Presque deux ans de torture (Solek)

Dans quelques mois, voire quelques semaines, je vais fêter seule le deuxième anniversaire de mon embauche. Je suis probablement la seule femme au monde à avoir fêté son premier anniversaire et, par ricochet, la première à fêter le deuxième. Cette date, ce changement d’emploi, a été pour moi le début d’une nouvelle vie. Tous les jours, la petite fleur que je suis s’ouvre un peu plus, elle absorbe les chauds rayons du soleil et s’épanouit. Le soleil, dans ce cas de figure, porte un nom et c’est Malek. Il a cru en moi, non, il croit en moi et en mes capacités, et ce, malgré ma tendance à jouer les ombres de ruelles. Ne me demandez pas de devenir le centre d’attention sinon je meurs. J’exagère, bien sûr, puisque professionnellement parlant je peux faire de magnifiques présentations. Me demander de faire la même chose, mais sur des sujets personnels et là je fonds, me cacher sous le tapis deviendra le but ultime à atteindre. Elle y a une grande différence entre la Sofia professionnelle et la Sofia personnelle. Si l’assistante en moi a confiance en elle, en ces moyens… La femme, elle, a perdu tout cela dans le fond d’un sac.

Prenez exemple sur le petit geste rempli de gentillesse qu’il a posé envers moi la semaine dernière. J’étais arrivé plus tôt que d’habitude afin de m’assurer que tout était prêt pour la présentation du matin. Café en main, probablement devenu froid avant d’avoir eu le temps de le boire, je savais que tous les détails se devaient d’être vus et revus. Je savais aussi qu’il oublierait probablement l’heure du repas de mi-journée, détail à laquelle je dois penser, sans parler de la copie supplémentaire du dossier à laquelle il a travaillé la veille au cas où le document serait oublié sur la table de chevet, les vêtements chez le nettoyeur et j’en passe. Je ne me plains pas, j’aime faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que ces journées glissent sans accro et j’en arrive même à oublier les longues heures de boulot sans trop de problèmes sauf… sauf lors de cette fin de journée bien spéciale. Recevoir trois appels de son père, dans la même journée, est assez de stress pour nourrir trois armées pendant toute une semaine. Ce soir-là il m’a offert une surprise de taille quand, avant de quitter le travail, il a déposé un repas pour emporter sur mon bureau. Son repas a non seulement été le bienvenu, mais en plus c’était l’un de mes plats préférés. Coïncidence ? Peut-être, je ne sais pas, mais j’aime à imaginer que non et si je déteste quand le rouge qui me monte aux joues dans ces cas-là, je déteste tout autant ma voix peu assurée qui la remercie de sa gentillesse. Pas de regard en coin… Pas de lueur affamée… Seulement une vague de bonheur et un magnifique sourire.

Les jours qui ont suivi ont ressemblé à un jeu de loto. Je gratte et TADAM… je gagne une autre connerie à régler. Tout le monde est devenu fou je pense. Combien de rendez-vous ai-je déplacés parce que monsieur untel avant oublie la pièce de théâtre de sa gamine ou que madame chose devait aller chez le coiffeur ? Je vous jure que je ne déconne pas… Je me suis dit, cette journée-là, que la pleine lune allait être au rendez-vous dans le ciel… mais non, même pas. Il y a un moustique qui transmet un virus de trouvera la plus idiote des raisons pour annuler un rendez-vous avec nous ou quoi ? Pour prévenir le coup ce matin, avant de venir au bureau, ce n’est pas un, deux, mais trois cafés que je nous ai pris à moi et Malek. La prudence a toujours meilleur gout non ? C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je suis un peu en retard parce que, bien que cela semble facile, porter 6 cafés, un sac à main, un sac de chaussures et un bagel sous le bras n’est pas chose facile ni très gracieuse. J’ai pris le temps de déposer mon sac à main, mes cafés, mes chaussures et ma veste dans mon bureau avant de me diriger vers le bureau de Malek. Comme à mon habitude, trois petits coups ont résonné avant que sa voix me donne la permission d’entrée. J’ai ouvert la porte avec difficulté, je suis entrée et j’ai refermé en utilisant le bout de mon pied.

Bon matin, monsieur Al Mualim. Puisque c’est la pleine lune ce soir je me suis dit que trois cafés devraient réussir à vous garder sain d’esprit plus longtemps que deux heures. Ne vous inquiétez pas, je vais vous accompagner dans ce délire. Le rendez-vous de 9 h 30, de 11 h et de 14 h on tous été annulés, mais tout de même déplacés la semaine prochaine. M. St Clair a la gastro, madame Grant croit sincèrement que son avocat pourra écrire un contrat plus inspirant que celui reçu la semaine dernière, alors que monsieur Smith c’est dit confus d’entendre que vous refusez d’aller voir une partie de baseball avec lui. J’ai remplacé le rendez-vous de 11 h par un certain monsieur Tuscano, CEO d’une compagnie œuvrant dans la sécurité informatique, celui que vous souhaitiez rencontrer depuis plus de deux mois et pour 14 h la responsable des ressources humaines aimerait discuter avec vous de quelques plaintes reçues à propos des repas offerts à la cafétéria.

Je lui ai dit tout cela sans avoir recours a aucune de mes notes, pas besoin, j’ai une mémoire phénoménale pour ce genre de chose.

Oh, dernière chose… mademoiselle Anderson a téléphoné après votre départ hier et euuuh, je me demandais si vous aviez reçu mon message par texto. Cela semblait urgent, je me suis donc permis cet écart de conduite.

Si ma jalousie envers cette blonde apparue de nulle part il y a quelques mois était sans fin, aujourd’hui je dois plutôt avouer qu’elle me plait. Je ne peux peser à lui comme ca... ni à elle. Ne rougie pas Sofiaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa !!!

https://th.bing.com/th/id/OIP.CobGL48waj560nI9pGG6BgHaLH?pid=ImgDet&rs=1

Sofia ce n’est pas qu’une assistante. C’est ma seconde. Parfois, elle m’assiste, parfois, elle me remplace et parfois, elle s’occupe de choses à ma place comme une corvée de pressing, mais c’est rare et j’évite de le faire, car son temps et son talent sont largement mieux exploités ailleurs. Cette femme est talentueuse, superbe et compétente. C’est une personne que je préfère compter dans mes rangs plutôt que de la voir chez la concurrence ou dans une autre boite. Alors c’est pour ça que je sais être généreux envers elle et attentionné. Oubliez les patrons qui exigent et essorent les gens qui travaillent avec eux. Car oui, elle ne travaille pas pour moi, elle travaille avec moi. La nuance est de taille. J’exige beaucoup de mes employés et je me donne tout autant, faisant en sorte de montrer l’exemple avant de leur demander des efforts. Ainsi quand elle galère je le vois. Quand elle fait plus que ce que son contrat l’exige, je sais avoir une attention charmante. L’autre fois, j'ai commandé son repas et dessert préféré et lui ai déposé en quittant le travail lui imposant un jour de congé pour le lendemain. Oui je suis charmant avec elle, parce qu’elle le mérite. Je crois que si parfois je m’écoutais, je la reverserais sur mon bureau et lui montrais ma gratitude d’une tout autre manière. Mais je suis pragmatique et calculateur. Si je crois qu’elle ne serait pas contre l’idée de se faire démonter par moi une fois de temps en temps, elle reste mon assistante et les scandales sexuels, c'est jamais bon pour le business. J’ai mis en place des règles de comportement avec les femmes au travail et si j’ai une tolérance Zéro pour les comportements de merde, il est bon que le patron montre l’exemple. C’est aussi pour cette raison que je limite la venue de Nina au boulot. Parce que j’ai constamment envie d’elle. J’ai constamment besoin de sentir ses caresses. Et si parfois, je la fais rappliquer quand je lorgne trop sur Sofia et que j’ai envie de craquer, je parviens à rester sage et détendu.

**LOOK**

Ce matin je suis encore venu en avance. Ça m’arrive surtout quand les grosses périodes de travail sont là. Le jeu qu’on développe va entre en phase Bêta test et ça veut dire le faire découvrir à plusieurs testeurs et joueurs. C’est voir si nous sommes toujours dans la good vibe ou si nous faisons fausses routes. Je continue d’ailleurs de développer de petits projets annexes, des jeux indépendants auxquels nous donnons un peu de crédit pour en faire des plus grands jeux et soit prendre un pourcentage soit co développer le suivant. Tout évolue bien mais me demande de l’implication. Les trois coups sur la porte et voilà Sofia élégante et magnifique me portant un café en me saluant. J’écoute le résumer en la regardant dans les yeux tout le long. Je la laisse déballer l’intégralité de son message et hoche la tête doucement. Puis elle me parle de Nina et d’un message. Je continue de fixer les yeux de Sofia qui visiblement a le regard qui change en évoquant Nina.

