Josephine & Lee

Thé fumant dans une main, ordonnances de justices dans l'autre, je me mets aux faits des derniers rebondissements d'une affaire quand mon téléphone sonne. Rapidement, la voix de Lee se fait entendre. Mon dos s'enfonce dans mon fauteuil alors que je lèves les yeux au ciel. Slaughter a parlé. Pourquoi a-t-il fait une chose pareille ? Le silence était-il trop lui demander ? J'inspire tranquillement, espérant que ces quelques secondes de silence permettront à mon interlocutrice de tempérer sa colère. - Bonjour, Lee. C'est toujours un plaisir de t'entendre prendre ce ton avec moi, de si bon matin, qui plus est. Ma courtoisie en rempart, je ne manque pas de lui faire connaître mon point de vue. Je poursuis dans la foulée. - Et pour répondre à ta question, c'est très simple, tu n'étais pas supposée être au courant.

Quelle vulgarité ! Je déteste qu'on me parle sur ce ton. Le message ne semble pas être passé. Puisqu'elle a décidé de se montrer hargneuse, je vais devoir me montrer transparente. Après, tout n'est-ce pas ce qu'elle m'a demandé lorsque nous avons commencé à collaborer. D'un mouvement souple, je me lève. J'arpente mon bureau de long en large tout en m'exprimant d'un ton ferme, mais calme au demeurant. - Tout simplement parce que si toi, tu le sais, d'autres peuvent le savoir également. Et cela, ça n'est pas possible. Maintenant fais-moi le plaisir de redevenir la femme intelligente que je connais. A ton avis, pourquoi ai-je bien pu mandater quelqu'un pour ta protection ?

Cette fois-ci, mes mots semblent avoir fait mouche pour l'apaiser un peu. Les muscles de mes épaules se détendent et je passe une main sur ma nuque. Dois-je vraiment lui dire tout ce qui s'est passé et comment cela s'est produit ? Je ne suis pas certaine que cela l'aiderait. - Je peux te dire ce que la justice sait de lui ou tu peux choisir de me faire confiance. Il m'a été conseillé par une source proche pour assurer ta protection. Je n'ai pas voulu en savoir plus, trop consciente des risques pris avec cette petite manœuvre. - Lee, moins tu en sais, moins tu auras à en dissimuler quand le procès viendra. En tant que victime, elle passera forcément à la barre. Sauf qu'en tant qu'avocate, le moindre parjure pourrait lui faire perdre son droit d'exercice.

La sincérité de ses mots me touchent. Sa douleur m'atteint de plein fouet. Je fais mienne son impuissance. J'aimerais pouvoir faire davantage pour lui assurer une véritable sécurité. Le silence s'étire quelques secondes, mon regard perdu au loin, avant que je ne me décide à répondre. - Je sais. Deux mots sans fioritures ni compassion excessive. Je fais le simple constat de ce qu'elle est en train d'endurer par ma faute. Néanmoins, si je veux rester efficace, la culpabilité ne peut pas avoir son mot à dire. - On va les retrouver, Lee. Et, quand ce sera fait, je les anéantirais publiquement. D'ici là, il faut que tu tiennes le coup. Le risque que nous avons pris en nous lançant dans ce recours collectif n'a pas été correctement mesuré. Je n'avais pas envisagé ce déferlement de haine et de violence. - Ils ne te surveillent pas. Ils assurent ta sécurité.

On les anéantira ! Clairement l'idée de revanche me donne de l'énergie. De toute manière terrorisée ou non je ne compte pas leur laisser un pouce de terrain à ces enfoirés. Ouais bah ils me surveillent pas ! C'est un peu tout comme ! Ce gars m'a dit qu'il me suivait depuis plusieurs jours sans que je le remarque ! C'était vraiment étrange. Je viens d'entrer dans mon bureau et mes chaussures volent dans la pièce avant que je ne laisse tomber un rire en disant ceci dit je serais pas forcément contre le fait qu'il me surveille de près ! Ok on peut dire que j'ai réenterré la hache de guerre. Je vais finir de préparer mon discours pour la conférence de presse de demain. On déjeune ensemble? D'un extrême à l'autre, comme souvent, me voilà de nouveau amicale et enjouée.

Je peux comprendre que la situation soit déroutante. Je m'abstiens pourtant d'ajouter de l'eau à son moulin sur ce sujet. Rien ne sert d'épiloguer puisqu'il n'y a aucune négociation à mener. Il est hors de question que je revienne sur mon accord avec Slaughter. La sécurité de ma comparse est une priorité. Braquer le projecteurs sur sa situation pourrait ne pas suffire à la mettre à l'abri. Je ne veux plus négliger le moindre détail. Je lâche un rire narquois à sa remarque grivoise. - Je m'abstiendrais tout de même si j'étais toi. Certes, Murdoch est bel homme. Je lui reconnais sans mal un certain charme. Cela ne signifie pas pour autant qu'il soit bienvenu de mélanger plaisir et affaires. Histoire de ne pas avoir l'air de jouer les moralisatrice, je précise ma pensée. - Si tu lui brises le cœur, il ne sera plus concentrée sur sa mission. Impensable que ce puisse être l'inverse. J'esquisse un sourire, qui s'élargit à sa proposition. - Faisons ça. J'aimerais te parler d'une autre victime qui souhaiterais s'impliquer dans le recours collectif. Sa situation est délicate mais je pense qu'elle est prête à se joindre à nous. Oui, dans mon monde, déjeuner signifie travailler en avalant brièvement quelque chose. - À tout à l'heure. Je marque un temps d'arrêt. - Si tu croises Jenkins, dis-lui que j'ai des factures à lui transmettre. La sécurité a un prix.