Thyade 1 // Rapport et détente.

--Outfit--

Je pousse la porte du Down, le bar des Hounds, et l'odeur familière de bière, de sueur, et de cuir m'assaille instantanément. C’est une enclave de chaos, ce lieu, où les rires rauques se mêlent aux murmures menaçants, où l'adrénaline flotte dans l’air comme un parfum, un lieu dans lequel je me sens bien. Ici il n'y a pas d'enfant de choeur et finalement j'ai le sentiment que je ne dépare pas, ou pas tant. Je traverse la salle d’un pas assuré, comme un prédateur qui ne tolère aucune faiblesse. Les regards se tournent, certains curieux, d’autres méfiants. Ici, je ne suis qu’une silhouette, une ombre parmi les ombres, mais toujours prête à mordre et si j'ai gagné mon cuir, je ne fraye pas tellement avec les autres.

Wade est là, derrière le bar, il nettoie un verre d’un geste distrait, l’œil vif malgré l’apparente nonchalance. Je m’approche, glaciale, un masque de froideur bien en place. Les mots sortent, secs et piquants, tranchants comme des lames. Je ne laisse aucune chance de me voir telle que je suis vraiment, pas tant qu'il y a des yeux sur nous. -"T’es encore là à jouer les barmans ? Tu vas finir par t’encroûter, mon vieux." Personne n'a besoin de savoir que nous sommes proches, personne n'a besoin de comprendre ma proximité avec lui. C'est ainsi que je peux veiller et peut être un jour, faire la différence.

Je laisse échapper un rire et certains types autour de nous ricanent, amusés par mon ton mordant. Ou par la perspective qu'il me remette salement à ma place, je l'ignore. Je le teste, je le provoque, mais Wade sait ce que c’est, il me connaît trop bien pour se laisser ébranler par ce spectacle. Le temps passe, les verres s'alignent, les conversations s'animent, j'ai bu une bière en tout et pour tout, mais en donnant l'impression d'avoir tout le temps un verre à la main. Peu à peu, les gens se dispersent, la salle se vide, et le tumulte laisse place à un calme trompeur. Je surveille du coin de l'œil, et quand enfin, nous sommes seuls, je m’avance, laissant tomber ce masque rigide qui me protège. Mon visage se détend, mes traits s’adoucissent, et d’un mouvement fluide, je le rejoins dans son bureau pour venir m'installer sur ses cuisses, à califourchon, le regard plongeant dans le sien.

-"Mission accomplie, patron," je souffle doucement, mes doigts glissant sur sa nuque, massant les tensions accumulées. Mon ton est plus bas, plus intime, comme un murmure qu'il est le seul à entendre. Je commence à lui faire mon rapport du jour, chaque détail livré avec une précision calculée, mais mon toucher est léger, apaisant, contrastant avec la brutalité des mots que j'avais lâchés plus tôt. Je devais assurer la sécurité d'un labo de production de Halloween et c'est chose faite.

Mon pouce trace des cercles lents sur sa peau, tandis que je lui raconte mes derniers mouvements. Mes lèvres effleurent son oreille, ma voix se fait presque caressante. -"Tout est sous contrôle, de ce côté en tout cas. Et toi alors? Quoi de neuf ?" Je marque une pause, savourant cet instant de tranquillité, cet équilibre précaire entre ce que nous sommes en public et ce que nous devenons dans l'intimité. Puis, je me penche un peu plus, mes doigts s’enfonçant doucement dans ses épaules pour dénouer les tensions. -"Je veille toujours, tu le sais bien." Un sourire se dessine sur mes lèvres, un sourire réservé uniquement à lui, le seul qui ait le droit de voir cette part de moi. J'essaie de le rassurer par avance, d'esquiver tout son discours sur le fait de rejoindre Tim et de vivre heureux. Il devrait savoir que ça sert à rien, depuis le temps... mais rien n'y fait. Quoique, depuis quelques temps il est un peu distrait. C'est léger, mais perceptible, dans certains sourires alors qu'il regarde son téléphone, dans divers petits détails... Peut être qu'il va me dire pourquoi ?

Je sens ses mains se glisser sur mes fesses, m’attirant un peu plus près de lui, son soupir chaud glissant entre nous. Un frisson traverse mon corps malgré moi. Mes doigts continuent leur danse apaisante sur sa nuque, mais son geste, son insistance, me tirent un peu plus de la tranquillité que j’essayais d’instaurer. Mon corps répond instinctivement, se mouvant légèrement contre lui, la chaleur de son désir se faisant sentir à travers le tissu tendu de son pantalon. Mais son esprit, lui, est ailleurs.

Je l’écoute faire le point sur la situation, son ton pratique et détaché contraste avec l’électricité entre nos corps et je dois dire que j'adore cette capacité qu'il a de garder la tête froide, même dans l'embrasement des corps. Il est même capable de ne rien laisser paraitre dans sa voix, jusqu'à l'agonie du plaisir en tout cas... Le réseau d'informations fonctionne, les Italiens tiennent leur parole, tout semble sous contrôle et je dois avouer que je m'en satisfait. Pourtant, cette petite alarme en moi ne se tait pas. Il y a toujours cette ombre dans ses gestes, cette distraction qu’il essaie de masquer sous des paroles professionnelles. Il se veut rassurant, mais je ne suis pas vraiment dupe.