« C’est Andersen et pas Anderson. Et vous lui rappellerez la prochaine fois de ne vous déranger que si je ne réponds pas et qu’en cas d’urgence absolue… »

Je prends le café et le repose sur le bureau avant de lui faire signe de s’installer près de moi et lui montre des données sur mon écran.

« On va aller voir Sandra des ressources humaines maintenant puisque mes rendez-vous du matin sont décalés. Arrangez-vous pour être avec moi pour rencontrer Mr Tuscano et regardez ça. »

Les données montrent le potentiel stratégique et financier de mon idée de « subventionner » certains jeux indépendants pour agrandir le champ d’action de ma structure et ouvrir des perspectives alléchantes tout en nous associant à des projets ambitieux et originaux qui n’ont que peu ou pas de moyens. Bref je respire son parfum alors qu’elle se penche pour regarder mon écran. Je veux voir si elle remarque les bonnes choses pour lancer une analyse projective et me proposer un plan d’action qui va entrainer recrutement et orientation d’une partie de l’activité.

Andersen Sofia, ANDERSEN avec un E. Ce n’est pas la première fois que cette erreur se glisse. OK, Andersen, j’ai noté. Je préfèrerais l’appeler Nina cela dit… Enfin, il s’agit là d’une discussion qui n’aura jamais lieu, je me dépêche donc d’obéir et je prends place à ces côtés afin de pouvoir regarder son écran comme il vient de me le demander.

Je vais aviser madame Julibre dès que je le pourrai dans ce cas et je note également pour madame Andersen..

Hors de question que j’appelle une collègue par son prénom, pour moi Sandra ne sera jamais Sandra, impossible d’oublier mon éducation stricte.

Hummm !!

Mon cœur bat à tout rompre. Être si près et si loin va finir par me tuer. J’espère seulement que le rouge ne me montera pas aux joues parce que ce serait embarrassant et pour moi, et pour lui. Je ne peux même pas fermer les yeux pour me concentrer sur autres choses… Je ne peux même pas prendre de grandes respirations puisque son parfum m’enivre… Me concentrer sur les chiffres, je peux, je dois, des chiffres, des tableaux et calculs de projections prometteurs en effet. Plus je regarde et plus mon cerveau en arrive à oublier sa présence. Une oublie passagère qui me reviendra à la figure tôt ou tard, mais vaut mieux tard, croyez-moi.

C’est en effet très prometteur… Mais…

Sans lui demander la permission, je me penche un peu au-dessus de lui afin de pouvoir prendre le contrôle de son portable. Une fois fait, j’ouvre une simple page Excel que je déplace sur un deuxième écran avant d’y ajouter des chiffres. J’y mets la somme de ces calculs pour tout ce qui est main-d’œuvre, les frais de commercialisation, d’approvisionnement et ainsi de suite. Jusque-là je n’ai fait que reproduire ces calculs, les sommes sont les mêmes, les prévisions sont identiques. Toutefois, j’ajoute quelques lignes pour soustraire les frais fixe comme la bâtisse, l’électricité, l’internet, le téléphone et le ménage avant de refaire les calculs de façon sommaire.

Avec ou sans ces projets, tous les frais soustraits seront payés parce qu’ils sont fixes non ? Le cout de revient de chaque produit est donc amélioré de cette façon. À moins que vous ne vouliez en faire une filiale, alors lç je ne suis probablement pas en mesure de vous donnez une réponse adéquate puisque je n’y connais rien.

J’ai vu ce type de calcul dans l’un des projets en cours dans la firme familiale, avant qu’elle ne soit vendue et cela m’a inspiré des recherches plus approfondies.

On a quelques locaux de libres deux étages en dessous. On pourrait inviter quelques-uns des têtes à l’origine des projets à venir s’y installer. Comme cela ils diminueront leur propre cout, ce qui devrait les motiver puis, avec le temps, s’ils ont du potentiel, il nous sera plus facile de les convaincre à venir travailler pour nous non ? Un peu de peinture, quelques bureaux, des plantes et des décorations chics, tout pour les attirer vers nous.

Ils vont côtoyer nos employés et se sentiront peut-être à l’aise à joindre l’équipe, ce qui va diminuer les couts d’embauche.

Enfin…

Je me recule rapidement au moment où je me rends compte de ma position, rougissant cette fois avec beaucoup d’enthousiasme.

Je voulais dire vous, pas nous bien sûr, monsieur Al Mualim. Et euuh, pardon, je ne voulais pas vous mettre mal à l’aise. Je… ai-je répondu à votre questionnement ?

D’un geste maladroit je réajuste mon veston et lisse mon pantalon, question de faire autre chose de mes mains que de les laisser pendre de manière idiote de chaque côté de mon corps. Mon regard le fuis, je n’aurais jamais dû me pencher au-dessus de lui comme cela parce que maintenant j’ai chaud et j’ai son odeur d’imprégner sur mes vêtements.

Sofia me fait sourire avec cette petite maladresse adorable qu’elle possède et qui la fait régulièrement passer de femme éblouissante au charisme étourdissant à la beauté divine à une jeune femme maladroite absolument délicieuse. J’adore ce contraste savoureux chez elle et cette manière de ne pas appeler les gens par leurs prénoms parce que son éducation est ainsi. C’est une jeune femme que je pourrais qualifier de « Bombe qui s’ignore » Sofia est somptueuse et pourtant elle semble ne pas réaliser les regards qui se glissent sur elle. Pas plus qu’elle ne réalise que je respire doucement son parfum quand elle s’approche. Elle est juste bien trop importante pour mon travail pour que je foute en l’air tout ça avec des avances. Et puis je détesterai me faire désirer parce que je suis le patron et que ça peut être vu comme de l’avance ou comme une manière pour elle de céder parce que je pourrais la virer… C’est détestable et comme je refuse de me comporter mal, je préfère éviter. Je respecte la parité ici et j’ai des règles de comportement très strictes. C’est pour ça que souvent quand Sofia est trop présente j’appelle Nina pour une intervention rapide et satisfaisante… Je me tiens près d’elle et la laisse regarder mon écran et faire sa sauce. J’adore son expertise. Elle a une sorte de 2eme regard. Si j’ai la vision globale, elle a le souci du détail et elle est capable de porter de petites corrections absolument parfaites.

Je la regarde rentrer des infos dans le tableau et effectivement c’est bien plus optimisé comme ça. Puis alors que je regarde ses chiffres elle pose une proposition pleine de bon sens et de logique. C’est une bonne idée mais je décide de rebondir sur sa proposition.

« J’aime l’idée, mais si on affiche qu’on cherche du monde on va nous négocier sec… Il vaut mieux faire courir le bruit de notre idée de développement et voir qui va venir se renseigner… »

Comme ça je pourrais en tirer plus de bénéfices. Faire investir l’argent des autres pour en gagner, c’est ce que je préfère et je fais ça très bien… Elle est toujours penchée et je sens son souffle et son parfum, ses seins touchent presque mon bras… J’adore ça… Mais elle réalise qu’elle est a demi penchée sur moi et se redresse en rougissant un peu. Je souris en la regardant alors qu’elle réajuste sa veste et se tient droite. Je la fixe un instant. Je dois me mordre la langue pour ne pas lui dire d’ouvrir son tailleur et de venir à genoux entre mes jambes en sortant mon sexe de mon pantalon… Je me détourne et tapote sur le clavier pour lui envoyer le tableau en lien sécurisé sur son mail.

« Je te laisse corriger et mettre au propre, je vais commencer à faire fuiter des rumeurs, voir si on attire du poisson… »

Je me tourne vers elle et la fixe de nouveau.

« Sofia… Réserve une table pour deux à l’Eccelente, je vous invite. Comme je ne peux pas sans cesse augmenter ton salaire on va faire ça en nature. Restaurant à midi toi et moi. Regarde comment on peut planifier ce projet et on décidera de la marche à suivre… »

De mémoire elle avait adoré ce restaurant quand nous y avions été avec des clients. J’avais noté l’idée et Sofia est décidément une perle rare que je ne veux pas voir filer à la concurrence. Alors je m’arrange pour la valoriser dès que j’ai l’occasion de le faire.

