Les serpents de Méduse (Sacha)

Je travaille sur un nouveau projet depuis trois jours maintenant. Entre mes cours, mes travaux, mes sugar daddy et les tâches quotidiennes impossibles à oublier, je suis enfin assisse devant le projet. Il est un peu plus de 17 h 30, je suis fatiguée, mais puisque c’est vendredi je peux me permettre d’oublier les aléas de la vie et restaurer ce tableau. Je pourrais aller en boite ou me laisser dorloter par l’un de mes généreux amants, je pourrais, mais pas ce soir. La première fois que mes yeux se sont posés sur ce tableau, celui-ci il m’a subjugué. Je ne connais pas grand-chose dans la mythologie, ce n’est pas ma spécialité, mais ce tableau me donne tout de même des frissons de plaisir. Armée de gant blanc, de pinceaux de toutes les grosseurs et fait en différents matériaux, sans parler des produits utilisés pour nettoyer les années de saleté accumulée, je continue là où j’avais laissé le boulot pas plus tard qu’hier.

J’aimerais bien savoir ou tu es passé pour être aussi sale.

Je sais qui est l’artiste. Je sais que ce tableau a été volé durant la Deuxième Guerre mondiale et qu’il avait complètement disparu de la surface de la Terre jusqu’à il y a trois ans. Un musée de Détroit l’a acheté aux enchères à un prix exorbitant afin de l’exposer, puis la voilà. Pourquoi moi ? Notre faculté est réputée, certes, mais la principale raison est que le directeur du musée a étudié ici, à San Diego et qu’il ne fait confiance n’a aucune autre institution. J’ai hérité du projet et j’en suis fière. Une étape à la fois, je commence par la section moins détaillée, ignorant appels téléphoniques, texto et autres trucs du genre. En fait, je ne les ignore pas, disons plutôt que je ne les entends pas, c’est comme cela quand je suis concentrée. Plus rien n’existe, sauf l’œuvre d’art. Du moins détaillé au plus délicat.

Alors alors mademoiselle Méduse. Il ne te manque pas un bout de corps ? On t’a déjà proposé une petite teinture ? Tes cheveux auraient mérité une bonne mise en plis, au minimum.

Oui, la prochaine étape est la tête de Méduse plus jolie qu’elle ne le sera jamais et je profite du fait que je sois seule pour faire le clown.

Et dis-moi, jolie créature mythologique… qui est ce beau jeune homme ? Celui qui t’a fait perdre la tête hum ? Que de violence !

En parlant du beau jeune homme… Je dois le nommer comment ? Hector ? Maximus ? Gedeon ? Bordel, je blague, je sais que le jeune homme est Persée et je sais aussi qu’il y a Minerve non loin. La déesse de je ne sais plus quoi, hélas. Si je connais les œuvres produites par Jean Marc Nattier, leur valeur, plus ou moins, je ne peux malheureusement pas aller dans les détails de qui à fait quoi et quel en a été les résultats.

À Rome on fait comme les Romains non ? On baise, on mange et on tue… on asservie aussi, bien sûr, il ne faut pas l’oublier. Les deux premiers je veux bien, pour ce qui est de tuer et de soumettre on repassera… quoique… soumettre ?

Un sourire pervers se forme sur mon visage aux images qui remontent dans ma mémoire. Hammish qui me traite comme une petite catin… entre autres. Ralala, concentration bordel. Je ne sais pas quelle heure il est, combien de temps je boss sur ce tableau, ni pourquoi diable je suis encore là, mais plus je regarde le tableau et plus j’ai envie de le terminer. Il me reste plusieurs heures de boulot, mais je sens déjà une grande fierté monter en moi.

Encore une heure ou tu en as assez de te faire nettoyer le popotin ?



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Jean-Marc Nattier, Persée, assisté par Minerve, pétrifie Phinée, XVIIIe siècle, huile sur toile, 113,5 x 146 cm, musée des Beaux-Arts de Tours