Siam Haddad - A revolutionary woman can't have no reactionary man.

Beyrouth, Liban. Malgré le multiculturalisme de cette grande ville, mes parents ne se sont jamais sentis acceptés après leur union. Un mariage entre un musulman et une chrétienne, cela avait de quoi faire froncer les sourcils sur leur passage. Et que dire des opinions quand je me suis pointée le bout du nez? Je pense que j’avais environ deux ou trois ans quand mes parents prirent la décision de déménager à Dubaï.

Ma mère est beaucoup plus conventionnelle que mon père. Déjà lorsque j’avais 6 ou 7 ans, elle me parlait de mariage, de devenir une femme de maison exemplaire. Pourtant, je préférais mille fois mieux suivre mon père dans ses journées occupées, à parler d’affaires et à parcourir la ville sans relâche. Je ne voulais pas me marier! En fait, je me souviens avoir déjà dit à mon père, bien assise dans le fond du siège de sa voiture, que j’aurais voulu venir au monde en garçon, parce que personne n’écoute les femmes, pas même les femmes. Mon père s’était penché sur moi et m’avais dit : « Ma fille, tu deviendras celle que tu veux, personne ne te dira quoi faire. » C’était probablement à ce moment-là que notre lien père-fille est devenu si important.

C’est durant cette même période que je rencontrais Malek Al Mualim. Nous étions tout petits et nous passions nos journées à jouer ensemble pendant que nos pères ainsi que son grand frère discutaient affaires. Quand j’y repense, cette partie de ma vie semble la plus belle, la plus simple. Je grandissais avec Malek, au grand désarroi de ma mère qui aurait préféré me voir fréquenter de petites filles, parce qu’elle trouvait cela mal vu que sa petite fille joue avec un garçon. Il ne s’agissait que de jeux innocents d’enfants.

Pourtant, nous étions à peine des adolescents quand la situation se mis à changer. Loin d’obéir aux lignes de conduites d’aucune des deux religions dans lesquelles j’avais grandi, je tombais follement amoureuse de Malek. Cela n’était pas platonique, loin de là! Je cachais donc mes sentiments à ma mère. Mon père devait être au courant, mais il n’en a jamais soufflé un mot à ma mère.

Inséparables, nous passions de longues périodes très charnelles et intenses. Nos sentiments étaient forts, presque douloureux. Puis, quand nous devions nous éloigner, Malek trouvait quelqu’un d’autre. D’abord le cœur brisé par ses agissements, je tentais de faire pareil. Je savais que cela mettait Malik hors de lui. Ne voyait-il pas que c’était pour qu’il revienne? Et quand il revenait, nous recommencions cette roue tordue et malsaine.

C’est avec Malek que je quittais Dubaï pour étudier à Cambridge en anthropologie. Le développement de l’humain me fascinait et faire des études supérieures était la seule solution pour repousser un mariage arrangé. Seule façon de tempérer ma mère aussi. Lorsque nous étions à Cambridge, Malek et moi étions indissociables, au point de risquer mon succès académique parfois. Puis, il se dirigeait vers Oxford alors que je demeurais à Cambridge. Encore une fois, la distance faisait des siennes et nous repartions dans l’infidélité, les querelles et les insultes.

Difficile de se concentrer sur des études avec un cœur tordu, brisé. Je rentrais donc à la maison. Mon père essuyait mes larmes sans rien demander et je tentais de tout cacher à ma mère. Malek m’écrivait et je ne savais plus quoi répondre. C’est un peu par hasard que je tombais sur Dante, le grand frère de Malek. J’ignore encore pourquoi, mais Dante avait réussi à me faire parler de la relation que j’avais avec son frère. Que rien de sain ne se dégageait de ce qu’il entendait. Que je méritais mieux. Peut-être avait-il raison? Malek comme moi avions probablement besoin de grandir, de mûrir.

Jamais je n’aurais pu prédire que j’allais tomber amoureuse de Dante. Il était doux, charmant, avenant. Jamais je ne craignais qu’il ne s’en aille avec une autre. Et je n’avais pas envie de voir ailleurs si l’herbe était plus verte chez le voisin. Un peu sans réfléchir, j’acceptais sa demande en mariage. C’est au retour de Malek que je réalisais ce que nous avions fait. Pour être heureuse, je venais de piétiner le cœur de Malek. J’avais brisé le lien entre deux frères. Il ne me laissait pas tenter d’expliquer ma vision des choses. J’ai même eu peur qu’il me frappe, pour la toute première fois de ma vie. Puis il était parti, loin, très loin. Je comprenais qu’il coupe le contact avec moi, mais cela me chagrinait pour Dante. Pourtant, ce dernier ne voulait rien entendre quand je lui disais que nous pouvions tout annuler. Il voulait m’épouser.

Les opportunités d’affaires de Dante nous menaient à San Diego. L’ouverture d’une banque, essentiellement. Je le suivais, le cœur serré. Je savais que Malek était installé dans cette ville. J’ignorais si j’allais pouvoir recoller les morceaux. Je reprenais mes études et, même si Dante souhaitait tout payer, je me trouvais de petits contrats publicitaires comme mannequin pour financer mes études. Que je sois sur le marché du travail ne semble pas plaire à mon futur époux qui a une vision un peu plus conventionnelle d’un couple. Même si nous nous querellons à ce sujet, je ne me sens pas aussi mal qu’avec Malek. C’est bon signe, non?