Je connaitre Malek plus que je ne le devrais et je sais que mes idées ont trouvé une bonne oreille quand il y rebondit. Je hoche de la tête pour lui confirmer qu’il n’a pas tort. Je ne suis pas la meilleure pour faire courir les ouï-dire, mais n’a-t-on pas un service de marketing pour ce genre de chose ? Mon boulot… n’est pas de me pencher sur lui et mon malaise est apparent lorsque je me relève, heureusement il n’en fait pas mention. En gentleman, il enchaine, me parle de rumeurs et de poisson, la comparaison me soutire un doux sourire.

« Sofia… Réserve une table pour deux à l’Eccelente, je vous invite.

Hum pourquoi ? Heureusement je n’ai pas le temps de poser la question puisqu’il enchaine avec la description du programme. D’un froncement de sourcils curieux lorsque la demande est tombée, c’est moi qui ai maintenant l’air d’un poisson avec mes yeux grands ou la confusion et la gêne se battent pour avoir le droit de briller. Il a dit quoi après les mots < on va faire ça en nature > ? Mon cerveau est resté coincé, figé, incapable de comprendre la signification du mot parce que mon imagination plutôt limitée vient de partir dans tous les sens.

En nature, monsieur Al Mualim ? Ce n’est pas un peu inapproprié ? Je veux dire… je suis déjà payé de façon plus que convenable et je ne désire pas d’augmentation si c’est cela qui vous embête. Je ne vois pas ce que vous pourriez m’offrir, en nature, que je ne possède pas déjà.

OH QUE SI, TU LE SAIS ! J’ai envie de taper les réflexions perverses et les images qui se font plaisir dans mon esprit. Faire ça en nature… il fait chaud non ? Je le vois déjà me caresser comme si j’étais sienne et c’est mal, très mal, très très mal. Je vais éviter de raconter tout le reste… Je le savais que je n’aurais jamais dû effectuer des recherches sur Google, me voilà souhaitant qu’il me transforme en jouet, qu’il me façonne à sa guise.

Je vais aller réserver une table de ce pas…

Je recule d’un pas, de deux et de trois avant de tourner rapidement les talons pour me rendre à mon bureau. Sans plus attendre j’appelle Sandra pour prévoir la rencontre avec Malek, puis je passe un coup de fil au restaurant mentionné pour réserver une table pour deux à l’Eccelente sans toutefois préciser de réserver un coin loin des regards comme je le fais habituellement quand je réserve pour lui et Nina. Je fais quoi ensuite ? Rien, sauf peut-être essayer de me remémorer le reste de son intervention. Il y avait le mot planifié non ? Si je fais un plus un, il voudra probablement discuter du nouveau projet, je me dois donc d’amener de quoi écrire, oui, c’est ça.

En nature…

Je parle seule comme une grande personne qui n’est pas du tout sur le point de perdre la raison. OK, concentration, tu as du boulot…

***

Sandra check. Le rendez-vous avec M. Tuscano check. Je vais finaliser le résumé une fois de retour au bureau cette après-midi, mais mon instinct me dit que ce sera une collaboration du tonnerre. Il est jeune, dynamique et il a sur écouter et proposer des solutions innovantes a des prix qui m’ont semblé adéquats. J’ai un peu moins aimé tous les sourires envoyer vers moi, mais bon, j’imagine qu’il ne voulait pas faire croire que je n’étais pas la bienvenue dans la discussion. Il reste à peine cinq minutes avant d’avoir à se rendre au restaurant, je prends donc un cahier note et mon sac a main avant d’aller cogner mes trois petits coups sur la porte de son bureau avant d’entrer.

Il ne reste plus que quelques minutes pour la réservation, M. Al Mualim, vous êtes prêt ?

Mon ventre gargouille et les sons qu’il fait dénonce ce fait. J’espère qu’il ne les entend pas, se serait encore une fois embarrassant, mais une fois de plus ou de moins, aujourd’hui, je ne compte plus.

Je tiens à m’assurer la loyauté de mes employés et surtout de Sofia. Cette femme est très importante et quand je prends une assistante, je ne veux pas la voir partir pour une autre place. Je veux la garder et si je ne peux pas augmenter son salaire en permanence, j’aime avoir des attentions pour lui signifier que j’apprécie ce qu’elle fait. L’idée du restaurant ensemble est là pour lui témoigner de ma gratitude et j’arque un sourcil quand elle répond au terme Nature. Oui je sais qu’il existe une connotation sexuelle à ce terme mais il veut dire que la rétribution ne sera pas pécuniaire mais de nature à combler un besoin vital par un don non monétaire. Mais elle marque son incompréhension vis-à-vis de ma proposition. Je la regarde arquant un sourcil. Elle n’est pas bête, elle sait sans doute pourquoi je fais ça. Elle déclare qu’elle va réserver une table de ce pas… Et merde elle est tellement docile et obéissante que moi, j'en suis à m’imaginer lui tirant les cheveux et lui faire subir toutes sortes de perversions savoureuses sans aucune forme de retenue… Bon, je vais me calmer. Elle sort et je lutte pour ne pas me branler pour calmer le feu que ces images ont eu en moi. Je crois que je vais faire un espace pour avoir Nina à disposition quand j’ai besoin de baiser au boulot… Au pire juste un petit matelas confortable sous mon bureau pour ses genoux fera l’affaire…

…

L’heure du repas arrive et j’ai potassé mon idée. Je sais comment chercher des investisseurs et lancer l’idée pour voir si elle prend. En attendant je vais confronter mes idées à celle de mon assistante qui j’en suis persuadé a réussi à trouver de quoi rendre ça encore plus performant. Elle toque à la porte je lui dis d’entrer. Je suis chemise ouverte car je fini de la boutonner. Je vais dans un restaurant chic et je dois porter une cravate et la seule que j’ai n’est pas du tout accordée à ma tenue. Je me suis changé et achève de boutonner ma chemise avant de m’avancer vers elle.

« Tu sais faire un nœud de cravate Windsor ? »

J’ai mes clefs dans la main et mon téléphone dans me poche. Ma veste je l’ai sur mon bras, je ne vais pas la porter en voiture pour ne pas la froisser. Je me tiens devant elle attendant qu’elle me dise si elle peut le faire ou non, car dans ce cas-là, je ferai un nœud plus simple en prenant l’ascenseur. Mais le Windsor est ce qui collera le mieux à ma tenue pour déjeuner. Je la regarde dans les yeux, attendant sa réponse.

Je viens tout juste de lui dire qu’il nous reste 5 minutes et je peine à me retenir de le pousser vers la porte. Quand une femme doit manger, une femme doit manger non ? Non, même après un jeune de deux mois, jamais je n’oserais ordonner à qui que ce soit de se dépêcher, ce n’est pas dans ma nature. Je n’oserais pas non plus laisser mon regard glisser sur son torse… faux parce que c’est exactement ce que je fais en ce moment même. J’aurais donné un rein pour qu’il marche vers moi à moitié nu…

« Tu sais faire un nœud de cravate Windsor ? »

Il est sérieux là ? Son regard me dit que oui, mais se pourrait-il qu’il tente de glisser un quelconque mensonge ?

Vous avez oublié qui est mon père, M. Al Mualim. Sans mon aide ou celle de ma mère, il ne serait pas…

Non, non, Sofia, ne prend pas le chemin de la dénigration, ce n’est pas bien, pas bien du tout. Il n’est pas là, il se fout de savoir ce que tu fais et ce que tu deviens, tout va bien. OK… le nœud de cravate. Bien que détourner le regard soit difficile, je n’ai guère le choix si je ne veux pas faire n’importe quoi. Je fais le nœud et à nous la bouffe. Oui, voilà, lève les bras, sans trembler, oui, bravo.

Est-ce mademoiselle Andersen qui les fait pour vous habituellement ?

