Visite au musée (Charlira)

--Outfit-- Mais qu'est ce qui m'est passé par la tête? Vraiment? Venir seule au musée? Et dans cette tenue? Je me sens presque nue, face à cet employé qui m'explique tout le plus gentiment du monde et qui semble bien gêné, mais sans possibilité de résoudre mon problème. Prendre la décision de sortir, ça c'était une bonne chose... je ne le remets pas en question. Mais ma déception est immense. J'ai demandé à Ty d'assurer sans moi à la clinique et j'ai réservé, selon les règles... pour me retrouver sans audio-guide. Je n'ai pas envie de seulement vivoter dans les allées, sans réellement plonger au coeur du sujet, ce serait trop bête. Pas alors que je ne prendrais sans doute jamais le temps de revenir.

J'ai l'air triste, si j'en crois la mine affligée de l'employé et je prends un grosse inspiration, pour essayer de plaider ma cause une dernière fois, me faisant violence. Tant pour insister que pour ne pas me mettre à pleurer. J'ai une émotivité qui frôle des sommets et le départ soudain de Farouk ne m'a pas du tout aidé, à avoir confiance en moi, au contraire. Je me faisais discrète, maintenant je fais en sorte d'être insignifiante. En tout cas quand les hommes de ma vie me laisse faire. Sans eux... je ne sais pas comment j'aurais dépassé tout ça. L'amitié c'est clairement une valeur primordiale et je peux m'estimer heureuse de les avoir. L'employé réitère ses excuses et je pousse un petit soupir de dépit avant de sursauter en entendant une voix toute proche. Un jeune homme, au sourire doux, qui me désigne une oreillette et son audioguide et propose de partager. Je rougis jusqu'à la racine des cheveux en me mordillant la lèvre inférieure avant de me lancer dans quelques balbutiements dont j'ai le secret quand je suis intimidée. -"Je suis désolée de merci." Alors non, ça Charlie ça ne veut strictement rien dire du tout. Je secoue la tête, agitant la natte que j'ai pris soin de faire de mes cheveux et je recommence. -"Pardon... je ne veux pas vous déranger. Je suis désolée de vous avoir fait attendre. C'est très gentil... gentil... merci." Je décline ou j'accepte là ? Parce que c'est pas non plus super clair je crois. Je pousse un lourd soupir et finalement un petit sourire fait sa place sur mes traits, venant m'illuminer. -"Je.. si ça ne vous dérange pas ce serait avec plaisir. C'est vraiment gentil." Mon dieu une phrase entière et dans l'ordre? Je viens d'être touchée par la grâce? En tout cas ça me permet de retrouver graduellement une couleur normale. -"Moi c'est Charlie." Qu'est ce qui m'a poussé à dire oui ? La petite voix de Liam dans ma tête, me disant qu'il est temps que je profite de la vie et que j'arrête de me terrer? Peut être... mais il y'a aussi une aura de calme qui émane de ce garçon, qui... me met en confiance. Alerte rouge je recommence avec ma naïveté, mon dieu, je suis tellement pas sortie du sable.

Akira... c'est joli. Je souris alors qu'il relance la conversation, sur le thème de l'exposition. C'est un sujet suffisamment neutre pour que je parvienne à m'apaiser un peu. Je devrais être capable d'aligner sujet, verbe et complètement sans que ça devienne un capharnaüm de mots sans suite logique. -"J'aime l'art en général et cette exposition est terriblement prometteuse." Il y'a là une partie des collections européenne et je crois que ça me fait un peu vibrer à imaginer. C'est une façon d'être, à la maison... Parce que la France ne cessera jamais d'être mon pays de coeur.

Liam se moque souvent de ce qu'il appelle "mon accent français". J'ai passé la moitié de ma vie en terre californienne, mais il y a quelque chose qui refuse de quitter ma voix. Sans doute parce que cette terre on me l'a arrachée, alors que je n'en avais nulle envie. Venir en Californie pour les vacances, dans la famille de mon père, j'adorais ça, mais je ne me voyais pas du tout y vivre. Le pays basque me manque, encore aujourd'hui. Peut être même encore plus depuis que Farouk est parti.

