Alekseï Mikheïev "Parshivyy"

Fils de traitres à pouilleux.

La Bratva est une organisation criminelle qui s’est développée suite au fonctionnement du marché noir pendant les périodes de guerre mondiale. Lors de la guerre froide, elle a contribué à sa propre grandeur en profitant de la politique de cette époque pour croitre. Et dans ce monde d’après-guerre froide, la Bratva était plus puissante que jamais. Mes parents en faisaient partie. Ils étaient des traitres et avaient tenté dans les années 80 d’en prendre le contrôle. Or, leur tentative fut un échec cuisant et ils furent pourchassés.

Ils trouvèrent refuge chez des gens du voyage. Ces peuples sont appelés différemment en fonction des régions : Gitans, Manouches, et ceux qui viennent de l’Est sont souvent appelés Tziganes, цыгане « tsygane » en Russe. Je suis né dans cette communauté, et j’y ai grandi. Nous vivions sur les routes dans des roulottes rafistolées comme on pouvait. Je me souviens du froid. Glaçant et pénétrant qui vous habite du soir au matin. Une sensation d’être en permanence enveloppée de cette sensation. Mes parents étaient rudes et durs. Ma mère se disait reine et mon père se croyait roi. Tous deux étaient infectes avec les gens qui acceptaient leur présence mais se tenaient loin d’eux. Ils tentaient de prendre le contrôle du camp sans jamais y parvenir. Mon père buvait et ma mère n’avait aucune douceur. J’ai grandi dans ma bulle. Devenu enfant, je découvrais la dextérité de ces gens. Les musiciens, les artisans. Je me fascinais pour Youzev, un lanceur de couteau qui se produisait parfois en ville contre quelques pièces qui me montra comment lancer. Les premiers essais furent maladroits puis la pratique m’amena à considérer que je peux lancer une lame où bon me semble. Ce qui me permis parfois de ramener du petit gibier et des petits oiseaux par-ci par là. Mais vers 12 ans alors que Yassima la fille Youzev voulu par jeu me servir « d’assistante » pour mon futur métier de lanceur de couteau et que je plantais mes lames autour d’elle pendant qu’elle prenait la pose, Youzev ivre et furieux gifla sa fille avant de me passer à tabac violemment me retirant mes couteaux pour m’interdire à tout jamais d’en lancer me menaçant de me tuer s’il me voyait le faire et m’interdit de parler à sa fille de nouveau.

Je mis 35 minutes à parvenir à me relever et à marcher. Arrivé chez moi, mon père me regarda et me mit la seconde dose. Pour parachever le tout, ma mère refusa que je mange. Je me couchais perclus de douleur et le lendemain je fus malgré mon état en charge de mes corvées habituelles. Quelques jours plus tard, Yassima fut mariée et envoyée dans une autre communauté. Je ne la revis plus jamais. Je restais là, apprenant ce que quiconque voulait bien m’apprendre pour m’occuper un peu. Je m’endurcissais malgré moi et me chargeait de haine et de rancœur. Je continuais de lancer mes couteaux, mais je le faisais en secret. J’aime la sensation de calibrer le geste d’entendre partir la lame de mes doigts et la voir tracer sa route dans l’air pour entendre le petit bruit significatif quand elle se plante.