Je suis curieuse, certes, mais si je pouvais être la seule capable de lui offrir ce petit plaisir ce serait bien non ? Ce serait bien que, pour une fois, ce soit elle qui m’envie et pas le contraire. Puis c’est mal de prendre mon temps ? Je place la cravate comme il se doit, vérifie deux fois et même trois que tout est à la bonne longueur avant de faire le nœud. Tourner, passer dessous, dessus, tourner et bref… tout cela en évitant de le toucher au maximum. Oh, je ne le crois pas capable de me remettre à ma place si je laissais deux ou trois doigts frôler la chemise afin d’absorber un peu de sa chaleur, non, parce que dans les faits c’est à moi que je ne fais pas confiance. Si je le touche et que je dérape ? Si au lieu de quelques bouts de doigts c’est ma main qui décide de glisser le long de son torse jusqu’à son ventre ? Juste à penser à cela me fait rougir, non, merde, Sofia. Je ne peux plus accélérer le tempo sinon il va comprendre mon petit manège. Rougir, mais pourquoi j’ai laissé mon imagination déraper hum ?

Voilà, vous êtes à croquer.

Oh non, ne pas le regarder, non.

Euuuh… si vous êtes prêt…

Je tourne les talons sans croiser son regard, sors de son bureau et me dirige vers l’ascenseur sans me retourner. La porte de l’ascenseur est si jolie, tellement belle que je la scrute dans ces moindres détails. Cela m’évite aussi de croiser son regard, ce qui n’est pas plus mal.

Vous préférez attendre d’être au restaurant pour discuter du nouveau projet ?

Voilà un sujet qui devrait détourner son attention assez longtemps pour que je reprenne contenance. Un de ces jours, je vais oser et ce jour-là… il ne pourra pas dire non. J’ai déjà l’image des sous-vêtements que je vais porter sous une robe moulante et sexy. Mes cheveux relevés pour lui laisser libre accès à mon cou… Un jour… Un jour…

Le restaurant où nous allons est un palace. La cravate y est obligatoire, mais les gens raffinés savent aussi que le nœud d’une cravate reflète un savoir-vivre et une élégance. Et vu ce que je porte, le nœud Windsor est parfaitement adapté. Mais il me résiste et j’avoue que je l’ai raté trois fois déjà. Alors quand Sofia arrive, je lui demande si elle sait le faire. Elle se lance dans une explication bancale sur son père. En général ce n’est pas terrible quand elle aborde ce sujet, si bien que je ne relève même pas qu’elle vient de m’appeler Al Mualim au lieu de Malek… Elle se ravise au lieu de partir dans les diatribes de rigueur et finalement commence à nouer le nœud de cravates sans me regarder. Elle est parfois très bizarre avec moi. C’est alors qu’une phrase vient tout éclairer quand elle me demande si c’est mademoiselle Andersen qui les fait pour moi actuellement. Oh, c'est donc ça ? Je la regarde et lui réponds avec un petit sourire.

« Non en général elle les défaits… »

Je provoque ? Oui assurément, et quand je lui mets ma cravate, c'est souvent avec un nœud coulant autour du cou ou en guise de menottes mais ça… C’est possiblement du harcèlement sexuel alors j’évite. Visiblement cette remarque me fait dire qu’elle désapprouve peut-être en tant que musulmane de naissance que je m’affiche avec une blonde qui est connue pour ses photos en lingerie ? Parfait, c’est exactement ce que j’aime. Qu’on me voit comme une affreuse petite merde arrogante. Sofia rougit un peu, et me dit que je suis à croquer avant de se raviser et de demander si je suis prêt… Je hoche la tête avant de réaliser qu’il est probable que Sofia en pince pour moi ? Est-ce que je le découvre ? Pas vraiment non. Mais cette femme est belle et m’attire beaucoup, mais elle travaille pour moi et… Je refuse de la perdre et encore moins de faire des avances à une collègue de travail ce qui me ferait risquer bien des choses.

Je décide de la suivre dans l’ascenseur et pendant que nous allons vers le parking, elle me demande si je souhaite que nous soyons au restaurant pour discuter du nouveau projet. C’est tellement tentant de jouer un peu que je réalise que je vais sans doute franchir la ligne blanche mais que… C’est trop délectable pour me l’interdire.

« Gardons le travail pour le restaurant, dis-moi plutôt comment tu vas ? Je t’en demande beaucoup en ce moment et je n’ai aucune envie de te mettre à mal professionnellement ou personnellement. Parle sans filtre, ce n’est pas le patron qui te demande ça, mais le jeune homme que tu connais depuis l’université. »

C’est important pour moi qu’elle se sente à l’aise et puis j’en ai peut-être un peu marre des discussions boulot. Alors qu’on arrive dans le parking je reçois un appel et je roule des yeux avant de répondre que c’est bon j’arrive rapidement. Je raccroche et la regarde.

« Changement de plan, nous partons pour un conseil d’administration exceptionnel à Chicago. La filiale développement Web tente de nous évincer. »

On mangera dans le jet et je vais improviser sur place puisqu’on va rester un jour ou deux. Je fais un sms à Nina pour lui dire que je pars pour le boulot et que je ne reviens qu’après demain. Je monte dans ma voiture et l’attends pour filer à l’aéroport quand elle sera montée.

« Non en général elle les défaits… »

J’ai entendu, ne croyez pas le contraire. J’ai beaucoup de défauts, mais je ne suis pas sourde et cette remarque me fait monter le rouge aux joues plus rapidement qu’il ne faut de temps pour dire ouistiti. J’ose même lui dire qu’il est à croquer… OK, au secours, par chance, le reste se déroule bien. Nous nous dirigeons vers l’ascenseur et nous y montons. Tout va bien, tout va très bien. Tout allait très bien jusqu’au moment où il me pose une question personnelle au lieu de parler boulot. Il veut savoir comment je vais? Parler sans filtre ? Moi ? Pas le patron qui demande ? C’est mal de le regarder avec une lueur de surprise dans les yeux ? Il veut savoir comment MOI je vais? Sans filtre ? Oui, je sais que ce n’est pas la première fois qu’il me demande ce genre de chose, mais en ce moment j’avoue qu’il me sera difficile de répondre en toute franchise.

« Changement de plan.... »

Sauber par le GONG ? Je détourne le regard, déçue de ne pas pouvoir vider mon sac ou une partie de celui-ci, mais je ne peux rien y faire alors je le suis, monte dans la voiture et soupire. Je le regarde écrire un petit je ne sais quoi à Nina, enfin, c’est-ce que j’en déduis, puis je tourne mon visage vers la vitre. Le silence est lourd et je dois mettre tout mon courage dans le même petit tas pour ouvrir la bouche.

Je vais bien Malek et le boulot aussi ça va, ne t’en fais pas, mon assiette n’est pas encore pleine. Je peux en prendre encore un peu.

Je parle de la quantité de boulot là évidemment. Seul sujet que je peux aborder avec lui. J’aimerais tellement lui dire pour mes sentiments à son égard, lui souffler à l’oreille que j’existe. Je ne peux pas et ce détail est lourd sur mon cœur déjà meurtri et envieux. À chaque fois que je le vois sourire à Nina j’imagine que c’est moi… À chaque fois que je vois un couple marcher main dans la rue, mais dans la main j’imagine que c’est nous. Le message de tout à l’heure, je donnerai tout pour qu’il soit pour moi.

Je suis amoureuse.

Combien de minutes se sont écoulées entre mes dernières paroles et celles-ci ? A-t-il dit quelque chose entre les deux ? Aucune idée pour la première question et aucune idée pour la deuxième puisque j’étais perdu dans mes pensées.

Il ne sait pas que j’existe alors le boulot c’est bien.

Je ne dois pas être assez jolie, assez intelligente ou assez je ne sais pas quoi. Je ne sais pas quoi faire pour décrocher, qui regarder pour combler le vide. S’il pouvait comprendre que je parle de lui, tout serait si simple, mais il n’est pas devin. La seule façon de reprendre le contrôle de la situation est de fermer les yeux, de respirer un bon coup et de changer de sujet. Je pourrais aussi lui sauter dessus et l’embrasser, je pourrais, mais je ne le ferai pas c’est trop risqué. Sans parler des témoins… Je n’ai rien compte quelques regards, cela dit, mais qu’en pensera Malek ?

Nous resterons longtemps à Chicago ? Je vais préparer le dossier une fois dans l’avion.

Je ne m’étais pas encore tournée vers lui et quand je le fais, c’est avec un sourire poli et timide sur les lèvres, le même sourire que je lui offre tous les matins. Je suis devenue une experte en la matière, une actrice hors pair quand vient le temps de cacher mes sentiments à Malek. J’aurai tout le temps de m’apitoyer sur moi-même une fois la porte de ma chambre d’hôtel refermée ce soir.