Il me tend son bras et je me mordille furieusement la lèvre inférieure en plongeant dans son regard, me sentant rougir sans être capable de me contenir. Il se montre juste prévenant, m'offrant le bras simplement pour que l'audioguide nous facilite la vie alors je papillonne des yeux une seconde avant d'y glisser le mien. -"Merci beaucoup Akira." Je calque naturellement le pas sur le sien, prenant le chemin de l'accès à la première salle. -"Vous avez une affection spéciale pour la renaissance?" Je place quelques mots avant que l'explicatif ne démarre. C'est étonnant ce pas de deux, avec un inconnu. Je ne suis pas vraiment une habituée de la proximité physique, loin de là, encore moins avec un inconnu fort séduisant. Ceci dit pour l'instant j'arrive à ne pas bafouiller. On s'arrête devant la première oeuvre de cette exposition et les explications débutent. J'écoute attentivement, penchant la tête sur le côté, ma mémoire se mettant au travail. J'ai une faculté de mémorisation qui peut s'avérer presque angoissante quand on fait le point, mais ça il n'a pas besoin de le savoir. Il s'en rendra juste probablement compte si on échange à l'issue de l'expo. Je peux retenir les infos, les tournures de phrase et même ce ton légèrement robotique. -"C'est vraiment gentil, de partager ton audioguide." Je viens d'oser le tutoiement? Oui... Mais l'anglais de toute manière c'est une sorte de tutoiement permanent, et je ne peux pas toujours compliquer mes tournures de phrases. Eviter d'avoir l'air ampoulée, sortant d'un autre âge, c'est pas si mal, non ? -"J'ai vu une exposition sur ce thème, il y'a longtemps, dans l'espace temporaire du Louvre, c'était magnifique, alors j'espère que ce serait tout aussi chouette cette fois." L'ambiance renaissance, c'est toujours assez étonnant, je trouve. Quelque chose de romantique, d'un peu mélancolique, à moins que ce soit mon mood qui influence mes impressions?

Je hoche la tête, complètement d'accord avec lui. La renaissance est une période qui a complètement rebattu les cartes de l'art en Europe. L'ambiance renaissance, c'est toujours assez étonnant, je trouve. Quelque chose de romantique, d'un peu mélancolique, à moins que ce ne soit mon état d'esprit qui influence mes impressions ? Les couleurs chaudes et les jeux d'ombre et de lumière dans les tableaux créent une atmosphère envoûtante. On dirait presque que chaque pinceau chargé de pigment raconte une histoire secrète, empreinte de mystère.

Dans cette salle, alors que l'audioguide démarre, je suis fascinée par le portrait d'une jeune femme élégante. Son visage éclairé d'une lueur douce semble presque prendre vie. Ses yeux, d'un bleu profond, me captivent et je peux presque ressentir son regard bienveillant me parcourir. Je me demande qui elle était et quelle était sa place dans cette société de la Renaissance ? Était elle une muse inspirante pour l'artiste, ou bien était elle une artiste elle-même, cachée derrière les limites imposées par son époque ?

Les œuvres de la Renaissance représentent souvent des scènes bibliques et mythologiques, où les personnages sont dotés d'une beauté idéalisée. Mais au-delà de leur aspect esthétique, ces tableaux reflètent également des idées et des valeurs propres à cette époque. L'importance accordée à la religion, la quête de connaissances et le renouveau culturel sont autant de thèmes qui résonnent encore aujourd'hui.

En tant que jeune femme, je ressens une affinité particulière avec les figures féminines représentées dans ces œuvres. Elles sont souvent dépeintes comme des symboles de pureté, de grâce et de vertu. Leur présence délicate et leur expression sereine m'inspirent à embrasser ma propre féminité et à cultiver mes qualités intérieures, ma propre douceur peur être? -"Je crois que si on veut prendre son temps, l'idéal est d'avoir la chance d'y venir plusieurs jours en effet." Ne pas se presser, se perdre dans la contemplation. -"Tôt le matin, ou avant la fermeture, pour avoir cette délicieuse impression d'être presque seuls au monde." Je rougis légèrement et nous continuons.

