Modèle à Muse (Heavorgan)

tenue

Je suis assis dans un café de Little Italy. Ici, il est savoureux, baigné d’une douceur et d’un parfum à tomber. Pourtant, c'est un Américano, mais je crois que les gérants ont choisi des produits italiens et font des trucs Américains. A priori aucun italien de ne ferait un café aussi immense. J’ai avec moi un petit classeur avec mes photos de portrait, les inspirations et les modèles de lingerie qu’une marque de mode souhaite mettre en avant par mes soins. J’avoue que j’ai aimé la texture que peut rendre leurs sous-vêtements et que j’aime particulièrement la manière dont les matières et les formes peuvent attirer et jouer avec la lumière. Je commence à voir ce que je peux désirer faire, mais je suis bloqué par la personne qui doit enfiler ces sous-vêtements. Je n’ai eu aucun coup de cœur, aucune sensation que j’avais la bonne candidate devant moi. Je vais de fille en fille, intéressées par l’argent, par l’opportunité d’être modèle et égérie, pour bosser avec moi. Rien qui ne me permette de choisir celle avec qui je veux faire ça. Et une nouvelle jeune femme a répondu à mon annonce. Je l’attends en observant autour de moi. Je suis un peu las de ne pas arriver à trouver. Je ne veux pas simplement faire des photos de modèles de culottes, je veux impliquer une mise en scène dans laquelle toute s’assemble et crée un mélange parfait et homogène. Et je cherche.

La fille semble un peu en retard alors je bois une gorgée de mon café. Cette matinée touche doucement à sa fin et je me perds un instant dans mon observation. La lumière qui entre par les baies vitrées du café, les doux reflets de la décoration qui viennent faire une sorte de décors magistral de boutique d’apothicaire. Les gens qui font chacun leur petite vie. Ceux qui lisent. Qui parlent. Qui sont sur leurs téléphones… J’attends et avale une gorgée de café. Il me faut trouver celle qui va incarner cette image que j’ai dans la tête. Je la vois dans mon esprit mais je ne la trouve pas et je suis frustré…

--Outfit-- 10h45 a.m, je suis légèrement en retard sur mon timing, mais je hausse l'épaule avant de pousser la porte du bar pour y entrer. -"Bonjour Louis." Large sourire sur le visage, je glisse mes écouteurs dans leur boitier et je les mets dans mon sac avec mon téléphone. Je viens m'appuyer sur le coin du comptoir et souris au vieil homme qui prépare déjà mon latte pumpkin spice. J'adore Louis et j'ai pris l'habitude de venir le voir les matins où je suis libre. Comment va ma jolie voisine ? Je grimpe sur la barre sur le sol devant le comptoir, pour me hisser sur les mains et poser une bise sonore sur ses joues. -'"Toujours bien quand je suis là."

Et je crois que ça se voit, à mon sourire radieux, au pétillement de mes yeux. C'est un des rares endroits où je me sens suffisamment bien pour être naturelle et détendue, pour réussir à me libérer du poids des regards. -"Je ne commence que dans deux heures, donc je crois que je vais aussi te prendre une petite assiette de pancakes ?" Il rit, m'adresse un clin d'oeil et fait demi tour pour gagner sa toute petite cuisine. ça marche princesse. La porte battante se referme derrière lui et je m'installe sur un tabouret, nettement moins assurée maintenant, triturant ma lèvre inférieure entre mes dents, baissant le visage tout en laissant un peu mes yeux errer dans le bar. C'est foutrement intimidant quand il y a autant de monde. A force de surveiller mon environnement, mes yeux accrochent ceux d'un jeune homme et je souris timidement, avant de lui adresser un petit signe de la tête, pour le saluer. Reporter mon attention sur mon latte est un bon prétexte à ne pas aller au delà en terme d'interraction sociale, c'est assez fou comme je peux avoir du mal...

J’attends sagement dans le café, je viens de réaliser que la délicate fumée qui s’échappe de ma tasse crée des volutes hypnotiques que je déguste du regard. La lumière qui entre d’une manière feutrée et légèrement de biais crée des ombres et des perspectives délicates. Je suis presque tenté de bouger la tasse mais j’hésite, et si c’était comme toucher une bulle de savon ? Un simple effleurement et tout disparait. Je tourne délicatement la hanse de la tasse et… Non… J’étais clairement sur une bulle de savon. Je souris avant de me demander si la jeune femme va vraiment venir ou si j’ai un magnifique lapin en guise de consolation. Je réalise une certaine agitation, ça parle. Je vois une blonde les cheveux éclatants parfaitement onduler cascadants dans son dos qui parle et fait la bise au patron. Silhouette de déesse et petit ensemble en jean so sexy… Je me dis que les Bimbos ont encore de magnifiques années devant elles. Jouer la compagnie avec le patron pour des avantages, c'est assez commun. Le nombre de videurs devant des établissements de fêtes qui se font papouiller par des jolies dames… Mais je crois que je me trompais lourdement et que je n’étais pas prêt. Cet instant où elle tourne la tête et son visage prend la lumière. Je fige. Elle est parfaite.

Non pas que je parle de sa plastique idéale, je crois que n’importe qui pourrait sans aucune difficulté voir que cette femme possède un visage d’ange et un corps de diablesse, c’est sa capacité à poser son regard, à orienter intuitivement son visage vers la douce lumière, son positionnement naturel. L’espace d’un instant j’ai la sensation d’avoir la photo parfaite sous les yeux sans l’avoir demandé. Je fige et la contemple quand un mouvement devant moi me fait une sorte de désordre et de bruit de fond. C’est agité et désagréable et quand la femme blonde au bar se retourne je réalise que la retardatrice est là. Merde. Elle n’était pas du tout refaite sur les photos que j’avais vues d’elle. Les seins, le visage… Elle n’a rien de ce que je peux rechercher pour ce projet et pire encore, elle est vulgaire et prends trop l’espace. Je lui adresse mon plus beau sourire et lui dit alors.

« Mon Dieu je suis navré, votre agent ne vous a pas prévenue ? Nous avons trouvé il y a une heure et nous avons décommandé tout le monde. »

La fille semble outrée et dégoutée et je pense qu’elle est ce genre de nana qui se fait sauter par un type qui se fait passer pour son agent et qui lui transmet des infos en faisant croire qu’il est dans le milieu… Classique. Elle s’en va sans même un au revoir alors que je me lève et m’approche de la blonde qui vient de se faire servir des Pancakes. Je me place à côté d’elle alors que je me demande comment je peux présenter de manière avantageuse à une inconnue d’accepter de faire des photos en sous-vêtements pour moi ? Pourtant je sais que ce sera elle et pas une autre.

« Bonjour heu… Pardonnez-moi, je crois que vous devez être habituée à des tentatives de dragues toutes plus fleuries les unes que les autres, mais je ne cherche pas à vous draguer et si vous pouviez m’accorder un instant j’aimerais pouvoir vous offrir un café et discuter un peu ? »

Candide comme approche ? Sans doute, j’ai toujours cette sensation de « bulle de savon » et j’ai toujours peur d’en éclater la surface. Je me fais doux malgré la tension parce que je crois que je viens de trouver ce que je cherchais et je me damnerai si elle refusait de me laisser l’immortaliser par mon regard.

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