J’avais 17 ans quand il entra dans ma vie. Je savais mon temps limité car j’approchais de ma Majorité et je me disais que je pourrais sans doute trouver un autre camp et me trouver une épouse. Je pourrais faire des bricolages et je crois que j’aurais pu faire de la menuiserie. Mais alors que je revenais d’une balade en foret et que je venais de planquer les morceaux de métal que j’avais aiguisé sur des pierres longuement au bord de l’eau pour ne pas que Youzev me trouve avec, j’entendais des cris. Des roulottes brulaient et des chevaux partaient en courant. Je ne revenais pas sur mes pas, j’approchais curieux. Je crois que j’ai compris que des gens allaient crever et je voulais voir ça. Je crois que je voulais les voir morts. Je trouvais un homme grand et au regard glacial. Une allure digne et visiblement il était le chef de ces hommes en noirs et armés de Kalashnikovs. Je me ramassais un coup de crosse surprise dans le dos et me faisait trainer au sol. Le mec me regarda et me demandant si les deux personnes devant lui étaient mes parents. Je hochais la tête et il déclara que j’étais un fils de traitres. Il exécuta froidement les deux d’une balle dans la tête plaçant ensuite deux balles dans leurs cadavres au niveau du cœur pour être sûr. Je ne bronchais pas. Il donna l’ordre de tuer tout le monde et je regardais sans broncher ces gens auprès de qui j’avais grandi sans me soucier d’eux. Je regardais presque amusé de voir qu’enfin, ils avaient droit à un châtiment. Le grand mec qui était étrangement jeune s’approcha et me frappa au visage de sa chaussure me jetant au sol. Durant de longues minutes deux de ses hommes me passèrent à tabac alors que je me laissais faire. Furieux l’un d’eux tira un couteau et tenta de me planter à la tête, j’esquivais et il trancha ma joue. Je trouvais une seconde lame à sa taille et l’agrippa. Je la tirais dans un chuintement léger. La perfection de son arme manqua de me donner un orgasme. Je le tuais d’une entaille à la gorge tranchant la carotide. L’autre tira une arme et je lançais mon couteau qui perça son œil et transperça son cerveau. Il tomba raide. Le grand type me regarda, car j’étais mis en joue par son arme. Il tira près de ma tête et un éclat de roche du sol m’entailla la tempe. Je continuais de le fixer et il déclara que la prochaine ferait mouche. Puis après m’avoir longuement regardé dans les yeux il m’a déclaré que j’étais le fils de traitres mais que je ne portais pas les péchés de mes parents. Et que si je lui jurais fidélité je n’aurais jamais à me plaindre de ma situation.

Ce mec avait l’art de rendre les choses évidentes. C’était mourir ou me soumettre pour mourir plus tard. J’acceptais de le suivre. Les blessures sur ma joue et mon front ne se soignèrent pas forcément bien et je porte encore des cicatrices à ce jour. L’homme s’appelait Piotr et il était-on chef de la Bratva. Organisation dont je faisais désormais partie. On me surnomma « parshivyy » : Pouilleux. Parce que j’étais Tzygan pour eux. Au début j’étais traité en sous merde, puis en merde. Enfin à force de bien agir, on me considéra comme un homme, mais j’étais toujours le pouilleux. Je continuais de servir Piotr qui pour moi faisait figure de héros, de père, de maitre, d’idéal. Je montais en statut et auprès de Piotr on m’appelait désormais Tzygan et plus pouilleux puis un jour alors qu’une situation manqua de partir vraiment en couille je tuais trois hommes en quelques secondes pour arrêter toute tentative de sortir leurs armes. Je devins enfin Aleksei. Et Piotr compris ce jour-là que l’ombre dans son dos serait là pour lui et non pour le tuer.

Quand il quitta la Russie pour devenir le Pakhan de notre organisation aux États-Unis à San Diego, je le suivais sans hésiter. Il était marié à Svetlana. Une déesse. Cette femme est la splendeur incarnée. Reine des glaces faisant honneur à notre organisation. Je sais que Piotr est odieux avec elle, mais elle encaisse les coups, les insultes et les tromperies avec la dignité d’une impératrice. Quand j’entends parfois Piotr s’essouffler derrière la porte de leur chambre et Svetlana garder le silence, j’imagine un instant que je suis là à tenir son corps pour l’agiter contre le mien. Oui… J’aime cette femme. J’aimerais l’avoir. Mais je ne l’aurais jamais. Elle a fini par avoir un fils avec Piotr, qui désormais la touche de moins en moins.

La vie suit son cours et je ne montre rien de ce que je peux ressentir. J’ai appris à me battre au couteau et je porte en permanence deux lames. Un couteau qui peut se lancer et un Karambit qui me sert à combattre. J’ai également toujours une arme à feu histoire de palier à plusieurs éventualités en cas de combat. Nous nous implantons vite malgré quelques chiens féroces qui veulent nous tenir à distance. Svetlana est plus belle que jamais et je crois que je suffoque à chaque fois que ses yeux se posent sur moi. Mais elle est la femme de mon Pakhan, elle est la mère de notre futur Pakhan. Et je ne suis qu’une arme. Un outil. Une marionnette. Je ne suis pas très malin. Je suis juste pratique et utile et je m’efforce de le rester.