Akira, avec qui je partage cette visite, semble également captivé par l'art de la Renaissance, j'aime l'entendre se fasciner. Je suis reconnaissante de sa compagnie, de sa courtoisie et de sa passion pour l'art. Nous nous promenons d'une salle à l'autre et je le sens se figer quand il découvre l'oeuvre, majeure à ses yeux. L'art crée un lien entre nous, transcendant les barrières. Malgré mes années passées aux États-Unis, il y a quelque chose dans l'art européen de la Renaissance qui continue à éveiller en moi un sentiment profond d'appartenance.

Alors que nous avançons dans l'exposition, je réalise à quel point la Renaissance a été une période d'innovation et de transformation artistique. Les artistes de cette époque ont repoussé les limites de la créativité, explorant de nouvelles techniques, découvrant la perspective, la profondeur et la composition. Leurs œuvres sont un témoignage éternel de leur génie et de leur vision avant-gardiste.

En contemplant une part de ces chefs-d'œuvre, je me sens transportée dans un autre temps et un autre lieu. C'est comme si je pouvais toucher du doigt l'essence de cette époque, ressentir l'énergie créative qui a animé les artistes. Et dans mon cœur, la France reste toujours présente, un lien indéfectible avec mes racines et mon amour pour l'art. C'est un héritage culturel qui m'inspire et me fait du bien je crois. Le voir ainsi perdu dans sa contemplation, presque révérencieux, je trouve ça charmant. -"Aucunement, au contraire, c'est vraiment une oeuvre magnifique." Je m'installe à côté de lui, pour me perdre dans la beauté que j'admire. La grâce de cette jeune femme émergée des flots azurés. Ses cheveux flottent légèrement dans l'air, son visage rayonnant d'une beauté divine. Je ressens une vague d'émotions m'envahir, un mélange de fascination et d'admiration. Son corps parfaitement proportionné semble sculpté par les mains des dieux. Les couleurs délicates et harmonieuses, les douces nuances de rose et de bleu, créent une atmosphère de sérénité. Les pétales de fleurs qui dansent autour d'elle sont comme une caresse de la nature, ajoutant une touche de poésie à cette scène envoûtante. Un sentiment de paix et d'émerveillement m'envahit. Je suis reconnaissante d'avoir la chance de contempler cette œuvre d'art qui a traversé les siècles pour toucher mon âme. -"Délicatement troublante, n'est-ce pas ?", je murmure d'une voix douce, cherchant à retranscrire la profondeur de mes sentiments. -"Cette œuvre, a le pouvoir de nous transporter dans un monde de beauté et de grâce. La manière dont la déesse émerge des flots, sa peau délicate et son regard serein... C'est magnifique."

Je prends une pause, cherchant à exprimer davantage ce que je ressens, étrangement assez à l'aise pour le faire. -"C'est comme si la peinture capturait l'essence de la féminité, de la pureté et de la puissance. Créant une aura de paix et d'émerveillement." Je me tais en réalisant que je ne parle pas du tout de technique ou de connaissances quelconque mais bien de mon ressenti face à tant de beauté. Alors je me sens tout à coup très intimidée et je rougis tout en me mordillant l'intérieur de la joue.

Je souris et j'acquiesce en rosissant délicatement quand il me dit de prendre son numéro si j'ai cette chance un jour. Une façon délicieuse de dire qu'il passe un bon moment en ma compagnie, non ? En tout cas c'est ainsi que je le perçois, dans toute ma timidité. Alors que je plonge mon regard dans la beauté captivante de la Naissance de Vénus, une douce mélodie s'éveille en moi. Les courbes gracieuses de Vénus se fondent harmonieusement avec les battements de mon cœur, créant une symphonie visuelle et émotionnelle qui me transporte dans un monde où l'art et l'amour se rencontrent. Je ne sais pas trop ce qui se produit, mais moi si taiseuse et timide je me montre presque lyrique dans ma description de cette œuvre. Quand je me tais c'est sa voix qui résonne doucement et je me mord encore plus fiévreusement l'intérieur de la joue. Lire dans ses pensées? Serait il possible que ces émotions bouleversantes il les ressente lui aussi ?

