La chance du débutant n'existe pas. (Val)

Aujourd’hui est LA journée où je vais devenir une professionnelle du surf. J’ai suivi quelques cours et je me sens prête à passer à la vitesse grand V, seule, comme une grande fille. Quand j’en ai parlé aujourd’hui au boulot, ma collègue s’est bien foutue de ma gueule. ou encore < tu devrais plutôt venir faire les boutiques avec nous, on a une paie à dépenser. Oui, mais non, je n’ai PAS une paie à dépenser en vêtements, au contraire, c’est à peine si j’arrive à joindre les deux bouts. Comment j’ai fait pour payer la planche ? Simple, je la loue, c’est plus économique et je n’ai pas besoin de la ramener chez moi à chaque fois. Enfin, ça fait juste cinq fois que je me lance soit les cinq cours, se sera la sixième fois donc ça va. Puis le surf me donne des bouffées d’adrénaline et c’est bien l’adrénaline. Ma vie est tellement monotone que je vais au boulot et j’en reviens sur le pilote automatique. Je fais quoi entre le moment où je passe la porte le matin et le moment où je la repasse le soir ? Aucune idée, probablement les mêmes tâches quotidiennes insignifiantes.

Il est maintenant 16 h, j’ai mon survêtement de surf, mes cheveux sont solidement attachés en chignon et je me suis même mis de la crème solaire. Armé de mon sourire, de ma planche et de mon courage, je me suis installé à plat ventre sur la planche afin de glisser vers le large. Les bras, les jambes, les bras, les jambes et les yeux vers le large afin de pouvoir apercevoir une vague intéressante. Encore un peu…

Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii

Elle est là, la prochaine vague, elle est pour moi. Je me place de côté, je prends appui sur ma planche et… je devrais bien me mettre de côté non ? Ou de face ? Si, de côté, OK, concentration. Ohhhh, mais je ne me souviens plus quand je dois me lever. Avant la vague, quand elle passe dessous ou quoi ? Quand ? OK concentration j’ai dit.

GO GO GO !

Elle est là… plus grosse que prévue… au lieu de me lever pour glisser dessus comme nous l’avons appris dans le cours je suis projetée en bas de la planche et merci les gorgées d’eau salée. Par chance il y a ce truc qui me relie à la planche sinon adieu la bouée de sauvetage. Je dis ça parce que, sérieusement, je crois que j’ai avalé plus d’eau salée en une chute que l’eau but durant la journée tout entière. Bref, je suis saine et sauve, j’ai les deux mains sur la planche et la plage est… par là.

Hum c’est moi ou la plage est loin ?

Mon regard scrute les alentours et BORDEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEL je suis seule. Seule, la plage au loin et seule. J’ai dit que j’étais seule ? Je me permets de crier à l’aide deux ou trois fois, à peine, mais personne ne peut entendre, je suis trop loin. PAS DE PANIQUE. Non, je ne panique pas, au lieu de cela j’essaie de grimper sur la planche, mais même ça je ne peux pas.

PAS DE PANIQUE.

Nora, tu vas battres des jambes et nager jusqu’au rivage. Aller tu peux le faire. Droite, gauche, droite, gauche… Quelques minutes qui me semblent être des heures et la plage semblent s’éloigner au lieu de se rapprocher. Je fais quoi si je n’y arrive pas et que le soleil se couche ? Oui, je peux tenter de rejoindre les lumières de la ville, mais OHHHHHHHHH, il va faire noir quand même. Prier ne sert à rien. Implorer mon ange gardien non plus.  

AHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH !!

Je suis sur la plage de Swami's Beach, mon lieu de travail quotidien en tant que LifeGuard à San Diego. C'est une journée comme les autres, rythmée par le va-et-vient des vagues, le bruit apaisant de l'océan et le murmure des conversations estivales. J'ai un plaisir insensé à simplement être là. Je souris en me disant que j'ai vraiment bien fait de revenir, même si ma vie a diamétralement changé depuis. Peut être que c'est ce qu'il me fallait au fond ?

Je vérifie le matériel, je check que tout est en ordre pour assurer la sécurité des baigneurs et des surfeurs. Quelques bobos à soigner, quelques conseils à donner, et je suis prêt à surveiller attentivement les environs. Ma responsabilité principale ? La zone en retrait, là où les surfeurs aventureux se risquent à défier les vagues tumultueuses de Swami's Beach. Beaucoup pensent que c'est un spot pour débutants, mais je sais mieux que quiconque que les courants peuvent être violents, traîtres, capables de surprendre même les plus expérimentés.

Et c'est alors que je remarque quelque chose d'anormal. Un surfeur, bien loin du rivage, semble être pris dans une baïne, cette zone d'eau qui s'écoule rapidement vers le large, créant un risque sérieux de noyade. Ok, là on va pas pouvoir tergiverser. Sans perdre une seconde, je saisis mes jumelles pour confirmer mes craintes. Oui, elle est en difficulté, c'est indéniable. Mon instinct me pousse à agir vite, à prendre les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité.

-"Louis, tu prends le relais", je lance ça d'une voix ferme, concise, sachant que je peux compter sur mes collègues pour assurer la surveillance pendant mon absence. Il est temps pour moi d'intervenir. -"Je pars en inter'" Il me fait signe qu'il a compris et sans hésitation, je me dirige vers le scooter des mers, prêt à affronter les vagues et à secourir la surfeuse en détresse et à me prendre un petit kif de vitesse au passage. Les baigneurs s'écartent sur mon passage, comprenant l'urgence de la situation. En général quand on sort les engins motorisés c'est que ça craint.