Je plaisante avec Sofia à qui je ne cache pas tellement ma vie intime sans pour autant trop m’épancher dessus. C’est mon assistante et il est normal qu’elle sache des choses sans toutefois être trop intime. Je conserve cette distance de rigueur afin de conserver un bon fonctionnement entre nous et m’assurer qu’elle reste à mes côtés. Je crois que je trouverai très délicat de mener ce navire sans elle et j’ai besoin d’elle dans cette aventure. C’est sans doute pour ça que je ne la cantonne pas à un rôle de bonniche. Et si parfois je lui ai demandé de me rendre service en allant chercher des affaires pour moi, je n’en abuse pas car ce n’est pas son travail et j’ai été particulièrement généreux en la remerciant. Elle est talentueuse et compétente et ce sont deux compétences qui se payent. Quand je lui parle de Nina, c'est autant pour l’assurer que tout va bien avec elle que cette idée me fait sourire. Mes cravates sont souvent au cœur de nos jeux pervers et j’adore ça… Alors oui défaire une cravate c’est pour moi une sorte de délice. Un peu comme soulever la cloche en inox d’un plat de restaurant et déguster la délicate odeur de la nourriture qui vient de vous être servi. Une fois dans l’ascenseur je me permets de la questionner sur son état. Je lui en demande beaucoup et je ne lui connais pas de petit ami ni de petite amie… Et depuis peu, je sens une étrange langueur dans son attitude et j’espère qu’elle va bien. J’ai peur qu’elle me quitte. Elle aussi. Je tiens à sa fidélité et je veux qu’elle se sente bien et valorisée en travaillant avec moi. Elle m’appelle par mon prénom, ce qui est rare et qui signifie qu’elle se permet une familiarité. Elle me vouvoie en général même si nous étions camarades à l’université. Je crois qu’elle a besoin de mettre de la distance entre nous pour mieux gérer notre relation. Mais alors qu’elle se tend un peu, elle me déclare être amoureuse.

C’est alors une étrange sensation qui s’empare de moi. Je suis… Jaloux… Pas méchamment mais un peu mordu. En vérité, j’ai toujours pensé que Sofia craquait un peu pour moi. Et j’aimais assez l’idée qu’elle puisse nourrir du désir pour moi-même si je m’interdis catégoriquement de lui faire la moindre avance ou espérer quoi que ce soit. C’est bien trop risqué de se taper quelqu’un du bureau et Sofia est trop précieuse pour que je la risque dans une quelconque aventure… Mais je reste un peu déçu de cette info parce que je me disais que c’était moi qui avais un peu ses faveurs et en fait je me trompe. Je cherche quoi lui dire mais j’ai peur que mon amertume soudaine soit trop palpable. Je suis sans doute stupide de penser ainsi mais c’est presque incontrôlable. C’est elle qui me devance et m’explique qu’il ne sait pas qu’elle existe et que donc le boulot c’est bien. Oh… Amour à sens unique… Triste… Et stupide. Celui qui sera aimé de Sofia sera un foutu chanceux. Puis ce coup de fil et Sofia qui bascule en mode boulot. Je souris et hoche la tête.

« Juste une nuit, on mangera dans le jet et je me rattraperai pour ça. »

Je grimpe dans mon bolide et elle monte avec moi. Je commence à rouler à vive allure sans toutefois dépasser les limites. Je suis sur l’autoroute direction la partie privée de l’aéroport quand passant les vitesses je lui lance sans quitter la route des yeux.

« S’il ne te remarque pas c’est qu’il est stupide ou très con, peut-être les deux. Celui que tu aimes est un chanceux Sofia. Tu es merveilleuse et j’espère qu’il s’en rendra compte et qu’il t’aimera à la mesure de l’amour que tu lui porte. »

Petit moment de sincérité même si ça me fait mal de le dire. Je pense ce que je dis et j’estime cette femme aussi bien professionnellement qu’humainement. Je crois que j’aimerais être aimé mais ce n’est pas assez pour moi. L’amour n’est pas suffisant. Je veux une dévotion totale. Une abnégation absolue et une fidélité sans faille. Et soudain l’image de Nina me vient en esprit et me réconforte… C’est tout ça que je désire et je l’ai avec elle et c’est apaisant… Même si parfois la tempête d’émotion l’emporte. Quand j’arrive, un voiturier prend mon bolide et nous montons dans le jet. Une hôtesse et nos pilotes sont là. Je les salue et je vais m’installer. En 20 minutes l’avion décolle. Je regarde Sofia alors que l’hôtesse nous apporte nos repas. Une spécialité française un truc à la con, on verra quel gout ça a… Je regarde Sofia et pendant la durée du vol je consulte nos infos et recoupe avec elle les éléments pour la réunion. Puis je lui lance.

« J’ai fais monter des habits pour toi dans le jet, change toi si tu veux bien, il faut qu’on soigne l’apparence, je veux qu’on ne sache pas qui de toi ou moi est le patron. Et met tes lunettes ça te rend sexy et un peu sévère, ça peut être utile pour calmer les culs de ces débiles de Chicago… »

Quoi ? Un plan de bataille ça se mesure habilement…

Je ne suis pas aveugle, Malek me traite bien. Il est respectueux, compréhensif et juste. C’est le patron dont toutes les femmes rêvent et que tous les pères souhaitent pour leur fille. Il est le patron idéal, mais il pourrait être tellement plus que cela que je dois me mordre les doigts pour ne pas briser ce lien de confiance qu’il y a entre nous. Un tu as vaux mieux que deux tu l’auras… peut-être. Je ne me vois pas travailler pour une autre personne et si je dois être malheureuse pour le reste de ma vie alors soit. Est-ce que mon aveu brisera tout cela ? Je ne l’ai pas nommé et je n’ai pas menti pour me rendre plus importante. Je ne mens jamais de toute façon. Oui, j’oublie souvent de préciser les détails pour ne pas m’empêtrer dans les détails, mais je ne mens pas. Ce que les autres ne savent pas ne peut pas leur faire de mal non ? Déjà que je me fais du mal à moi-même… le pire c’est que de lui dire haut et fort que j’aime un homme qui ne sait même pas que j’existe ne me rend pas plus heureuse. Cela ne m’enlève aucun poids sur mes frêles épaules, au contraire, je me sens plus lourde, plus encombrer qu’avant. Pour la première fois depuis des lustres, je vais avoir l’obligation de lui dire que ma vie privée est et dois rester… privée.

Je n’ai pas aimé les traits de son visage quand mon aveu est tombé. Si au moins je pouvais dire quel sentiment c’est glissé dans son esprit, je pourrais le rassurer ou me féliciter. Je ne suis pas la plus habile pour déchiffrer, mais habituellement j’y arrive. Pas cette fois et pour nous aider tous les deux je reviens à parler du boulot. Une nuit, bien, manger dans le jet me va et je ne vois pas ce qu’il peut vouloir rattraper, mais c’est inutile d’argumenter. Je monte donc dans sa voiture et bien que la vitesse ne soit pas ma tasse de thé, je sais qu’il est toujours prudent alors inutile de tenir la poignée de la portière. En fait peut-être que j’aurais dû, cela aurait surement eu l’effet de détourner son attention au lieu de revenir sur mes paroles. J’écoute et ne peux retenir un doux sourire de s’étendre sur mes lèvres.

Il n’est ni con, ni stupide hélas. Vous me croyez vraiment capable d’aimer un homme stupide ? Vous me décevez, monsieur Al Mualim.

Est-ce que je me moque ? Oui, un peu et même si cela ne me ressemble pas, il m’arrive parfois de laisser un peu de jeu pimenter mes paroles. Il ne peut pas se tromper sur mon intention, mon timbre de voix joueur parle pour lui-même.

Mais j’apprécie que vous me trouviez merveilleuse…

Un aveu de plus ? J’opterais plutôt pour un remerciement sincère, cela sonne plus respectable. Une merci qui flotte un long moment avant d’être enfin rendu à destination. Nous montons dans le jet en souriant et hoche de la tête en guise de bonjour au moment où mon regard croise celui des pilotes et de l’hôtesse.

Votre petite fille a-t-elle aimé son présent ?