Il se penche, pour me parler à l'oreille et le parfum d'Akira m'environne, alors qu'il me confie qu'il associe le mien à la beauté de cette toile. Une onde de chaleur se propage dans tout mon être. C'est comme si ses mots délicats faisaient vibrer une corde sensible en moi, réveillant des émotions enfouies depuis longtemps. Je me sens étrangement en sécurité, en confiance, comme si je pouvais enfin me laisser aller à exprimer mes pensées les plus intimes. C'est fou... Mais d'imaginer que mon parfum puisse s'associer à l'un des plus beaux symboles de ce qu'est pour moi la féminité? Je crois que ça fait souffler un petit vent de folie, ou tout au moins d'intempérance. Mesurée forcément, il s'agit de moi...

Ses paroles douces et empreintes de poésie résonnent en moi. Je sens son souffle chaud caresser ma peau, et le parfum subtil qui émane de lui enveloppe mes sens, créant un univers olfactif où l'art se mêle en effet à sa présence. Mes joues rosissent, comme une timide fleur éclosant sous les premiers rayons du soleil. Je me sens légère, comme si je flottais au-dessus du sol, portée par cette complicité naissante entre nous. C'est une sensation nouvelle, que je peine à analyser.

Le silence enveloppe notre petit coin de paradis, mais il est rempli de compréhension mutuelle et de cette connexion profonde qui se tisse entre nous. Je suis émerveillée par la manière dont Akira écoute, comment il saisit l'essence de mes paroles et de mes émotions sans même que je les exprime complètement. C'est comme s'il pouvait lire en moi comme dans un livre ouvert, déchiffrant les chapitres cachés de mon âme. Je me surprends à sourire, à rire même quelques secondes, sous l'influence de sa présence réconfortante. -"C'est extrêmement flatteur. Mais je ne suis qu'une femme parmi les femmes, quand elle en est l'essence même."

À travers l'art de la Renaissance, je découvre une nouvelle dimension de moi-même, une part délicate et vulnérable que je n'osais pas révéler auparavant. Akira est ce rayon de lumière qui pénètre les interstices de mon être, éclairant les zones les plus sombres et me donnant le courage de m'ouvrir davantage. C'est bizarre, sans doute, mais c'est ce qui me pousse à me resserrer contre ce bras que je tiens toujours, pour abandonner ensuite ma tête contre son épaule. Nous avons surement tout du couple pour un regard extérieur et étrangement je m'en moque. Je me sens bien et  d'une manière inattendue, cela semble faire éclore ma féminité et ma sensibilité. À travers ses yeux et ses mots, je me sens valorisée et ça suffit à me faire m'alanguir un peu contre lui.

Les salles du musée ont toujours été à mes yeux une sorte de refuge, un jardin secret où l'art avec une grâce infinie, impose une sérénité qui me fait du bien à l'âme. -"Tu as surement envie de continuer?" Ma main glisse sur son bras, pour venir se nouer à la sienne. Mes doigts s'entrelacent doucement et je pousse un petit soupir. Je crois que je suis bien là, appuyée sur lui, sans me poser la moindre question, seulement abandonnée au moment. A moins qu'au contraire on se trouve hors du temps ?

Je ne saurais dire quelle impulsion m'a poussé à nouer mes doigts aux siens, mais je me sens bien ainsi et je me contente de sourire quand il réclame juste une minute de plus. Je me perds de nouveau dans la contemplation de cette œuvre et je crois même que j'abandonne un moment ma tête sur son épaule. Cette bulle de douceur me fait du bien, je ne réfléchis pas au delà. En fait et c'est ça qui me fait un bien fou, je ne pense pas. A rien du tout... Je me laisse simplement envelopper par la beauté qui règne autour de nous.