Dès que j'ai dépassé la zone des baigneurs, j'enclenche les gaz, laissant derrière moi le bruit du ressac et l'agitation de la plage. Mon esprit est concentré, mes sens en alerte, prêt à affronter les défis que la mer pourrait me réserver. Et je dois avouer que la vitesse me grise, tout comme je kiffe de sentir l'air salin glisser sur ma peau. Plus ça va plus mes cheveux sont décolorés par le sel et le soleil. Faut dire que... si je pouvais, je vivrais sur la plage.

Chaque seconde compte maintenant. La surfeuse a besoin d'aide, et c'est à moi de répondre à cet appel silencieux de l'océan. Je m'engage dans les vagues, déterminé à ramener cette femme saine et sauve sur la terre ferme. Dans le tumulte de l'océan, je suis à ma place, prêt à affronter les courants, à défier les vagues, à protéger ceux qui bravent les dangers de la mer. C'est ma mission, ma passion, et rien ne pourra m'arrêter dans cette quête de sécurité et de sauvetage. J'ai la chance d'avoir un métier qui est une vraie passion et je savoure !

Quand j'arrive à portée de voix, je suis conscient que le moteur l'empêchera de m'entendre, mais tant pis, la rejoindre est juste plus important. Je coupe le moteur à proximité et me laisse glisser lentement sur l'eau pour couvrir les derniers mètres notant à cet instant à quel point ma naufragée est un putain d'avion de chasse de qualité internationale. -"Bonjour mademoiselle." Sourire un peu idiot, mais surement un peu charmeur. Je pourrais lui balancer une disquette de séduction, mais je suis nul à ce jeu et ce serait complètement abusé dans ce cadre. Alors je me contente de rajouter. -"Je m'appelle Valentin, me permettez vous de vous ramener à bon port ?" Ceci en lui tendant la main, sourire engageant aux lèvres, afin qu'elle me fasse confiance et grimpe derrière moi.

Je vais mourir. Je ne veux pas mourir. Je n’ai même pas encore écrit de liste et je vais mourir avant d’avoir pris le temps de la faire. Je ne veux pas mourir avant d’avoir pu écrire, noir sur blanc, tout ce que je devais absolument faire avant de mourir. Je veux sauter en parachute. Je nager avec les dauphins. Je veux visiter Paris et aller voir les aurores boréales. Si je survis, la première chose que je fais c’est une liste. Une liste, je veux faire une liste.

—" Bonjour mademoiselle. »

Je veux faire une liste, je ne veux pas mourir.

Cet espoir semble être ma bouée de sauvetage puisque cela semble avoir fonctionné. Ou pas.  

Je suis morte c’est ça ? Je n’ai pas souffert, tant mieux.

Il y a un homme beau comme un ange qui me tend la main, je suis donc morte noyée ou bouffée par un requin.

Valentin ?

Même son nom est celui d’un ange, l’ange de l’amour…. Ou est-ce le dieu de l’amour ? Mon âme est repêchée par l’ange de l’amour… j’ai de la chance dans la mort, plus que dans ma vie terrestre.

Je vais au paradis c’est ça ?

Je lui tends la main sans toutefois délaisser ma prise sur ma planche, au cas où, c’est peut-être un piège, on ne se sait jamais. Peut-être est-ce un vil démon tentateur rusé qui essaie de m’aspirer dans les ténèbres. Un incube ? Il y a pire comme éternité, cela dit que de vivre sous le contrôle d’un incube. Sans dire qu’il a de belles dents. Avec des dents comme celle-là, adieu le boulot insipide qui contrôle, contrôlait ma vie. J’ai envie de lui faire confiance, j’ai besoin qu’il prenne ma main et je bats les jambes frénétiquement pour y arriver.

Merci !

Il me tient et je ne sais pas quoi ajouter de plus que < merci >. Je ne suis même pas assez forte pour me sortir de l’Eau toute seule, mes muscles me font mal et refusent de collaborer. Pourtant j’ai l’impression de voler comme un oiseau quand il me tire vers la motomarine. Valentin, l’ange de l’amour, fort, souriant et terriblement sexy. Une fois assise derrière lui sur l’engin j’encercle son corps de mes deux bras sans attendre, il est devenu ma nouvelle bouée de sauvetage, mon héros. Il est mon ange et mon héros.

Vous êtes super sexy pour un ange on vous l’a déjà dit ?

Il doit recevoir ce genre de compliment tous les jours, si les jours existaient dans la mort.

Vous êtes un ange romantique, Valentin ? J’ai toujours souhaité rencontrer un homme romantique, un homme qui m’offrirait des fleurs simplement pour me dire qu’il m’aime ou qui m’apporterait mon petit déjeuner au lit seulement pour me voir sourire. J’aurais dû mettre ça sur ma liste de chose à faire avant de mourir, mais il est trop tard puisque je suis morte. Je n’ai jamais eu de petits copains romantiques.  

Ma joue vient se poser sur son dos alors que je tiens un peu plus fort que tout à l’heure. J’ai confiance en lui, en ce moment présent, magique. Même maintenant je sais qu’il finira par me laisser puisqu’il a d’autres âmes à sauver, mais rien ne m’empêche de profiter de sa chaleur et de sa présence autant que je le souhaite. J’en profite même un peu pour caresse ces abdominaux. Leur fermeté est enivrante. J’en viens presque à souhaiter qu’il soit un incube plutôt qu’un ange. Je le laisse me kidnapper et me retenir prisonnière dans son antre si, de temps à autre, j’ai le droit de gouter à ce corps découper au couteau. Il doit gouter bon… J’aurais aimé rencontrer un homme comme lui sur terre, mais hélas les hommes comme lui me trouvent fade, trop moyenne pour se donner la peine d’essayer. Dommage…