Il m’explique que non seulement elle a aimé, mais qu’elle ne peut plus dormir sans sa petite banane en peluche. Elle adore les bananes et j’ai craqué pour une peluche lors de notre dernier voyage. Un autre sourire avant d’aller m’installer à mon tour. Une fois en vol et après avoir mangé ce je ne sais quoi au gout amer, nous avons discuté des éléments importants pour la réunion. J’ai profité des temps morts pour préparer quelques graphiques et pour débuter l’ordre du jour de la prochaine réunion des cadres. J’en suis d’ailleurs à la moitié quand Malek reprend. Habituellement je le regarde quand il me parle, mais pas cette fois et je ne le regrette pas. Soigner notre apparence ? Oui, OK, je veux bien, mais j’ai bien entendu pour le reste ou je fabule là ? Une fois sa voix éteinte, ces paroles continuent de tourner en rond un court moment.

Oui bien sûr, je vais aller me changer maintenant puisqu’on est presque arrivé.

Je décode encore ces paroles, me lève et sans trop réfléchir décide de lui renvoyer l’ascenseur.

Et bien Malek, veuillez terminer l’ordre du jour et ensuite libérer mon agenda de demain, je dois me rendre a New York pour affaire.

Je lève le nez en l’air, prends un air que je veux sévère et me félicite pour cette voix presque froide et hautaine.

Oh… ce sera un muffin aux canneberges avec mon café et ne vous trompez pas comme la dernière fois, parce que je risque d’être moins conciliante.

Je me dirige vers la chambre tout en laissant mon rire briser le silence avant même d’y être rendu.

Sexy et sévère…

Je rigole de plus belle tellement le costume que j’essaie d’enfiler ne me va pas du tout. Sérieux, oui. Rigoureux, oui. Ferme ? Si on étire un peu la sauce, oui. Sévère ? J’en ai peut-être l’air, mais c’est bien tout ce que j’ai qui peut lui ressembler et encore, c’est si je garde le silence. J’enfile donc les habits, mets mes lunettes et attache mes cheveux en chignon serré derrière ma nuque. J’ai beau me regarder dans le miroir et je ne vois rien de tel. Je retourne vers lui et cesse mes pas à quelques mètres.

J’ai l’air d’un imposteur ou ça va ? Et si vous m’expliquez votre plan de match ?

J’adore Sofia et si je me suis retenue tant de fois de la basculer sur mon bureau et de la baiser sans retenue, c'est sans doute parce qu’elle est si « importante » que je ne pourrais risquer de la perdre pour quelques coups de bassin… J’adore entendre qu’elle demande des choses persos au personnel. Elle fait exactement ce que j’aime. Sofia est loyale et participe à la loyauté de mes employés. Et j’adore ça. Je lui explique ce que nous allons faire et que je veux qu’elle soigne l’apparence. Sofia est une bombe atomique qui s’ignore. Son corps est celui d’une diablesse et son visage celui d’un ange. Son intelligence la rend divine et merveilleuse et ce mec qu’elle aime à sens unique est juste un gros con qui ne comprend rien à rien. Je veux qu’elle dégage une aura sexy, de désir absolu et de puissance. Je veux qu’elle donne la sensation que nous sommes des dieux descendus sur terre. On me convoque en hâte comme ça ? C’est sans doute pour me foutre un coup de pression monumental et tenter de déséquilibrer le budget à leur avantage sans doute pour la production future d’un projet en collaboration mais je vais rectifier ça d’office documents à l’appui. Sofia a largement bien bossé le truc et nous y avons mis trop d’énergie pour nous faire emmerder avec des coups de pression désuets qu’on enseigne dans de pitoyables écoles de commerce bas de gamme.

Je suis en train de finaliser des choses et regarde un message de Nina qui m’envoie une photo de son corps dans des sous-vêtements sublimes qu’elle porte sous une robe pour une pub. Elle est torride. Sofia arrive et je manque de lâcher mon portable. C’est plus que parfait et si à cet instant elle se mettait à genoux devant moi je crois que je céderai et lui offrais ma queue par principe. Ma main se crispe sur l’accoudoir de mon fauteuil alors que je la détaille du regard pendant qu’elle me fait son petit show de dominatrice. Elle se met à rire finalement et je la suis. Elle est parfaite. Elle me demande si elle a l’air d’un imposteur ou si ça va ? Je me lève et lui déboutonne un bouton du chemisier.

« Laisse pendre les cheveux. Une natte haute et les cheveux tirés pour donner envie aux mecs de s’imaginer les tirer pendant une levrette. Pense à ne pas parler beaucoup. Si on te regarde ou on te parle, jette un regard noir avant toute chose. Je veux que tu détournes leur attention sans rien faire du tout. Quand je te donnerai la parole soit juste toi car tu es parfaite et… »

L’avion a un soubresaut et je me rattrape à elle posant une main sur son sein en la plaquant au mur derrière elle. Contre elle, l’avion vibre et je reste contre elle a la regarder dans les yeux quand tout se calme et que je respire doucement retirant ma main de sa poitrine.

« Mes excuses… Si tu veux me gifler, tu en as le droit. Mais ne prends pas ça pour du harcèlement sexuel… »

L’envie de l’embrasser et de lui appuyer sur l’épaule pour la mettre à genoux devant moi me tente beaucoup et pourtant je n’en fais rien. Je me détache d’elle et retourne m’asseoir à ma place. Le vol va bientôt se terminer et j’ai hâte de me lancer dans la bataille. Putain dire que ce soir je vais devoir me branler seul à l’hôtel…

Dans le meilleur des mondes, Malek serait venu me rejoindre dans la chambre, il m’aurait regardé me déshabiller, aurait léché ces lèvres avec envie et il aurait même glisser sa main sur moi un court moment avant que je ne me rhabille. Si on avait eu plus de temps, l’ange en moi aurait laissé place à ce démon qui menace de m’avaler tout rond et lentement, mes fesses se seraient posées sur le lit et mes jambes se seraient ouvertes pour l’inviter à jouer. Ce monde existe, mais seulement dans mon esprit parce que le vrai monde n’est pas fait de fantasme et d’idylle impossible. S’il pouvait voir les images de lui, de moi, de nous qui se bousculent dans mon esprit, il en serait probablement outré. Ou pas pour ce que j’en sais vraiment. Je peux l’imaginer dominant et autoritaire, c’est tout de même ce qu’il dégage, mais tout le monde sait que dans la vie de tous les jours l’on n’est pas toujours le même qu’au boulot. Je suis une exception à cette règle, hélas. Que ce soit en me levant le matin, en réunion ou assise dans un restaurant, seul, je suis et reste toujours la même. Enfin pas toujours puisqu’il semble vouloir me faire jouer un rôle. Vive la tenue d’infirmière…

Mon apparition semble l’avoir surpris, ai-je été à ce point silencieuse ? Ou alors sa concentration était ailleurs ? Mon intuition me dit que la cause se nomme Nina et cela fait naitre une petite lueur envieuse et jalouse, sentiments que je repousse rapidement, déjà honteuse de les avoir laissés naitre. Jamais il ne verra comme il voit Nina. Jamais il ne sursautera ainsi pour moi. Plus vite je vais le comprendre et plus vite mon cœur va cesser de souffrir. C’est malheureusement plus facile à dire qu’à faire.

De les tirer ? En levrette ?

Oui je sais ce qu’est la position de levrette, mais ce mot, prononcer par l’homme que j’aime, fait monter en moi des bouffées de chaleur. Ça et ces doigts qui ont déboutonné le haut de mon chemisier. Ça et le regard appréciateur. Ça et tous les fantasmes qui me passent par la tête. J’essaie d’écouter ces instructions, mais je dois avouer que c’est plutôt difficile de se concentrer quand son parfum enivre mes sens tel une drogue que je m’injecterais en sniffant. J’allais défaire mon chignon pour en faire une natte serrée quand un soubresaut nous prend par surprise.

Oh !

Un < oh > de surprise a résonné dans l’habitacle quand mon dos c’est plaqué au muret j’ai dû serrer les jambes peu après pour m’empêcher de les enrouler autour de sa taille. Je ne réponds plus de moi si l’envie lui prenait de poser son autre main sur mon autre sein. Je vais même être celle qui l’embrasse avec fougue pour lui signifier qu’il ne peut plus faire demi-tour et qu’il n’a d’autres choix que de finir le boulot. Hélas tout prend fin. Sa main n’est plus sur moi. Ces yeux ne croient plus les miens. Même ces paroles me blessent. Le gifler ? Ce n’est pas de la colère que j’ai envers lui, mais de la déception et je dois détourner le regard pour qu’il ne puisse pas y lire cette émotion. Il a le don de me lire comme si j’étais un livre ouvert…

Non non non, il n’y a pas eu de mal.