Quand il propose de poursuivre, je ne songe même pas à récupérer ma main, j'ai aimé la douceur de cette caresse sur ma peau. Je le laisse guider nos pas, on discute et on rit. C'est une sensation que j'ai cru oublier et ça me fait du bien de la retrouver. Rire sans me soucier de demain, en profitant tout simplement de ce joli moment. Le temps se dilate, ou se comprime, je ne saurais trop dire, en tout cas il passe presque trop vite. J'ai un pincement au coeur quand on se retrouve dehors, il se tourne vers moi et je lève un petit menton vaillant pour lui dire au revoir et le remercier pour ce joli moment. Mais finalement il me surprend, d'une phrase toute douce, me demandant s'il serait convenable de m'inviter à prendre un verre.

Je rougis et mes dents trouvent immédiatement ma joue, juste au coin de mes lèvres pour la mordiller doucement avant que je ne réponde. -"J'en serais totalement ravie au contraire. C'était une expo magnifique d'autant plus en la partageant avec toi. Vraiment je te remercie encore." Sincère comme à mon habitude, sans doute quelque peu candide aussi, mais on ne se refait pas. Je souris et de ma main libre je désigne le parc près du musée. -"Je crois qu'il y'a des tables et un glacier qui vend aussi des boissons. Tout près des bassins j'aime beaucoup cet endroit." **Petite vue du lieu en question.** Je souris et fronce un peu le nez, signe chez moi d'un retour au galop de ma timidité. -"Mais si tu préfères aller ailleurs je te laisse choisir." Emettre un avis, c'est un truc à priori facile. En tout cas si j'en crois ce qu'on peut me dire, ce que je peux observer. Pour moi c'est différent. Parce que j'ai toujours peur que mon choix ne soit pas le meilleur et qu'en l'imposant à qui que ce soit, je le prive d'une meilleure option.

Mais là... je ne sais pas, ça m'est apparu évident et naturel. Comme quand je suis avec un proche. Etonnant puisqu'on ne se connait pas le moins du monde. Je crois que cette expérience partagée a malgré tout créé une sorte de pont. Parce qu'on vient de traverser ensemble des émotions très fortes, très douces aussi. Peut être que c'est pour ça que j'aime ressentir la chaleur de sa paume et la pression de ses doigts? Excellente question, mais que je ne vais pas me poser. Pour une fois je vais faire exactement ce que Liam me répète tout le temps. Je vais juste mettre mon cerveau sur pause et me contenter de profiter du moment. Je peux presque l'entendre me chuchoter à l'oreille. Laisse toi aller... vis ! Qu'est ce que tu risques Cha' ?

Parfois la vie est amusante, elle met sur notre chemin quelqu'un qu'on aurait jamais croisé dans notre cercle habituel. C'est ce qui m'arrive avec Akira. On aurait pas forcément eu l'occasion de se rencontrer au quotidien et il aura fallu de cette exposition et de la délicatesse avec laquelle il m'a proposé de l'accompagner, pour que nos orbites se croisent. Je souris quand il s'installe face à moi, presque déçue qu'il libère ma paume de la sienne.

Moi qui ne suis pas très tactile, étrangement, j'étais bien. Je le regarde relever ses cheveux, presque fascinée par la grâce de ses mouvements, autant que par l'habitudes qu'ils dénotent. Je pousse un soupir discret et un petit rire lui fait suite quand il me demande ce qu'il est convenable de boire à cette heure en compagnie d'une femme. -"Aux Etats-unis il est assez rare de se soucier de ce qui est convenable ou non." Petit froncement de nez et sourire doux. Il surenchérit pourtant en me demandant si il serait convenable de me poser des questions.

-"Avec plaisir. Je serais ravie de mieux te connaitre. Mais dans ce cas, une question pour une question." Je penche la tête en plongeant mes yeux dans les siens, attendant sa réponse. -"Ça me parait être une jolie façon de faire connaissance." Le serveur arrive et je passe ma commande. -"Je prendrais un thé glacé s'il vous plait et une gaufre au chocolat." J'exprime ma gourmandise avant de me rendre compte que ça peut être un peu inadapté alors qu'il m'a proposé de boire un verre et pas de manger. Ma lèvre inférieure est aussitôt happée par ma langue et furieusement mordillée, alors que mes doigts trouvent une boucle de mes cheveux pour l'enrouler et la dérouler, nerveusement.

