Le Tennesse, terre de légende quand on évoque la musique américaine. Blues, country... c'est le berceau d'un art de vivre que cet état du sud cultive. Je suis née à Chattanooga, mais on habitait dans un bled paumé de sa banlieue. Famille classique, mon père musicien raté, ma mère dont les rêves de devenir comédienne n'ont jamais dépassé les frontières du salon de leur foutue caravane.

Lizzie enfin Elizabeth, ma sœur Vit toujours au pays comme ils disent. Elle a jamais été foutue de finir le lycée, mais elle joue dans un foutu jazz band donc forcément elle est merveilleuse non ? J'ai plié le monde à mes pieds, je suis grimpée au sommet à force d'acharnement mais ça ils s'en foutent ! Ils n'ont même pas déménagé ! Malgré tout le pognon que je leur ai filé... Je ne comprends pas ces gens.

Bon je vais peut être un peu vite en besogne là non ? Mes parents sont des américains moyens, satisfaits par une vie très simple. Ils sont plantés devant la télé, ne savent pas dans quel sens tenir un bouquin... Alors forcément se retrouver avec moi dans les pattes ça leur a fait un choc. J'ai appris à lire toute seule, j'avais pas encore 5 ans, et ça a été une révélation. Un monde s'ouvrait à moi, tout un univers... Cette passion ne s'est jamais démentie d'ailleurs. Qu'importe l'heure du jour ou de la nuit, pour dormir un peu, je dois lire.

Mais bref, j'ai grandi et j'ai appris, vite, avec des facilités qui déconcertaient mes profs. J'ai sauté une classe, puis deux, sans que mes parents n'en comprennent l'intérêt... Collège, highschool et mon père m'annonce qu'il m'a trouvé un job ! Au diner de la ville... Et il est fier ce con ! Ravi que sa petite princesse ait un super job... J'ai la gerbe pendant qu'il parle, le thorax comprimé par l'angoisse et je fais non de la tête avant de me tirer dans ma chambre. Je prépare mes quelques affaires et je sors, par ma fenêtre. Clairement ils ne s'en sont jamais remis... que je me sois enfuie ainsi, comme une voleuse. Mais moi le Diner de Paul il me vendait pas du rêve. Ce que je voulais c'était la fac ! C'était les études ! Réussir ! Devenir quelqu'un !

Je ne suis revenue à la caravane que 9 mois plus tard (ils ont pas aimé)... non pas enceinte ou sur le point d'accoucher, je vous vois venir. Les mecs m'intéressaient pas tellement à cette période là. D'ailleurs en premier lieu, ça a été une fille. Puis une autre... j'ai capté que les mecs avaient aussi du charme quand j'ai rencontré Sam. L'humour au bord des lèvres, l'irrévérence, une intelligence acérée, un mépris total pour les convenances, rien à cirer que je sois née dans une caravane... Il m'a séduite et on a vécu une petite love story. J'étais en stage à cette époque dans l'entreprise dans laquelle il bossait. C'est la fin de mon stage qui a mis fin à notre histoire.

Les études marchaient bien, je bossais en parallèle malgré mes bourses. Dans un fucking pub anglais... ça payait pas terrible, mais parfois les pourboires compensaient. Et puis il me fallait réussir et pour ça je devais manger et avoir un toît. C.Q.F.D... J'ai bossé dans le bar de Jordan pendant deux ans, tous les week-ends et j'y ai rencontré celui qui allait devenir le centre de mon monde. Swan... mon ami, confident, partenaire, amoureux, amant... mon mari.

Je l'aimais comme une malade, j'avais 19 ans et l'impression d'être la reine du monde. Il en avait 25, une carrière qui commençait à décoller et il m'a prise dans ses bagages en direction de la Californie, c'est là- bas qu'on s'est mariés. Lui et moi, deux témoins et notre amour que je croyais indestructible. J'ai fini la fac à San Diego, pendant qu'il commençait à monter les échelons chez Qualcomm. J'y suis allée en stage pendant mon M.B.A de finance, c'était torride de trouver mon homme occupé et de lui faire perdre la tête le temps de 10 minutes torrides avant de se remettre au travail. Une fois diplômée, j'ai naturellement repris le chemin de Qualcomm mais clairement pas pour apporter les cafés et faire les photocopies.

Je suis devenue diaboliquement méthodique, pour avoir toujours trois coups d'avance. J'ai commencé par la recherche et le développement, pour en devenir responsable. Ensuite j'ai pris les labos sous mon aile et j'ai réformé pas mal de choses. Mais jamais violemment, jamais en ayant l'air de chier sur ce qu'avait fait mon prédécesseur. Une sorte de rupture douce et sans fracture. Un bon moyen de renforcer la ronronnante confiance des puissants au dessus. Je suis efficace, dévouée, inventive, mais je ne fais pas de vagues? En tout cas je sais faire en sorte qu'elles ne viennent pas les éclabousser.

Je grimpe, grimpe, ça devient une ascension fulgurante. Swan me parle de bébé... je suis littéralement choquée ! Comment peut il me demander d'abandonner maintenant? On se comprend moins bien ! Je ne le vois pas mais il vit mal que je me retrouve au dessus dans l'échelle hiérarchique. A croire que ça le castre un peu? Sans doute... C'est ce que j'ai fini par émettre comme hypothèse avec ma psy, quand j'ai découvert qui il était au fond. J'avais obtenu le graal, le pdg cédait les rênes. Il affirmait vouloir choisir son successeur chez les chefs de départements. Deux femmes, douze hommes, la parité ... enfin non pardon, la réalité !

Je me suis battue, bec et ongles et à ce jeu là, putain je sais jouer. Quand j'ai décroché le poste, je suis rentrée avec du champagne, l'envie d'une nuit torride accrochée au ventre. Il avait d'autres projets... j'ai pas voulu voir qu'on s'éloignait, que ma carrière florissante lui faisait de l'ombre... Quand j'ai compris ? Quand il a rien trouvé de mieux à foutre pour se prouver qu'il avait des couilles, que de trahir des secrets industriels de la boite. Genre parce qu'on est mariés je vais juste fermer ma gueule? Mais en fait... il m'a volé ! MOI ? je l'ai viré, sans indemnités mais sans vagues, parce que... c'était lui. C'était mon cadeau de divorce ! J'ai hésité à retirer mon alliance, à lui rendre... en fait. Mais non ! C'est le rappel permanent qu'en ce monde on ne peut faire confiance à personne. Dans quelques semaines ça fera deux ans que je suis divorcée... Comment a dit ma chère mère? Même ça tu l'as foiré ? J'ai eu envie de la frapper, ou de mourir... les deux je crois en fait.