Elizabeth Carver ∞ Lizzy la sauvage

Cette histoire ne commence pas par un couple qui s’aime. Non, elle commence par une histoire d’un soir, une passion d’une nuit. Quelque chose de fort, d’irrésistible, de presque violent. Cela se passa dans une chambre d’hôtel, dans l’anonymat le plus complet. Vous l’aurez compris, tout ce qu’Elizabeth sait de son père, c’est qu’il était brun, qu’il avait une voix grave et basse et que son charisme a séduit sa mère.

Sa mère aime lui dire que la nuit où elle était née, il y avait un terrible orage et une pluie diluvienne qui avait couvert leurs cris. Elizabeth aime l’entendre raconter cette histoire. Elle adore entendre que, même si elle n’avait pas été prévue au programme, ce fut le plus beau cadeau que la nuit lui aura offert. Il paraît qu’elle a les yeux et le charisme de son père, quant au reste, il semble qu’elle tienne tout du côté de sa famille.

Mais revenons aux jeunes années de cet enfant.
Elle était bien entourée avec sa maman et ses grands-parents. Ils étaient tendres et attentionnés envers elle. Ils ont toujours tout fait pour qu’elle se sente aimée et désirée. Alors qu’elle faisait ses premières années à l’école, elle avait rapidement pris conscience que son histoire n’était pas commune. Un jour, elle était rentrée en pleurs pour demander pourquoi elle n’avait pas de papa. Elle se souviendra toujours de la réponse de la femme qui l’a mise au monde. Elle était en larmes de la voir si triste. Elle lui avoua qu’elle avait peut-être fait une bêtise de ne pas avoir cherché à en savoir plus sur son père. Mais elle était sûre qu’il lui avait offert le plus merveilleux cadeau qu’un homme puisse offrir : elle. Et elle avait appuyé sur le bout de son nez. C’était une chose qui avait et a toujours pour habitude de faire rire Elie. Elle voyait bien sa différence avec les autres, mais après cette phrase magnifique, elle s’en fichait. Elle entendit certains de ses amis parler des disputes de ses parents ou de leur séparation, elle se sentit heureuse. Même si elle ne connaissait pas son papa, il n’y avait pas d’horrible histoire derrière et elle se sentait désirée. Elle ne se sentait aucunement coupable pour ce qui se passait.

Lorsqu’elle eut dix ans, sa maman lui présenta un homme : Greg. Elle se souvient l’avoir fixé, cherchant à savoir ce qu’elle devait penser de lui. Elle regarda le visage de sa maman illuminé. Elle semblait heureuse. Elle devait bien laisser une chance à cet homme particulier. Sa maman lui avait déjà bien souvent montré qu’on ne peut pas juger sur une apparence. Et même si elle avait vu le fauteuil roulant, elle n’y avait pas prêté attention. L’homme voulut lui expliquer qu’elle ne devait pas s’étonner si parfois, il pouvait se lever et faire une ou deux choses. Mais il n’avait pas toute la force nécessaire dans les jambes pour marcher longtemps. Elle avait haussé les épaules en disant que tout ce qui était important, c’est qu’il traite bien sa maman. Elle avait vu le regard de fierté dans les yeux de cette dernière.

Greg avait fait sa grande entrée dans leur vie. Elle avait appris à connaître l’homme et à l’apprécier. Elle avait l’impression d’être traitée comme sa fille. Ils avaient même développé une complicité. Le jeu principal avec lui, au grand désespoir de sa mère, était de traverser l’appartement à toute vitesse, soit sur ses genoux, soit en poussant sa chaise. Parfois, il prenait son ordinateur pour travailler, elle venait le voir pour réclamer un peu de son attention. Il lui arrivait alors de sortir des manettes de sa sacoche, comme s’il s’agissait d’un tour de magie, illuminant ses yeux de préadolescente. Elle l’aimait bien cet homme. Il était gentil, attentionné envers elle et sa maman. Il cuisinait bien et il la prenait comme commis. Il faisait des choses avec elle. Elle était heureuse.

L’enfant devint une adolescence. Elle découvrit les premiers émois amoureux et encore une nouvelle différence dans sa vie. Elle aimait également les filles. Dans une famille où la différence fait loi, ce fait passa comme de la crème dans des pâtes. Il n’y a rien à dire de particularités sur sa scolarité, ses notes étaient correctes. Elle n’était pas la première ni la dernière de la classe, elle était plutôt douée en sport, elle ne fit pas de grosse bêtise. Elle sécha peut-être une ou deux fois les cours, mais rien de bien plus grave. Elle s’amusait.

Lors de sa dernière année scolaire, alors qu’elle avait presque dix-huit ans, Greg et sa maman voulaient lui parler. La nouvelle n’était pas bonne. Sa mère et lui ne s’aiment plus, ils allaient se séparer. Elle voulut cependant garder contact avec cet homme qui avait participé à son éducation pendant huit ans, qui l’avait aimé, qui avait partagé des jeux avec elle. Elle a demandé si elle pouvait garder contact avec lui. Greg avait regardé sa mère pour avoir son approbation. En voyant le regard de sa fille, la femme ne put refuser cette requête. Il restait important pour elle.

Elizabeth a gardé contact avec cet homme, il l’a même conseillé pour son choix de métier. Elle voulait être dans le médical, dans l’urgence, mais ne pas être médecin, c’était trop d’études. Elle adorait conduire, elle l’avait compris en faisant le nécessaire pour avoir son permis. C’est grâce à lui qu’elle est devenue ambulancière.

Aujourd’hui, elle est une femme célibataire épanouie. Elle n’a aucune pression pour se trouver quelqu’un. Sa mère n’a pas refait sa vie depuis Greg. Lui aussi est toujours célibataire, même s’il a bien connu une ou deux histoires. Elle lui parle encore régulièrement. Et même si son grand-père n’est pas dans le meilleur de sa forme, elle a encore ses deux grands-parents.