuver de connaissance au lieu de vivre ma vie.  Leurs mots, pas les miens puisque de mon point de vue, être un rat de bibliothèque ce n’est pas un défaut en soi.

J’ai terminé mes études secondaires à 15 ans avec une moyenne quasi parfaite. Mes parents me trouvaient trop jeune à l’époque pour aller à l’université, mais deux de mes sœurs se sont armées de haches et de machettes pour moi et elles ont réussi à les convaincre de me laisser suivre des cours en ligne.  C’était mieux que rien non? Pendant trois ans j’ai accumulé les cours, les premières de classe et j’ai obtenu mon premier diplôme en langues. À 18 ans, quand j’ai eu le feu vert pour aller en cours, physiquement parlant, c’était pour débuter mon deuxième diplôme, soit des études en lettres.  Mon but? Graduer afin d’obtenir un poste comme traduction de roman, un emploi que j’espérais pouvoir faire de la maison, loin des regards.  

Ma première année à San Diego s’est déroulée comme dans un rêve. La deuxième?  Je regrette d’avoir choisi un cours de criminalité comme cours optionnel.  Je croyais avoir à lire et comprendre des lois, rien d’autre… je me suis mis un doigt dans l’œil et profondément.  Le premier travail du cours était de faire le portrait d’un tueur. Oui, mesdames et monsieur, oui, nous devions, avec les indices à notre disposition, faire deviner a quoi pouvait ressembler le tueur. J’ai pris le travail comme un puzzle de 1000 morceaux à laquelle il manquait la majorité des pièces.  Mauvaise idée… Non seulement le portrait physique que j’en ai fait était juste, mais le portrait psychologique aussi. Comment j’ai fait? Aucune idée pour être franche et je ne veux pas le savoir non plus. J’ai toujours été bonne dans les puzzles.

Quelques mois après avoir remis le travail deux hommes sont venus cogner à la porte de ma petite chambre, dans le dortoir universitaire.  L'un de ces hommes ressemblait à Hulk, mais sans le vert alors que l’autre était mon professeur de crimino. Ils voulaient me parler, en privé, loin de ma chambre, dans l’un des bureaux du FBI. Inutile de vous dire que je me suis littéralement évanouie, sans jeu de mots, pour me réveiller allonger sur le canapé d’un bureau.  Dans la pièce il y avait Hulk, le professeur, deux autres hommes te une femme aux cheveux coupés si court que, enfin, je ne dois pas juger pardon.  L’un des hommes m’a expliqué que j’avais du potentiel pour devenir une profileuse et j’ai décroché. Une quoi?  Ils ont essayé de me convaincre en m’offrant un salaire hors norme, en me promettant des choses incroyables et en m’offrant pratiquement la lune.  J’exagère un peu bien sûr, mais je ne suis tout de même pas loin de la réalité.  J’ai dit non. Pourquoi je voudrais voir des photos de cadavre à longueur de journée? Les puzzles c’est joli, mais quand les images représentent des licornes, pas des tueurs en séries. Ils ont fait quoi? Au lieu de me laisser filer, ils m’ont offert un emploi comme traductrice. Je ne suis pas stupide, je sais que cet emploi m’a été offert dans le but de me convaincre de devenir profileuse, mais je ne vais pas céder. Enfin, pour le moment je me contente de leur offrir mes connaissances en langue, six pour être plus précise. Je parle l'anglais, bien sur, mais également le russe, le francais, le portugais, l'espagnol et l'arabe. Je me débrouille bien en créole, en mandarin et en vietnamien, merci Lee.

Cela fait deux ans maintenant que j’écoute des enregistrements audios, que je traduis, que je grave les voix dans ma tête. Deux ans avant que ne tombe leur nouvelle idée.  Je dois aller faire du terrain. MOI FAIRE DU TERRAIN? Ils veulent mettre un visage sur les voix et qui de mieux pour le faire que la fille qui traduit? MOI FAIRE DU TERRAIN?  On m’a suggéré de refaire ma garde-robe.  Elle a quoi ma garde-robe?  Je dois aller dans les bars et flirter, parler a plus de monde possible, surtout les hommes.  GENRE QUOI?

Entre le boulot et mes études, je ne sais pas comment je vais faire pour parvenir à leur prouver que je ne peux pas être une agente de terrain. J’aime les livres, l’odeur d’une bibliothèque, le silence et la sérénité que j’y trouve. Je fais quoi si mon cœur s’ouvre à l’un de ces mecs? N’ai-je pas déjà assez souffert de ce côté?  J’avais 19 ans la première et a seule fois qu’un homme à partager mon intimité. Il me sortait des jolis mots, m’offrait des fleurs, des chocolats, me tenait compagnie lors des fins de session, refusait de sortir avec ces copains les soirs de match quand j’étais sur le point de craquer sous la pression. Je croyais qu’il était le bon… L’HOMME.  Je lui ai donné ce que j’avais de plus précieux et le lendemain? J’ai vu une autre femme à son bras. Plus d’appels, plus de fleurs et plus de jolis mots.