Je ne le regarde toujours pas et pendant que je parle, je défais le chignon pour me recoiffer comme il me l’a demandé.

Puis du harcèlement c’est un geste volontaire, préméditer ce qui n’était pas du tout le cas. Sans dire que la victime se doit de ne pas être consentante bien sûr. Tout va bien, je vous l’assure.

Ma coiffure est refaite, mes mains ont lissé mes vêtements et je retourne prendre place dans l’un des fauteuils afin de relire mes notes. Si je ne m’occupe pas l’esprit c’est moi qui vais lui sauter dessus est être viré pour harcèlement.

Ne pas parler beaucoup, jeter des regards noirs et rester moi-même. Personne ne va s'imaginer me prendre en levrette, c'est ridicule. Puis j'aime bien être invisible, c'est confortable.

Je marmonne afin de ne pas oublier les directives avant de reprendre la lecture de mes notes. Il a confiance en moi plus que moi-même j’en ai peur.

Je donne des indications à Sofia, je sais qu’elle est canon. Elle est clairement à ranger dans la catégorie « bombe atomique qui s’ignore » le jour où cette femme comprendra le potentiel de séduction et de charme qu’elle dégage, ça va être un sacré bordel pour le mec qu’elle voudra séduire. Il devrait tenir un quart de demie seconde ou un truc du genre… Et là, on est pris de court. La direction de Chicago exige cette réunion alors qu’ils ne sont pas majoritaires. Donc, ils ont envie d’appliquer leur stratégie pour obtenir des avantages que nous avons sur eux à San Diego. On dirait que Barclay que j’ai mis à la manœuvre à Chicago est en train de se croire plus grand qu’il n’est… Sofia fera une excellente distraction pour le perturber alors que moi, je jouerai les pères fouettards. Il joue gros cet imbécile et il va sans doute s’en rendre compte un peu tard. Alors que je donne mes indications de stratégie l’avion à un soubresaut et que me retrouve contre elle la main sur son sein. Je réalise mon geste et ne voulant pas l’incommoder en continuant de la peloter ou profiter de la situation, je présente mes excuses et l’autorise à me gifler en réaction à mon geste. Elle me répond que non et qu’il n’y a pas de mal. Elle se tourne et ajuste sa coiffure alors que je réalise que sa poitrine est sans doute très peu mise en valeur parce que dans ma main son sein était largement confortable et doux à serrer.

Elle me déclare que le harcèlement est un geste volontaire prémédité et qui n’est pas dû au hasard. Je la regarde en souriant alors qu’elle rajoute que la victime ne doit pas être consentante et je m’amuse alors qu’elle termine sa coiffure en lissant ses habits avec ses mains et que je lui lance d’une voix basse qui fait que je ne sais pas si elle entend ou non ma phrase.

« Et donc tu es consentante ? »

Complètement inapproprié, mais c’est compliqué parfois de faire taire ma nature. Je change de mood presque immédiatement parce qu’elle résume les choses avec son rôle. Je sais qu’elle a tout entendu et qu’elle va faire au mieux et parvenir à tout assurer sans souci. Quand nous arrivons je délaisse le chauffeur qu’on nous a envoyé. Encore un moyen de mesurer notre arrivée. Je vais louer une voiture que je conduis. Je rentre dans mon personnage alors qu’on se rend au parking de la société. Je me gare et nous prenons l’ascenseur. Ils ne savent pas que je suis là où s’ils viennent de le découvrir, ils vont être pris de cours. Nous grimpons les étages dans l’ascenseur et je lui lance sans la regarder.

« N’oublie pas, sévère et torride. Pour le reste, soit toi-même quand tu devras parler, ton expertise et ton savoir-faire fera le reste. »

Je sais qu’elle est la meilleure. Sinon je ne l’aurais pas à mes côtés et je ne ferai pas tout pour lui donner tous les avantages qu’elle mérite et plus encore. Quand nous entrons les membres du comité sont là mais ne sont pas encore tous entrés. Je serre les mains de certain et Barclay approche tout paniqué et pris de court. Il me dit qu’il a été surpris de ma manière de faire en renvoyant le chauffeur et en ne m’annonçant pas.

« Il serait étrange que je m’annonce pour entrer chez moi non ? »

Petit sourire je lui tapote l’épaule et entre. Je m’installe au hasard me moquant d'où ils avaient mis ma place. Je suis arrivé en avance donc je ne prendrai pas la dernière place et vu la disposition ils voulaient faire un placement de moi face à eux comme un tribunal. De vrais touristes… Je regarde Barclay et avant que tous le monde ne prenne place je lance à Barclay.

« Alors ? Et si on m’exposait les raisons qui font qu’on exige subitement ma présence ici à Chicago alors que j’allais déjeuner ? »

Barclay commence à avoir le regard mauvais et c’est vers Sofia qu’il regarde. Aller ma belle, sors ton regard le plus noir et fais-toi remarque qu’on oublie que c’est moi le truc important dans cette pièce… Barclay se reprend et expose son bordel et c’est du vent. Un pur vent. Il veut la jouer amélioration et sécurité et si je joue à démonter ses arguments devant « Son » conseil d’administration, je passe le relais à Sofia pour exprimer pourquoi sa demande de déporter de San Diego nos différentes activités est une mauvaise idée. Ce con se voit sans doute piloter toute la cote Est mais tout restera à San Diego sous mon contrôle et comme il est en train de comploter je vais le faire dégager. Mais c’est à Sofia de briller et de lui montrer, chiffres à la clef pourquoi on va rester à San Diego et surtout pourquoi sa proposition est stupide autant que sa démarche. Je cache ma délectation parce qu’elle va le défoncer avec un brio que je lui connais.

Je ne suis pas femme capable de dire haut et fort ce qui va et encore moins ce qui ne va pas. Toutefois, cette facette de ma personne ne touche habituellement que mes sentiments et mes émotions. Oui, je ne suis pas femme à imposer mes idées ou à accuser qui que ce soit de quoi que ce soit. Je préfère de loin amasser les informations, les compiler et les disséquer pour ensuite écrire ou en expliquer les faits et les conséquences. Enfin… seulement lorsque ces faits me sont demandés. J’ai l’intelligence pour réussir à faire des liens entre ce qui pourrait sembler ne pas en avoir, surtout en business. Non… seulement en business. J’ai aussi ce qu’on appelle le sens de la loyauté et cette loyauté ne va pas à la firme ou à la famille, mais à Malek et seulement à Malek.

Est-ce que cette loyauté peut transformer la femme réservée que je suis en une lionne affamée ? Si l’on m’avait posé cette question il y a quelques jours, la réponse aurait été non, bien sûre que non. Aujourd’hui ? Je n’en suis pas aussi certaine. Si j’avais pu préparer cette réunion avec plus de profondeur, je sais que je dois vivre avec ce temps qui m’est alloué. Je comprends la stratégie de Malek, je la comprends, mais cela ne m’empêche pas mes craintes de me donner la nausée quand j’imagine ne pas en mesure de livrer la marchandise. Si seulement il pouvait cesser de me retourner les entrailles avec ces phrases à double sens… Est-ce à ce point amusant de déformer mes paroles ? Cela n’aide en rien à me donner cette confiance en moi qui me semble être absent…

Sévère et torride… Je ne dois pas l’oublier. Rester moi-même quand je dois parler, MAIS… être sévère et torride. Chez moi l’un va à l’encontre de l’autre, mais jamais je ne me donnerais le droit de le décevoir. Donc, avant que les portes de l’ascenseur ne s’ouvrent, je relève la tête et redresse le dos. Je suis prête. La pique lancée à Barklay, par Malek, me fais sourire, rictus que je retiens au mieux. Il est encore plus difficile de le retenir quand je vois mon patron prendre place ailleurs que la place réserver pour lui. Je vais la même chose, mais contrairement à mes habitudes, je ne prends place à ces côtés, mais bien sûr celle située face à ce Barklay, soit du mauvais côté de la table. Ayant attendu pour prendre l’une des dernières chaises, ce choix passe donc plus ou moins inaperçu. Son regard meurtrier ne passe pas dans l’ombre et je le regarde avec autant de noirceur. Plus il parle et plus j’ai envie de lui arracher les yeux. Ces mensonges et ces accusations à peine voilées éveillent maman ourse. Quand enfin il cesse de parler et que les regards se tournent vers Malek, je comprends que la balle est dans mon camp.

