Master and templar -Syroui-

Avant d’arriver aux Etats-Unis, j’ai dû me trouver de quoi me loger et lancer le love shop que j’ai monté à distance. Maintenant que tout cela est fait, que j’ai internet au ranch, j’ai pu contacter le grand maitre afin que je me présente à lui comme la tradition le veut. Je suis un templier français et je suis sur le sol américain. Les échanges ont été cordiaux, il sait que je suis présent mais nous avons prévu de nous rencontrer en chair et en os. On a décidé de se retrouver dans un lieu plutôt branché de San Diego. Le Lipstick dans Little Italy. J’ai pris mes renseignements, ce lieu est synonyme de fête, de glamour et d’élégance. Il me semble avoir lu que c’est un cabaret à l’esprit parisien comme le moulin rouge où les artistes vendent du rêve.

Pour ce rendez-vous j’ai décidé de mettre la classe à la française en avant, je ne veux pas me sentir supérieur à lui mais je veux me sentir classe tout de même. Voilà pourquoi après une bonne douche, j’ai enfilé un sous-vêtement confortable, je passe un pantalon noir, une chemise blanche que j’assorti avec une cravate bordeaux. Je me couvrirai d’un long manteau bleu marine pour rencontrer le grand maitre. J’ai pris ma Firebird Trans Am 1982 pour aller dans le quartier chic qui est plutôt piéton visiblement mais j’ai de la chance, le club possède un parking privé. Il est facile d’accès et assez grand, les places sont nombreuses. Le moteur est rapidement coupé, les clés retirées et la portière claquée. Je déclenche l’alarme en m’éloignant vers l’entrée. Un molosse m’annonce que le club est fermé, il est du genre montagne de muscle à sourire qu’une fois par siècle donc on oublie d’office l’humour. Je décide d’y aller franc jeu et de dire la véritable raison pour laquelle je suis là.

« J’ai rendez-vous avec le grand maître ! »

Il baisse la boule qui lui sert de tête sans nuque pour poser son regard sur moi et me demander le mot de passe.

« Jacques de Molay »

Je réponds sans hésiter, je donne le nom du dernier grand maître templier français, celui qui a été brulé sur une des petites iles de Paris. Etrangement, il s’écarte et m’invite à entrer. Un autre homme bien plus guindé et accueillant m’approche et me demande de le suivre. Il me fait prendre un couloir, un ascenseur et me demande de ne pas regarder quel bouton il presse. Je soupire légèrement mais m’exécute pour ne rien compromettre.

Un son se déclenche, mon accompagnant me passe un bandeau sur les yeux. Bordel, il aurait pu le faire avant non ? Il me tire par la manche me guide à travers des couloirs sans un mot. Finalement il me plante à un endroit, frappe à une porte d’une manière précise, annonce ma présence et m’annonce de me présenter après être entré.

« Grand maître, en ce jour, je viens me présenter à vous ! »

Je marque une légère pause.

« Que dieu nous en soit témoin ! »

Telle est notre devise !

Notre organisation est tentaculaire, elle possède une base sur chaque continent, dans chaque pays. Nous sommes une fourmilière, nous avons creusé des galeries partout dans le monde et rien ne nous échappe. Je suis certain que le grand maître de San Diego sait déjà que je suis présent. Je me suis installé comme je le souhaite avant d’aller me présenter à lui afin d’être le plus détendu possible et ne pas lui faire offense. A quoi dois-je m’attendre ? Qu’est-ce que j’en espère ? A vrai dire rien, il est le maitre et je lui serai serviable d’autant plus que je travaille déjà dans le monde de la pornographie, de l’érotisme. Peut-être y trouvera-t-il son compte. Il faut que je prouve que j’ai ma place aussi et que je suis moi-même l’un des dignes héritiers de monsieur Valmont. Comparé à la circulation française, l’américaine est plus calme, les gens s’énervent moins vite, ils sont un peu moins accro au klaxon.

Je me suis garé au parking, j’ai rapidement donné le mot de passe après avoir franchi la porte. Je trouve ça marrant de me retrouver dans un cabaret qui ressemble au moulin rouge mais avec un nom totalement anglophone. Je ne sais ou presque du grand maitre, tout au plus que c’est un homme qui aime recevoir dans des endroits qui sortent de l’ordinaire. Ce trait d’ouverture d’esprit m’amuse. Je suis reçu par un homme légèrement plus grand que moi. Il commente ma voix, ma gueule et ma ponctualité. Je ne réponds pas, me contente de sourire et de croiser les doigts. Il me parle en français, il est parfaitement accueillant. Je vais vite oublier l’épisode des yeux bandé pour marcher.

« A votre service Grand-Maître ! »

Répondis-je dans ma langue natale avant de l’écouter répliquer notre devise à son tour. Il se dit enchanté de me rencontrer, m’invite à prendre place et me propose un verre. Je m’installe sur l’un des deux fauteuils désignés.

« Je ne serais pas contre un verre de whisky si vous en avez. »

Quoi de mieux pour faire connaissance ? Nous allons en savoir bientôt plus. Cet homme doit avoir du gout et je ne veux pas le juger sur ses connaissances viticoles. Nous savons que nous français, produisons les meilleurs, les plus grand et les plus raffinés vins du monde.

« Merci de me recevoir dans un tel cadre grand-maitre. »

Je pars m’installer sur l’un des fauteuils désignés par le maitre, y pose mon popotin et attends tout en découvrant le bureau avec mes iris. Je saisis le breuvage qu’il me tend et me permets de porter un toast.

« A cette rencontre et puisse l’histoire se répéter que les États-Unis et la France s’entendent à merveille. »

Nos deux pays ont un passé historique en commun et nul ne doit l’ignorer. Ce bon Gilbert Motier, marquis de La Fayette a sans doute importé les pensées maçonniques au pays de l’oncle Sam car il est de source sûre que notre bon marquis était l’un des nôtres mais tout cela a été effacé de l’histoire traditionnelle.

« Avez-vous déjà visité la France Grand-Maître ? »

Je lance les débats car nous ne sommes pas là pour nous regarder dans le blanc des yeux mais bien pour faire connaissance, car il lui est déjà acquis que je servirai sa cause. Je ne suis pas un traite loin de là et je tiens plus au temple qu’à ma propre vie.