Quand son téléphone vibre, je le vois jeter un coup d’œil rapide, presque furtif. Un sourire étire brièvement ses lèvres alors qu'il envoie un message. C’est là que ça se confirme, cette foutue sensation que je ne peux pas laisser passer. Il revient vers moi, plongeant son regard dans le mien, ses mains fermes sur mes hanches, me pressant contre lui, essayant de me ramener au présent, dans ce moment. Il me pose une question simple, banale même. Tim. Il veut changer de sujet ? Non... sans doute même pas, il ne peut pas s'empêcher de s'inquiéter pour moi.

Ce petit sourire qu'il a eu en lisant ce message, ce petit écart dans son comportement, ça me met en alerte. -"Il va très bien et je l'ai régulièrement ne t'inquiète pas. Je veille sur lui, même loin et c'est sans doute ce qui le met le plus en sécurité d'ailleurs." Je force un sourire, bien loin de l’expression douce que j’avais quelques secondes auparavant, ça reste difficile d'être séparée de mon frère. Mes mains quittent sa nuque, se posant doucement sur ses épaules, mais mes mouvements sont plus lents, mes muscles tendus. Je recule légèrement, juste assez pour créer une distance, mes yeux toujours rivés aux siens. -"C'est la blondinette, c'est ça ? Elle te rend heureux ?" La question tombe, pas vraiment innocente, mais chargée de méfiance plus que d'une quelconque jalousie. Si elle est proche de lui, je dois en apprendre plus sur la jolie bimbo débarquée de nulle part. C'est clairement lui qui a fait le beau ce soir là, elle s'est pas fait prier mais bon... ça c'est habituel vu la gueule d'ange du monsieur et sa propension à inonder les petites culottes à la pelle. Mais si c'est plus que de la baise, ça m'intéresse. Enfin... pas dans le sens où ça me regarde, mais sa sécurité me regarde... pis si c'est au lit qu'elle vaut la peine ce serait con de passer à côté. Non ?

Il fronce légèrement les sourcils, sans doute surpris par ma question. Je le vois hésiter, une fraction de seconde, avant de répondre, à moins que ce soit le simple temps de réflexion ? Ce silence bref, suspendu entre nous, est à mes yeux un aveu en soi. Il finit par hausser les épaules, cherchant une réponse détachée, sans vraiment réussir à dissimuler ce petit éclat dans ses yeux.

Son sourire en coin revient, comme une défense, un masque de désinvolture. Je soutiens son regard, écoutant attentivement. Je sais qu’il se cache un peu derrière cette réponse, cherchant à minimiser, comme il le fait toujours pour tout finalement, pour éviter de se dévoiler. Il a un don pour jouer les insaisissables, pour éviter de se lier véritablement à qui que ce soit, mais j'ai perçu ce léger tressaillement quand j'ai parlé de "bonheur". Sa façade d'indifférence est bien ficelée, mais je commence à savoir lire entre ses lignes.

- "Jolie performance en effet." Je répète doucement, comme pour goûter moi même à la saveur de ses mots. Je crois que je perçois cette fragilité enfouie, ce besoin de réconfort qu’il tente si désespérément de combler, même si ça implique de s'accrocher aux illusions de confort que lui offrent ces passades sans lendemain. Et j'aime l'idée qu'il s'attache un peu plus fort... tout en détestant ne rien savoir de cette fille. Il change de sujet, m'invite à diner mais je ne suis pas du genre à lâcher aussi facilement l'os que je ronge et je ramène donc les choses sur la table.

-"Peut-être que je vais devoir m'intéresser à elle. Ta sécurité, ta stabilité, c'est tout ce qui compte et je n'aime pas les surprises." Un silence tombe entre nous, et je suis sure qu’il comprend ce que je veux dire, même s’il ne l’admettra jamais ouvertement. Je serais là pour lui, comme toujours, mais je ne peux pas le protéger si je ne connais pas la menace. J'espère ceci dit qu'il n'y en a aucune.

Quand il ouvre le tiroir pour ce saisir de son présent, je reste un instant immobile, observant la lame dans sa main, et quelque chose se resserre en moi. Cette attention qu’il a, ce souci du détail, prenant la peine de préparer cet objet avec soin en pensant à moi… Ça me touche plus que je ne l’aurais imaginé. Ses mots, sa façon de me ramener à un équilibre que je pensais difficile à retrouver, tout cela me rappelle à quel point je suis bien auprès de lui. C’est bien son genre, ça — discret, efficace, mais avec cette petite touche qui montre qu’il a pris le temps d'une attention qui résonne bien plus que de simples mots. Je lui prends, teste la prise, puis relève les yeux vers lui, la tête inclinée, mon sourire se faisant un peu taquin.

-"Qu’est-ce qui t’arrive, Wade ? Tu te ramollis ou t’es un vrai romantique ?" je lance, d’un ton amusé mais reconnaissant et je me penche pour embrasser ses lèvres doucement. -"Tu me rends sentimentale avec tes cadeaux, tu fais chier." Je me redresse, lui fait un clin d'oeil et je secoue la tête. L’idée de passer la soirée ensemble me plaît, et ça se voit dans le regard que je lui lance. Je range la lame dans mon dos, la sentant contre ma peau comme une assurance. Viens frotter mon nez au sien et mordiller ensuite la ligne de sa machoire. - "Pourquoi pas ? Mais on prend des burgers et on se pose ?"