J'ai toujours besoin de m'occuper les doigts. Je le laisse commander et reviens à son regard, sourire un peu tremblant aux lèvres. -"Je commence ?" Je ne me laisse pas trop de temps de réflexion et finalement je ne lui laisse pas non plus le temps de répondre. -"Quel est ton endroit préféré dans cette ville ? Et dans tous ceux que tu as visité?" Ok ça fait deux questions en une, mais on ne peut pas m'en vouloir, si ? En tout cas sans doute pas quand je lui offre mon plus joli sourire timide et mes grands yeux dévorants en version chat potté.  

Il passe sa commande à son tour et le serveur s'éloigne, pour nous préparer tout ça. Je reporte les yeux sur lui et lui souris gentiment alors qu'il se montre d'un charme et d'une douceur inhabituels. C'est étonnant de voir à quel point il peut être agréable de me tenir en compagnie d'un parfait inconnu. Moi qui suis généralement mal à l'aise en société, je me sens bien. A l'aise et presque autorisée à être moi-même. Il propose de se poser des questions pour apprendre à se connaître et j'embarque immédiatement dans l'idée. Je commence donc à lui poser des questions anodines en apparence, mais qui à mes yeux en diront beaucoup sur lui.

Je crois que les lieux qui nous plaisent ont leur importance, ils viennent définir une part de qui on est. C'est pour ça qu'une part de mon cœur sera toujours au pays basque. Pourquoi je n'y suis pas retournée, autrement qu'en vacances? Pourquoi je n'ai pas choisi de retourner m'y installer ? C'est une question complexe. Parce que j'aime ces lieux au delà des mots, mais pas au delà de ceux qui sont devenus ma vie. Mon associé et ami, Tyler. Mon meilleur ami, Liam. Ils sont ma vie et je ne me vois pas du tout les laisser derrière moi.

Recommencer une vie sans eux, ça n'aurait pas le moindre sens. Ce serait une vie dépourvue de ce qui compte le plus pour moi. Alors évidemment... j'ai bien songé à suivre Farouk au bout du monde. Mais ça... c'était un rêve. Parce que lui, manifestement, n'a jamais eu pour projet de m'avoir dans ses valises. Il me parle de sa maison, avec cette baie vitrée face à la mer et je comprends complètement l'émotion que ça traduit. L'immuabilité de la nature et en même temps toutes les nuances du changement, selon la météo, la luminosité. Ça me parle.

Son lieu préféré au monde me laisse rêveuse. Il en parle avec une telle douceur, que je peux presque imaginer ce qu'il ressent. Et puis l'idée d'un lieu familial, de ce que ça implique, ça me touche. Il me regarde et je plonge dans ses yeux en rougissant quand il me pose sa question, assorti d'un compliment sous forme de questionnement. -"Je... oh." Intimidée, j'entortille une mèche de mes cheveux à mon index, me mordille la lèvre et ose enfin répondre. -"C'est vraiment adorable." Petit froncement de nez et rire un peu gêné. -"Comment pourrais je ne pas être aimable en si bonne compagnie?" Nouveau sourire et ma voix s'étrangle légèrement pour dire -"Non je... je suis célibataire." Comment expliquer que mes espoirs ont explosé en plein vol ? Que je me croyais en train de vivre la plus belle des histoires quand il se préparait simplement à me laisser sur le bord de son chemin ? J'ai ressenti cet abandon avec une force qui m'a ébranlée au plus profond, mais qui m'a aussi permis d'avancer, je crois.

J'ai perdu un peu de l'innocence de l'adolescente que je n'avais pas cessé d'être. Et peut être qu'il fallait que j'en passe par là pour être en capacité de devenir une femme, plus accomplie, plus en mesure de vivre ma vie sans me soucier des désidératas de l'ensemble du monde. Je ne sais pas trop, j'essaie de le voir comme ça. Même quand son absence me fait mal, même quand les questions sans réponses viennent me hanter. Liam m'a été d'un grand secours. Vivre chez lui quelques jours m'a permis de ne pas sombrer, maintenant je me dis que l'avenir est devant et qu'il sera ce que j'en fait. Je veux qu'il soit doux, beau et tendre... espérons simplement que ce ne soit pas qu'un vœu pieux.