***

Cette nuit-là, un grondement de moteurs résonna si violemment que je cru qu’un motard était entré au Cosmo. Svetlana avait dansé et parfois m’avait regardé. J’ai imaginé un instant qu’elle fende la foule pour venir m’inviter à danser. Parfois, je fantasme un échange, un témoignage de son attirance et affection pour moi, mais ne vais jamais plus loin. Je suis incapable de me masturber en l’imaginant parce que c’est impossible pour moi de le faire. Je m’efforce de contrôler mes sentiments et je crois que j’y parviens. Parce qu’elle ne voit rien. Et c’est parfait. Même quand je me tape des filles, je refuse catégoriquement les blondes. Jamais de blondes.

Piotr était là et son fils aussi. Ils avaient bu et quand on annonça que des Hounds étaient sur le parking je me levais d’un bond, mais Piotr décida qu’il allait gérer qu’on allait faire japper les chiens. Nous sommes sortis en nombre. Les Hounds étaient là. L’un d’eux Wade Mc Namara en tête. Pas de Murdoch, pas de membres importants ? Pourquoi un second flingue était là ? Je ne pus réfléchir. À peine Piotr ouvrit la bouche que le mec dégaina une arme tira dans sa tête. Il ouvrit le feu et tira sur d’autres suivit par ses gars. Pris par surprise je poussais Svetlana pour qu’elle rentre au Cosmo protégée par des gars. Durant de longues minutes je tirais et utilisais ma lame. Ce soir-là, je tuais 14 Hounds. Quand les flics arrivèrent, Svetlana et d’autres avions été évacués. Nos avocats et nos gars ont pu faire en sorte d’accuser des Hounds et d’enterrer le fait que c’était des mecs qui étaient venus nous voler et que nous avions répliqués. Bref, ce fut géré. Svetlana s’effondra dans mes bras. Pas à cause de Piotr. Mais pour son fils. Il venait de tomber. Son unique lumière s’en était allée. Lors des funérailles, Svetlana était inconsolable mais je savais que ce n’était pas pour le Pakhan…

La situation était chaotique. Le conseil des Hounds et son fondateur étaient morts et ils pensaient que c’était nous. Mais leurs représailles ont tué notre Pakhan et nous voici affaiblis, car son héritier aussi vient de trouver la mort. Les regards se sont tournés vers moi et je suis incapable de mener la Bratva. Je n’ai aucune finesse. Je ne suis qu’un porte-flingue fidèle et sans scrupules. C’est ma reine qui me demanda de lui servir de bouclier. D’être la figure de proue de la Bratva et de la laisser gérer dans l’ombre sans qu’on sache qui elle était vraiment et de passer pour une figure honorifique. Mais toutes mes décisions viennent de Svetlana.

***

Alors que je la sentais plus triste que jamais je me perdais à espérer qu’un jour elle pourrait vouloir trouver du réconfort dans mes bras car peu à peu nous nous rapprochons. Et c’est là qu’il est apparu. Son amour de jeunesse. Anton Borski. Il nous connait, il sait qui est Svetlana mais je ne retrouve rien sur lui. Ils se sont enfuis quelques jours et elle est enceinte de lui. Elle va l’épouser. Il l’aime comme un damné et ce mec la fait sourire. Il la rend profondément heureuse. Et ça me va. Je ne l’ai jamais vue ainsi. J’ai peur qu’elle parte avec lui et nous abandonne, qu’elle m’abandonne. Mais je sais déjà que cette fois son enfant sera sous ma garde ainsi que l’homme qu’elle aime. Cette fois je donnerai ma vie plutôt que de lui faire perdre quoi que ce soit de précieux. Elle ne saura jamais combien je l’aime et c’est tant mieux. Elle n’a pas à le savoir. J’aime ce Type autant que je le hais parce qu’il la rend forte et heureuse. Et il ne pousse pas pour qu’elle nous quitte. Pour l’heure je m’efforce de tenir mon rôle au mieux.

Je suis Aleksei le pouilleux.