Mes excuses, messieurs et… madame…

Bah quoi ? Il n’y a qu’une femme parmi tous les < invités >, je ne peux pas les inventer.

Puisque M. Barklay semble connaitre le dossier en profondeur, mais permettez-moi de remettre les points sur les T.

Je me lève afin de paraitre plus imposante, en profites pou me pencher vers l’avant afin que leurs regards se portent sur mon décolleté plutôt que mon regard. Ce fait sera moins intimidant pour moi.

J’attends quelques minutes, soit assez de temps pour les regarder un à la fois, avant de prendre la parole. Je reprends un à un les arguments de cet homme afin de les briser. JE leur explique qu’il n’y a pas d’économie possible au niveau salariale puisque nous sommes déjà en sous-effectif et que les meilleures écoles sont à Los Angeles et San Diego. Les opportunités de ce côté sont donc plus grandes avec le statu quo. J’enchaîne ensuite avec les économies de locations, de taxes ainsi que la possibilité d’obtenir des subventions. Ahhhhhh les subventions.

M. Barklay a également avancé la possibilité d’obtenir des subventions… Je ne crois pas que la famille Greenberg verra d’un bon œil votre relation extraconjugale lorsque celle-ci sera connue du public. Oh pardon, je voulais plutôt dire que je ne crois pas le maire de la ville très heureux d’apprendre que le mari de sa fille cours deux lièvres à la fois.

Je m’attendais à ce que le mec explose, mais non, non il n’explose pas, mais il serre les poings.

Permettez-moi de non seulement vous faire un résumé des faits, mais de vous proposer également un estimé prudent des coûts et des profits futurs.

Je me tourne afin de dessiner sur le grand tableau blanc derrière moi, prenant soin de lisser le bas de mes vêtements… lisser et glisser mes mains sur mon popotin avec perversité…

Ces locaux sont désuets… Je ne comprends pas pourquoi tout n’a pas déjà été informatisé. Vous devrez donc pardonner mes calculs s’ils sont inexacts puisque je n’ai pas inclus ces dépenses dans les estimations.

Je leur dessine des graphiques avec des lignes vertes pour les bénéfices de l’option San Diego versus l’option de cet homme, puis en rouge les dépenses selon les deux options. Des deux tableaux, San Diego en sort gagnant. Est-ce que je m’arrête là ? Une fois sur le chemin de la vérité, malheureusement, je ne sais pas comment y mettre fin. Je me retourne et invite Julianna Harvey a venir me rejoindre au tableau, ce qu’elle fait avec difficulté, intimidée par ma demande. Une fois à mes côtés, je lui demande de rester là et d’attendre mon signal pendant que je contourne la table. Pendant que je me dirige à sa place, je laisse ma main glisser subtilement sur les épaules des hommes derrière lequel je passe. Une fois à sa place, je me penche assez pour que mon popotin soit vu de tous, rond, invitant etj’écarte les jambes pour les laisser pantelants.

Miss Harvey, je vous en prie, pouvez-vous confirmer mes calculs ?

Je reste debout, en position, sur le point de m’évanouir de honte.

Belle, intelligente, redoutable et fidèle… Le mec qui enfile cette femme sur sa queue est le plus chanceux de tous les connards de l’univers et je sais de quoi je parle. Je jubile intérieurement alors que Barclay s’imagine en train de me baiser lentement. Il a délicatement posé le lubrifiant et s’apprête à me la mettre. Stupide connard qui demain ira pointer au chômage parce qu’au lieu de penser collectif il a eu dans l’idée de m’enculer à sec pour devenir plus puissant et ne voit pas l’intérêt de la boite mais celui de sa propre ambition… Si nous étions au Moyen Âge je crois que je lui aurais fait manger sa propre paire de couilles… Mais il me semble que c’est beaucoup trop de procédures judiciaires dans ce pays… Tout est habilement détaillé et j’ai la sensation d’être seul devant un tribunal. Tout le monde me regarde et le fait que Sofia qu’on connait comme mon assistante soit de l’autre côté de la table semble vouloir dire que je vais être le seul à parler et qu’elle prend des notes. Et je pense que tout le monde se tend pour voir ma réaction alors qu’ils ont compris ce qu’il se trame et qu’ils viennent tous d’oublier Sofia. Arrive le moment ou je vais devoir répondre et ou je laisse un long silence s’installer alors que je fixe Barclay sans un mot. C’est instant que Sofia choisi pour briser le silence. Je souris en tournant le regard vers elle. Avant de fixer Barclay qui s’empourpre doucement. Je le regarde d’un air joueur, et oui Barclay, tu vas te faire baiser par une femme que tu ne pourras jamais te taper avec ta vieille queue mollassonne… Je sors mon téléphone et je fais mine de m’occuper alors que Sofia enclenche la démonstration, mais rapidement je le dépose pour l’écouter.

Je réalise alors qu’elle parle que j’ai l’assistante la plus parfaite et merveilleuse qu’il soit possible d’avoir. Elle est intelligente, elle réfléchit bien et elle est ultra-compétente. Elle manque d’assurance dans son jeu de séduction mais sa maladresse me fait sourire et son physique de déesse rends tous les mecs et les nanas complètements dingues. Elle démonte Barclay et ses idées en révélant sur quoi elles se basent et ainsi le conseil d’administration comprend que son analyse et ses propositions ne sont qu’une manipulation de magouilleur et non le fruit d’une réflexion intelligente et fine. Mais Sofia va au-delà. En quelques minutes elle a pris les chiffres de la présentation de merde et la voilà qui se met en place pour expliquer les choses. Le one-woman-show commence et je m’en délecte. Barclay ne peut pas l’ouvrir car il a été confondu et maintenant elle déroule et je jubile intérieurement. Elle termine par une posture sexy en invitant la jeune femme qui s’occupe des bilans statistiques de confirmer ses calculs et alors que tous bavent sur le cul divin de Sofia, la jeune femme se met en action et me démontre qu’elle est une véritable perle et que malgré sa timidité elle est largement au niveau. Je jette un regard entendu vers Sofia avec un petit sourire alors que je me souviens de son insistance pour l’embaucher et je me félicite d’avoir fait confiance à l’étourdissante brune qui fais baver les mecs ici.

Le silence retombe et Barclay est cramoisi. Je me lève et boutonne ma veste avant de regarder mon téléphone pour ensuite me tenir droit.

« Merci Miss Harvey et merci Mademoiselle Nassar… »

Je me tourne vers Barclay qui réalise qu’il est dans la merde. Il a perdu tout crédit, sa stratégie est dévoilée et ne tenait à rien du tout. Il se pensait génie, il n’est que crétin arrogant. Il est maintenant exposé à tous le monde et rien ne pourra le sauver.

« Monsieur Barclay on dirait que vos stratégies tombent à l’eau et que vous venez de convoquer ce conseil dans le seul but de vous octroyer une part de ma société juste parce que vous vous croyez fort et que vous baisez une autre femme que la vôtre. »

Il s’empourpre et monte en pression. Il vient de comprendre qu’il a tout perdu.

« Je viens d’envoyer un mail aux ressources humaines vous serez remercié dans 15 minutes, allez débarrasser votre bureau et si l’envie vous prends de m’en coller une, faites-vous plaisir j’ajouterai l’agression à ma plainte pour tentative d’extorsion et défaut de contrat »

Il baisse les yeux et se casse, tête basse. C’est le moment ou j’aimerais fixer Sofia et ordonner à tous de sortir pour la baiser sur cette table en bois massif de 50m de long, mais je vais réfréner mes pulsions, elle est amoureuse et lui balancer des grands coups de bassin ne va pas l’aider. Même si j’avoue qu’une bonne baise pour fêter ça serait torride. Je regarde Sofia et lui lance.

« J’attends vos propositions pour la remplaçante ou le remplaçant de Mr Barclay, Miss Harvey vous assisterez Mme Parker la vice présidente pendant l’intérim. Merci à tous pour votre présence et navré pour la perte de temps. »

Lentement les gens s’en vont parlant à voix basse alors que je reste seul avec Sofia et lui apporte une bouteille d’eau avant de m’asseoir sur le bord du bureau près d’elle la regardant amusé de la voir encore toute gênée de son numéro.

« Ce soir je paye le plus beau resto de la ville et je te laisse la suite royale au Hilton. »

Rechercher

Résultats par : Messages Sujets
Tags
Recherche avancée